Trois semaines après l'incendie qui a détruit le centre d'insertion Synapse 3i d'Amiens durant les émeutes urbaines, les salariés de l'association s'expriment dans un clip vidéo sincère et fort. Une cagnotte a été ouverte pour aider au rachat de matériel. Des locaux provisoires ont été trouvés.
Ils apparaissent immobiles et dignes devant les locaux brûlés de Synapse 3i. Sur les images de leurs visages impassibles, ils racontent ce que représente le centre d'insertion amiénois à leurs yeux. Ces sept encadrants techniques d'insertion ont accepté de témoigner face caméra devant ce qui fût leur atelier.
"Synapse pour moi, c'était une famille. Une famille où il y avait de la joie de vivre et où on a réalisé de beaux projets tous ensemble", confie Estelle, encadrante technique d'insertion et coordinatrice couture. Pour Lionel, encadrant technique d'insertion en reconditionnement numérique, "Synapse donne une chance aux personnes à qui l'on fermerait les portes dans le monde du travail ou de la formation".
Le 29 juin dernier, 98% des locaux de Synapse 3i situés au sud-est d'Amiens, dans la Somme, ont brûlé au cours des émeutes urbaines consécutives à la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre. Les ateliers broderie, ébénisterie, tapisserie, ou encore recyclerie ont été entièrement détruits. "Notre association permettait à plus de 90 familles en difficulté d'avoir un emploi, un salaire et des perspectives", expliquait son directeur Jean-Pierre Motte sur notre plateau le 29 juin.
"Je voulais montrer que même si Synapse avait brulé, Synapse avait toujours envie"
Pour aider Synapse 3i à se relever, une cagnotte a été mise en place, et cette vidéo créée pour la promouvoir et donner la parole à ceux qui font vivre l'association. "Je voulais montrer que même si Synapse avait brulé, Synapse avait toujours envie et était motivé. J'ai eu l'idée de filmer chaque encadrant technique d'insertion devant son poste de travail brûlé, en leur demandant d'expliquer ce qu'est Synapse pour eux dans la vie de tous les jours", explique Julien Beuvry, président de l'agence de communication amiénoise JMG, qui a réalisé gracieusement ce clip.
Membre du conseil d'administration de Synpase 3i depuis un an et demi, Julien Beuvry a voulu "aider à [s]a manière" la structure. Le clip a été tourné en moins de deux heures le 13 juillet dernier et monté dans la foulée. "Je voulais réaliser une vidéo simple et sincère, qu'ils parlent librement. Je souhaitais aussi produire quelque chose d'un peu déroutant visuellement entre leur discours et cet engouement réduit en cendres", détaille le réalisateur, qui espère que son travail suscitera de l'émotion.
Une musique récompensée aux Oscars 2023
Pour la musique, Julien Beuvry s'est tourné vers le pianiste et compositeur allemand Volker Bertelmann, qui a remporté l'Oscar de la meilleure musique originale pour le film "À l’ouest, rien de nouveau" lors de la 95e cérémonie des Oscars en 2023. "J'avais beaucoup aimé le film. Cette musique a été ma référence pour ce projet donc pourquoi pas avoir l'originale ?"
Il trouve le contact de l'agent du compositeur à qui il explique l'objet du clip. Et ce dernier lui répond dès le lendemain. Volker Bertelmann donne son accord pour la cession des droits. Il ne reste plus à Julien Beuvry qu'à obtenir l'aval de Netflix UK et de Netflix US pour l'utiliser gratuitement dans son clip pendant un an. L'affaire est réglée en moins d'une semaine. "C'est un petit plus non négligeable dans la vidéo", se réjouit le réalisateur.
"Il y a un vrai traumatisme"
"Nos encadrants qui se sont exprimés avaient besoin de sortir les mots. Je pense que ça les a aidés", souligne Jean-Pierre Motte, le directeur de Synpase 3i. "Il y a un vrai traumatisme. J'ai des collègues fatigués moralement et qui se posent des questions sur l'avenir", ajoute celui qui a demandé un soutien au niveau de l'État pour les salariés qui auraient besoin de parler à des psychologues.
La reconstruction du centre se chiffre à plusieurs millions d'euros. Si l'assurance va permettre de rembourser une partie du matériel qui a brûlé, "il manquera 15% du budget", précise Jean-Pierre Motte. Au 23 juillet, la cagnotte s'élèvait à 5 318 euros. "Elle va nous permettre de compléter, de racheter du matériel de production comme des machines à coudre", explique le directeur qui cherche actuellement de l'aide auprès de la Ville et de la Région.
Un local provisoire trouvé dans le quartier Nord
Le directeur se réjouit cependant. Un local provisoire de 2 000 m2, situé dans le quartier Nord d'Amiens, a été trouvé. Le bail devrait être signé au cours de la semaine du 24 juillet. "L'objectif est que 40 personnes de l'atelier couture et broderie puissent reprendre leur activité d'ici mi-septembre", espère Jean-Pierre Motte.
"La région va nous envoyer un véhicule sept places pour véhiculer les salariés qui en ont besoin jusqu'au quartier Nord", précise-t-il. En attendant la réouverture du centre, les 110 salariés de Synapse 3i recevront leur salaire complet habituel, assure le directeur.