En 2014, Goodyear Amiens fermait définitivement ses portes. Plus de 1 000 salariés se retrouvaient au chômage. Dix ans plus tard, deux d'entre eux ont accepté de nous parler et de raconter ce qu'ils sont devenus. Témoignages.
Dix ans après, André Pollard peine toujours à tourner la page. En cette date d'anniversaire de la fermeture du site amiénois de Goodyear, l'ancien ouvrier épluche la presse locale à la recherche d'articles sur l'entreprise : "Vous savez, trente ans, ça ne s'oublie pas comme ça. Je m'en souviens comme si c'était hier."
L'ex-salarié de Goodyear a travaillé à l'usine d'Amiens durant trois longues décennies. Il a gardé contact avec une dizaine d'anciens salariés : "On en parle, on se remémore des souvenirs. On se rappelle comment on pouvait travailler dans de pas toujours bonnes conditions, mais on arrivait quand même à produire du pneu. [...] Goodyear, c'était une entreprise où il y avait une camaraderie comme jamais. On était soudés. Quand un camarade avait un problème sur une machine, on donnait un coup de main. On se serrait les coudes et on produisait." Les souvenirs restent bien ancrés dans l'esprit du soixantenaire.
J'en rêve la nuit. Je me vois encore dans l'usine avec les camarades à travailler. Quand on a été Goodyear un jour, on est Goodyear toujours.
André Pollard, ancien ouvrier à Goodyear Amiens
Ses trente ans passés à Goodyear lui ont pourtant laissé d'importantes séquelles : "Pour produire jusqu'à 24 000 pneus, il ne fallait pas être faignant. [...] Quand vous faites des gestes répétitifs pendant huit heures jour et nuit sur des machines dans le bruit et dans la chaleur, à un moment donné, la facture, vous la payez un jour. En fin de carrière, le corps était fatigué, usé."
D'importantes séquelles physiques
Désormais agent de la métropole d'Amiens, André est en arrêt longue maladie. Son corps lui fait payer son quotidien rude à l'usine : "Ça a commencé par une opération du genou, après une opération de l'épaule, puis un cancer [à la prostate, NDLR] dû à l'utilisation de produits plus que chimiques. Heureusement pour moi, il est pratiquement soigné, mais d'autres collègues n'ont pas eu cette chance. Aujourd'hui, ils ne peuvent pas témoigner puisque, malheureusement, ils sont morts."
Pour Thierry Mansion, lui aussi ancien ouvrier, la transition post-Goodyear s'est faite plus en douceur. Après quatorze ans de services, il a rebondi un an après la fermeture de l'usine, presque sans regret, à la cité souterraine de Naours.
Il assure être heureux dans sa nouvelle vie : "Avant, j'étais plutôt enfermé aux néons. Ici, je suis plutôt à la lumière du soleil. C'est un souvenir qui restera toujours gravé. [...] J'ai été déçu de perdre un travail, mais ça m'a permis de refaire et de voir autre chose. J'ai eu cette chance-là, j'en suis très content."
J'ai trouvé un rythme de vie qui est complètement différent. Je suis passé à autre chose.
Thierry Mansion, ancien ouvrier à Goodyear Amiens
Deux expériences et des ressentis différents. Une chose est sûre, la période Goodyear restera dans leurs mémoires. Comme André et Thierry, 1 173 salariés ont perdu leur emploi lors de la fermeture de l'usine.
Avec Anthony Halpern / FTV