Témoignage. Mélanie, une gilet jaune amiénoise matraquée à Paris, raconte

Publié le Mis à jour le Écrit par AP
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Ce samedi 20 avril, Mélanie Ngoye-Gaham vient grossir les rangs des gilets à Paris. Alors qu'elle défilait dans le Xe arrondissement, l'Amiénoise, membre des réfractaires du 80, a été violemment frappée à la nuque par un CRS qui menait une charge. Une semaine après, elle revient sur les faits. 

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"Bien sûr je poursuis, peut-être même que je suis encore plus motivée à poursuivre encore." Une semaine après, Mélanie Ngoye-Gaham n'a rien perdu de sa motivation, et se livre. Cette Amiénoise a été blessé à la nuque par un CRS lors de l'acte XXIII, à Paris. La blessure est encore là, le traumatisme aussi bien sûr, mais pour la gilet jaune, pas question d'abandonner le mouvement. Quitte à se mettre en danger, encore. 

Ce samedi 20 avril 2019, Mélanie prend le train à l'aube. C'est devenu une habitude, leur rituel du week-end, pour ses amis, son mari, et elle. Promis, les réfractaires du 80 ne lâchent rien, ils font même le déplacement jusqu'à Paris. Distribution de tracts, d'autocollants, la matinée commence calmement. "C’était vraiment une chouette ambiance. Nous qui avons manifesté tout l’hiver, on a eu que des manifs où on avait froid. Là, il faisait bon (…) les gilets jaunes étaient contents", assure la gilet jaune.

Le cortège - autorisé par la préfecture - se lance à 12h30. L'ambiance change. "Quand on commence à marcher, il y a des tensions." Un homme, qu'elle pense être de la Brigade anti-criminalité, (BAC), aurait commencé à l'insulter. "On a continué de marcher." Le dispositif policier surprend la jeune femme. "C’était assez impressionnant (…) ils étaient extrêmement nombreux, habillés quasiment en civil, avec un casque blanc (...) On savait pas si c’était la police, ou si ce n’était pas la police. On sentait que c’était très tendu."
 

Je vois des étoiles, et après, plus rien 

Puis vient la chute. Les minutes avant l'incident, Mélanie ne s'en souvient pas, ou plus trop. Au milieu de l'après-midi, la gilet jaune s'écroule, touchée à la nuque. "Je m’en souviens très précisément. Je me souviens d’une décharge électrique dans le cou qui a traversé ma colonne vertébrale. Je vois des étoiles, et après plus rien." 
 

Elle pense être victime d'une grenade de désencerclement, son mari la transporte à l'hôpital. Une terminaison nerveuse est touchée. Retour à Amiens. 
 

Des blessures physiques, des souvenirs douloureux 


C'est après, au calme chez elle - alors que sa chute tourne sur les réseaux sociaux, visionnées plusieurs milliers de fois - que Mélanie comprend. Elle a été victime de la charge d'un CRS. L'Amiénoise se refait alors le film dans sa tête pour comprendre. Sur la vidéo, elle distingue un papier blanc, un tract. "Je ne suis pas en première ligne, je suis dans la masse de personnes, je n’arrive même pas à me retrouver. Donc je pense que j’étais en train de le lire."

Elle se rappelle de la foule qui fait demi-tour. "A aucun moment j’ai senti que j’allais me faire charger, j’ai pas entendu de sommation alors que d’habitude, on entend une première sommation, une deuxième sommation, une troisième sommation. Là, je n’en entends pas. Je vois bien que les gens accélèrent le pas, je pense, mais moi je cours pas, je n'ai rien à craindre, je ne fais rien." 
 
Les souvenirs revenus, elle en parle à son avocate, Me Zineb Abdellatif, et décide de porter plainte contre X pour violences policières. La gilet jaune souffre d'une entorse aux cervicales, deux disques sont abîmés. De séquelles psychologiques aussi, confie-t-elle. "Je suis encore choquée aujourd’hui (...) j’ai de plus en plus peur. Je ne sais pas si c’est dû à la fatigue parce que je ne dors pas bien. Hier, j’étais dans le bus, les gendarmes ont dépassé le bus, et ont mis les sirènes. J’ai eu peur."
 

Je ne représentais aucun danger


Les yeux embués de larmes, Mélanie Ngoye-Gaham ne comprend pas comment elle a pu être victime de violences policières, "active dans le mouvement" mais "non violente". "Je ne représentais aucun danger (…) je n’ai jamais représenté un danger dans les manifestations." 

Les forces de l'ordre, ce n'est pas eux qu'elle blâme. "Ce sont des hommes et des femmes dans un uniforme mais ce sont des hommes et des femmes avant tout (...) Je n’en veux pas à la police, j’en veux à la personne qui était dans cet uniforme, explique-t'elle, et s'oppose à la violence dont sont victimes les policiersEux aussi gagnent des salaires de misère et sont dans la même merde que nous." L'Amiénoise veut des explications de plus haut. "Monsieur Castaner joue un drôle de jeu. Il épuise ses forces de police, il leur donne des contrordres, il est pas bienveillant avec eux." Quant au préfet de police de Paris : "Que ce monsieur ne reconnaisse pas les violences policières, je trouve ça immonde, je trouve ça immonde." 

"Ce dossier est scandaleux." L'avocate de Mélanie Ngoye-Gaham demande une "réponse pénale rapide" pour les injustices sociales ne perdurent pas, que l’on ne se retrouve pas avec un sentiment d’abandon de la société dans laquelle nous vivons, qu’ils ne se disent le droit c’est pour les riches, et la loi, c’est pour les pauvres."
 

Violences policières : plus de 2 000 blessés, plus de 220 enquêtes ouvertes depuis le début du mouvement 

L'histoire de Mélanie Ngoye-Gaham fait écho à plusieurs autres. Le 8 décembre dernier, Alexandre Frey est touché par un tir de lanceur de balles de défense lors d'une manifestation de gilets jaunes à Paris. Le Picard perd un oeil. 
 
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