Crise sanitaire, Brexit : dans la Somme, le tourisme mémoriel a du mal à survivre sans les Anglo-saxons

Les lieux de mémoire des deux guerres mondiales, nombreux dans la Somme, sont désertés depuis de longs mois par les touristes anglo-saxons, et l'activité peine à reprendre. Une conséquence directe de la crise sanitaire et du Brexit, qui met en péril le secteur du tourisme mémoriel.

Les guides touristiques spécialisés dans les sites de mémoire ont le blues. Depuis plus d'un an et demi, ils se sentent bien seuls dans les allées des cimetières militaires et sur les lieux des champs de bataille des deux guerres mondiales. Sylvestre Bresson, guide spécialisé et fondateur de l'entreprise Terres de mémoire, peut en témoigner. D'abord ralentie par le Brexit qui a fait chuter le nombre de visiteurs britanniques, son activité s'est brutalement arrêtée en 2020 avec l'arrivée du Covid-19. 

Une reprise très lente

La levée de certaines restrictions et l'arrivée du vaccin n'ont pas suffi à sortir la tête de l'eau. La reprise est très lente : il n'a retrouvé que 5% de son activité d'avant la crise sanitaire. "L'essentiel de notre clientèle est anglosaxonne, beaucoup d'Australiens, de Canadiens et d'Anglais, des gens qui ne revoyagent pas encore. C'est difficile, c'est long, et ça met en péril la pérennité de l'entreprise."

Pour garder la tête hors de l'eau, il a fallu prendre des décisions difficiles, à commencer par le licenciement d'une salariée. "C'est difficile humainement, surtout quand c'est quelqu'un qu'on connait bien et qui fait partie de la boite depuis 10 ans, mais on n'a pas eu le choix", regrette-t-il. Son associé a trouvé un emploi à plein temps, et lui travaille désormais comme chauffeur VTC à mi-temps. Des solutions temporaires qui leur permettent d'assurer la pérennité de leur entreprise. "J'ai un toit, j'ai une maison et quelques économies, je ne suis pas le plus à plaindre, mais je fais ça pour mon entreprise, pour qu'on puisse continuer plus tard, c'est le plus important.

Il reste tout de même optimiste pour l'avenir. "On tient le coup en attendant une reprise. Les gens revoyageront quand ce sera possible, cette histoire est tellement importante pour les gens qui viennent d'Australie, d'Angleterre et des États-Unis qu'il est certain qu'ils reviendront. Mais ça prendra du temps, peut-être même plusieurs années, pour revenir au niveau d'avant le Covid."

Une manne financière perdue

D'autant que le tourisme mémoriel connaissait un véritable engouement depuis 2014 : le centenaire de la Grande Guerre avait dopé le nombre de visiteurs. En 2018, on estimait à 70 millions d'euros les retombées économiques en Hauts-de-France, dont les deux tiers grâce aux touristes étrangers. Accompagné d'investissements massifs de l'État, le secteur espérait bénéficier de "l'effet centenaire" encore quelques années. Alors la crise sanitaire a fait l'effet d'un coup de massue sur ces ambitions.

D'après l'office de tourisme de la Somme, le mémorial de Beaumont-Hamel et l'Historial de la Grande Guerre de Thiepval ont respectivement enregistré une baisse de 82 et 87% en 2020. À titre de comparaison, les lieux emblématiques du département comme la cathédrale d'Amiens ou le parc du Marquenterre ont perdu environ 40% de leur nombre habituel de visiteurs la même année.

Un peu d'espoir pour 2022

Au musée Somme 1916 d'Albert, leur absence se ressent également. Le nombre de visiteurs a été divisé par trois. "Avant le Covid, on avait 40% de clientèle britannique, et depuis, on ne les a pas vraiment revus, explique le propriétaire Thierry Gourlin. Il y avait déjà eu l'effet du Brexit, et depuis mars 2020, on n'avait plus vu plus d'Anglais ici. Ça commence à revenir tout doucement, vraiment tout doucement."

Dans les allées presque vides du musée, on entend en effet quelques voix parler dans la langue de Shakespeare. De quoi lui donner un peu d'espoir : "il faut être positif, je pense que ça va revenir en 2022. Il y a déjà les sorties scolaires, depuis septembre, les écoles reviennent. Il y a encore du chômage partiel bien sûr, mais je ne me plains pas. L'État nous aidés, et comme c'est un musée auto-financé, ça nous a permis de survivre. J'ai aussi contracté un prêt garanti par l'État, que je n'ai pas encore utilisé et que j'espère ne pas utiliser. J'espère rééquilibrer les comptes en 2022."

Autre raison d'y croire : fin octobre, les autorités australiennes ont annoncé l'assouplissement des règles pour quitter le pays. Les Australiens, très impliqués dans le devoir de mémoire, pourraient donc revenir bientôt sur les champs de batailles où sont tombés leurs ancêtres. 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité