Trop d'écrans, pas assez d'activité physique chez les enfants et les jeunes : un constat devenu aujourd'hui banal qui est pourtant un enjeu de santé publique. Dans certains établissements scolaires de la Somme, des intervenants extérieurs viennent proposer des activités en plus des cours d'EPS.
On ne se croirait pas dans une salle de classe, mais dans un studio de danse. Sur un air de Bruno Mars, les élèves se déhanchent, lèvent les bras et poussent même la chansonnette. Au collège Louise Michel à Roye, une option nouvelle, expérimentée en 2022, a convaincu l'établissement. Deux fois par semaine, une animatrice extérieure vient proposer des cours de zumba à ceux qui sont le plus éloigné de la pratique sportive. "Souvent, je les incite à crier, à chanter. Je donne quelques compliments si je vois que certains lâchent. On est constamment obligés de les motiver ", explique Annabelle Pringuet, dirigeante de Cohésion Forme.
Les élèves choisissent les musiques, jouent les professeurs, s'affrontent même dans des battles. Impensable pour certains au départ : "Moi ça m'aide à être moins timide et à m'entraîner devant les autres parce qu'avant, j'étais vraiment très très très timide", "J'aime bien danser, et en plus, quand je retourne en cours, je suis calme vu que ça défoule notre énergie".
C'est plus cool que dans un club strict et je trouve que l'ambiance est meilleure. Il y a aussi le prix. Ici, c'est gratuit.
Un élève en cours de zumba
Le professeur d'EPS avoue avoir eu peur au début en voyant cette nouvelle mission confiée à une entrepreneure, mais il remarque que ses élèves changent peu à peu. "Je pense que le fait que ce ne soit pas un professeur, mais que ce soit quelqu'un d'extérieur, ça joue aussi beaucoup. Ils n'ont pas le même relationnel avec l'animatrice qu'avec nous. Elle fait des choses que, nous, on n'arriverait pas forcément à faire. Les élèves se lâchent un peu plus ici, ils ne se sentent pas dans le collège en fait et forcément c'est quelque chose en plus", observe Ludovic Mathon, professeur d'EPS au collège Louise Michel à Roye.
"Tout le monde part au même niveau"
Même constat au collège Louis Jouvet à Gamaches dans la Somme. "On n'a pas la même relation qu'avec un professeur. Il n'y a pas une recherche de performance avec une note. C'est plus du jeu et souvent, je pratique avec eux", raconte Cédric Pollin, éducateur sportif et directeur de la base plein air de Gamaches. Deux fois par semaine, il intervient auprès des élèves internes de l'établissement. L'activité pratiquée change selon les saisons : "Aux beaux jours, en septembre-octobre et mai-juin, les élèves viennent jusqu'à la base nautique qui est à 700 m du collège. Ils font du canoë, du kayak, du paddle. Sur la période hivernale, je me déplace sur le collège pour faire des activités qui sortent de l'ordinaire comme du hockey en salle, de l'ultimate, du flag football, du tchoukball ou encore du speedball."
Et là aussi, à en croire l'intervenant extérieur, les jeunes semblent séduits. C'est la deuxième année consécutive que l'établissement propose ce dispositif : "Ils sont volontaires pour faire ces activités. Ils arrivent en courant. Ils sont intéressés parce qu'ils ne connaissent pas du tout." La découverte des activités, une chance pour l'égalité selon Cédric Pollin : "Tout le monde part au même point, au même niveau. Comme ce sont de nouvelles activités, les élèves qui, d'ordinaire ont des difficultés en EPS, ne se sentent pas forcément en retrait par rapport aux autres. Il y a une bonne dynamique."
Un dispositif pointé du doigt par les syndicats
Le dispositif "2 heures de sport en plus au collège" avait été annoncé en avril 2022 par le président de la République dans le but de remettre les jeunes au sport et diminuer la sédentarité. Il est actuellement expérimenté dans 700 établissements en France. Selon Guillaume Ancelet, professeur d'EPS à Chaulnes et secrétaire départemental de la FSU 80, ce programme n'est pas viable : "Il y a certes un cadre beaucoup moins éducatif qu'en cours d'EPS, mais est-ce que, pour les élèves les plus en difficulté, la pratique sportive va tenir dans le temps ? Je n'en suis pas sûr."
"Le plaisir que l'on peut trouver dans le dispositif, on l'a déjà avec les associations sportives des collèges et lycées, l'UNSS. Il y a des rassemblements le mercredi autour de plein de sports différents : on a de la danse, de la natation, de la course... Aujourd'hui, on freine ces activités parce que les lycéens ont cours l'après-midi. Et on crée des dispositifs, comme les deux heures de sport en plus, qui ne sont pas proposés à tout le monde et pas dans tous les collèges", regrette-t-il.
Pour le syndicat des professeurs de sport, qui réclame des heures d'EPS en plus depuis un moment, cette mesure est insuffisante : "Si on veut des élèves plus sportifs, on peut renforcer le nombre d'heures de cours d'EPS. Ça, ça demande des enseignants, et non des bénévoles. Aujourd'hui, les élèves de 6ᵉ ont quatre heures de cours, les autres collégiens trois heures et les lycéens entre deux heures et deux heures et demie. Nous, on revendique quatre heures pour tous les élèves."
"Les non-sportifs peu attirés par le dispositif", conclut un rapport
Sonia Louhab, chargée d'études et d'évaluation à l'Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), a établi un rapport d'évaluation sur la première année du dispositif. Un document de 55 pages qui présente les résultats d'une enquête qualitative confiée au cabinet Pluricité, parus en mai 2023.
La satisfaction globale est élevée : 92 %. Une majorité des élèves a constaté des effets positifs sur leur santé et deux tiers rapportent avoir une meilleure confiance en soi. Mais le constat est sans appel : "Le dispositif vise explicitement les publics les plus éloignés d'une pratique sportive. Il ne parvient cependant à en toucher qu'une faible minorité. La part des non-sportifs, ne pratiquant aucune activité physique et sportive, s'élève à 10 % des participants au programme." Par ailleurs, une majorité des élèves (61 %) a participé aux séances de manière régulière, mais 22 % y sont venus de façon plus "sporadique" et 17 % sont qualifiés de "décrocheurs" car ils ont arrêté.
Des élèves de plus en plus sédentaires
D'après l'enquête "Je sais" de l'observatoire régional de la santé et social (O2RS), 60 % des élèves en classe de 6ᵉ pratiquent une activité physique régulière et la moitié seulement des secondes. "L'objectif est de diminuer l'incidence des maladies cardiovasculaires, cancers, diabètes, mais également de renforcer le sentiment de bien-être, de diminuer les difficultés de santé mentale, d'anxiété qui sont des choses que l'on voit en augmentation", insiste Maryse Burger, médecin conseiller technique du recteur de l'académie d'Amiens.