"Un chef, c'est fait pour cheffer", qui est cette colonelle qui commande la section de recherches d'Amiens et ses 48 enquêteurs ?

Céline Michta est colonelle de gendarmerie et commande la section de recherches d’Amiens qui couvre les trois départements picards. Les enquêtes pour meurtres, le grand banditisme ou bien encore les enquêtes financières sont le quotidien de cette femme et des 48 enquêteurs aguerris qu’elle commande. Rencontre.

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Passionnée, souriante, brillante, la colonelle Céline Michta a un parcours atypique et incroyable. Dans le cadre de ses études postbac, c’est vers le droit qu’elle s’oriente. Alors en licence de droit privé, elle se demande ce qu’elle va faire plus tard. Avocate, magistrate ? Elle effectue des stages et sent tout de suite que cela ne lui correspond pas : "Je me sentais un peu seule dans ces métiers, alors j’ai envoyé des candidatures pour faire un stage en Gendarmerie ou dans la Police nationale".

La Gendarmerie lui propose un stage de quatre semaines. Elle se retrouve à la section de recherches de Metz : "Ils m’ont emmenée partout, cela m’a passionnée ! J’avais trouvé ma voie, devenir gendarme".

La force de ce métier, c’est l’utilité qu’on en tire.

Colonelle Céline Michta, commandante de la S.R. d'Amiens

Céline continue ses études en droit privé, en sciences criminelles, et quelques mois plus tard, un coup de téléphone change sa vie. Le colonel Roger Lembert, qui commande alors la S.R de Metz où elle a fait son stage, l’informe que le concours Officier de Gendarmerie Universitaire vient d’être créé. Il s’adresse aux détenteurs d’un master, âgés de 27 ans au plus. Céline s’inscrit, passe le concours en 2003, le réussit et est admise à l’école des officiers de Gendarmerie nationale (EOGN).

Commander en acceptant d’être une femme

Commander, ce n’est pas inné, cela s’apprend. Si un homme peut le faire, une femme également. Céline Michta en est l’un des exemples. Aujourd’hui, la Gendarmerie compte plus de 25 000 femmes de tous statuts dans ses rangs et dans plus de 300 métiers, et elles commencent à se faire remarquer aux grades les plus élevés.

Colonelles, générales, voilà des grades autrefois réservés à la gent masculine mais de nos jours, la gendarmerie compte dans ses rangs quelques femmes générales (8 en 2024 sur 130 généraux) et de plus en plus de colonelles.

La militaire confie : "Quand je lis sur ma carte de visite Colonelle Céline MICHTA commandant la Section de Recherches d’Amiens, j’avoue que je suis un peu fière". Fière d’avoir accompli son rêve, intégrer cette force de l’armée française et d’être au service de la population : "La force de ce métier, c’est l’utilité qu’on en tire".

Nous sommes un peu des paratonnerres, nous prenons la foudre mais mettons le pied à terre pour l’emmener vers le sol. Nous devons garder la tête froide.

Colonelle Céline Michta

Elle me parle ensuite de son quotidien, de son équipe : "Nous travaillons tous les jours ensemble, le lien professionnel est très fort, les relations humaines me font grandir. Je suis éblouie, ravie, de voir comment ils me tirent vers le haut". Il existe un lien très fort entre celui qui commande et sa troupe : "Quand je les regarde faire, je me dis qu’ils n’ont pas besoin de moi, et eux me disent : « Quand vous n’êtes pas là, c’est le bordel ! » (rires)".

Celle qu’ils appellent Colonelle dans le travail de tous les jours, et la Patronne dans le privé quand elle n’est pas là, apprécie ses soldats, sa troupe. Elle ressent même de la fierté de travailler à leurs côtés : "Nos échanges de points de vue sont passionnants, constructifs, ils sont une vraie plus-value. Quand je ne suis pas contente, je le dis. Cependant, je n’élève jamais la voix. Selon leurs dires, rien qu’à ma manière de monter les marches, ils savent que quelque chose ne va pas !".

Quand je lui demande ce qui change pour une troupe d’être commandée par une femme plutôt que par un homme, elle souligne : "Je dirais que sans doute on a une sensibilité un peu différente. Peut-être que lorsqu’ils ont des soucis personnels, ils viennent en parler plus facilement. Mais vous savez, comme on dit souvent en gendarmerie, un chef, c’est fait pour cheffer ! Nous sommes un peu des paratonnerres, nous prenons la foudre mais mettons le pied à terre pour l’emmener vers le sol. Nous devons garder la tête froide."

durée de la vidéo : 00h13mn00s
Marie Sicaud reçoit la colonelle Céline Michta ©France Télévisions

>>> Voir, revoir l'émission en cliquant sur l'image ci-dessus.

 

Assumer ses décisions, c’est fondateur, cela vous forge une expérience, vous révèle à vous-même.

Colonelle Céline Michta

Dans l’émission Hauts Féminin, la colonelle Michta explique que "prendre une décision n’est pas le plus dur. Le plus dur, c’est de devoir l’assumer derrière". Ce qui a été le cas lors de sa précédente affectation à Epernay dans le cadre d’une prise d’otage. Un papa retenait son petit garçon de trois ans. Elle fait donc appel au GIGN après l’échec des négociations. Au moment de l’intervention du GIGN, le papa tire sur son fils. Heureusement, le petit n’est que blessé, mais Céline devra, plus tard, devant la justice expliquer pourquoi elle a fait appel au GIGN et donc assumer sa prise de décision. "C’est fondateur, cela vous forge une expérience, vous révèle à vous-même".

Comme tous les officiers de gendarmerie, elle a acquis des compétences et des savoirs lors de sa formation (et de ses études), compétences qu’elle ne cesse d’augmenter avec son vécu. Dire qu'elle a rencontré des difficultés pour se faire une place serait faux, mais dire n’y en a pas eu serait faux aussi, nous explique-t-elle.

Que pense sa famille de la voir aujourd’hui colonelle et commandante d’une section de recherches ? "Mon père n’aurait jamais pensé que je puisse exercer ce métier, mais alors pas du tout ! (rires). Cependant mes parents sont fiers, ils viennent à chaque fois qu’il y a une cérémonie. Ils voyagent pas mal du coup au gré de mes affectations. Mais ils ne peuvent s’empêcher parfois d’être un peu inquiets".

À quand la prochaine affectation ?

La colonelle Céline Michta sait que le premier août 2025, elle devra changer de poste. Si elle ne connaît pas encore sa future affectation, elle a néanmoins un souhait : "J’aimerais commander un groupement de sécurité publique, car si ma passion première est le domaine des enquêtes judiciaires, je voudrais diversifier, élargir mes compétences. Nous avons un bel exemple dans la région avec la colonelle Muriel Soria qui est à la tête des 1400 gendarmes de l’Oise" (NDLR : depuis septembre 2022).

Si ses prédécesseures ont été un exemple et l’ont aidée, elle souhaite faire la même chose pour les suivantes : "J’espère qu’elles iront plus facilement vers ces carrières et qu’elles se diront que c’est possible".

Céline Michta a coécrit avec Jean-Paul Valat, avocat général à la chambre criminelle de la Cour de cassation, un guide de l’enquête pénale 2023/2024, paru en mai 2023. Ce guide, qui s’adresse à tous ceux qui jouent un rôle dans l’enquête pénale qu’ils soient enquêteurs de terrain, magistrats en charge de la direction et du contrôle desdites enquêtes, avocats veillant au respect des règles protectrices des droits de leurs clients, mais aussi aux universitaires et étudiants qui s’intéressent à ce domaine, est une approche novatrice des actes d’investigations, quel que soit le cadre juridique. Il a d’ailleurs reçu le prix du livre de la pratique juridique en 2023.

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