"Dans 50 ans, il n'y aura plus de hêtres ici" : face au changement climatique, les forêts doivent s'adapter

Clément Crété est pépiniériste dans la Somme. Depuis quelques années, il ne produit plus de hêtres mais des chênes, plus résistants au nouveau climat des Hauts-de-France.

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"Le chèvrefeuille, c’est un ennemi dans les plantations, explique Clément Crété en arrachant la plante enroulée autour d'un jeune tronc à l'aide d'une serpe à débroussailler. Alors que la ronce, c’est le berceau du chêne. Donc on essaie de trouver un équilibre entre les chênes et la ronce: elle va rester autour de l’arbre, elle va protéger le chêne et améliorer sa croissance".

Des espèces à la génétique locale

La mission de Clément Crétet est délicate. Selon un rapport de l'inventaire forestier national publié en 2023, l'état de santé des forêts françaises ne cesse de s'aggraver. En décembre 2020, un plan de relance a été mis en place pour lutter contre le dépérissement forestier et financer le reboisement.

Régulièrement, il inspecte sa forêt de plantations. Sa passion pour le reboisement, le jeune pépiniériste en a fait son métier il y a 20 ans. Un long travail de sélection qui commence dans les forêts privées ou non du secteur, au pied des arbres.

"Notre philosophie, c’est de travailler localement et avec des génétiques de plantes locales. On repère des forêts qui sont naturelles, où on trouve des individus sauvages et spontanés qui se sont bien développés et qui présentent également des qualités génétiques intéressantes, précise-t-il. On récolte les fruits des arbres. C’est vraiment un acte de production parce que ça représente le travail de cinq personnes pendant cinq jours parce que c’est un ramassage à la main. C’est très rudimentaire comme exercice parce qu’il faut les ramasser à terre mais c’est fondamental pour notre métier. Pour toutes les espèces, on fait comme ça."

Une fois les meilleurs fruits sélectionnés, ils sont mis en pleine terre à la pépinière. Au bout de deux ans et plusieurs "soins" pour s'assurer la survie de l'arbre, les glands deviennent des plans de 30 à 80 centimètres de hauteur qui vont pouvoir être installés chez le client.

Planter des espèces plus résistantes

Tous les arbres plantés par Clément et son équipe sont nés dans la pépinière de Lagresguimont-Saint-Martin. Un million y est produit chaque année. Mais le reboisement doit aussi s'adapter à une nouvelle donnée : la crise climatique.

S'il récolte tous les fruits d'arbres et d'arbustes indigènes comme le noisetier, l'aubépine ou encore le cornouaillier pour les préserver, Clément Crété s'est en effet spécialisé dans la production de chênes pubescents et de chênes sessiles. Un choix qui peut paraître original dans une région comme les Hauts-de-France, où le hêtre est l'espèce prédominante. Mais les changements climatiques l'ont fragilisé.

"Le chêne est plus adapté à ce changement. Le chêne sessile, on le plante pour remplacer le hêtre parce que, dans 50 ans, je pense que le hêtre ne sera plus présent dans nos bois, se désole Clément Crété.

Ces dix dernières années ont été terribles pour le hêtre, avec cinq canicules en dix ans, des tempêtes, des pluviométries plus excessives l’hiver et plus sèches l’été.

Clément Crété, pépiniériste

À cause de cela, "la masse foliaire a été réduite de 50% sur certaines zones. C’est une mort mais malheureusement une mort certaine qui attend nos futaies de hêtres. Et la plantation de chênes va en partie répondre à renouveler notre couvert forestier qui est hyper important pour nos sociétés. Il faut s’y prendre dès maintenant. C’est même déjà un peu tard", regrette le pépiniériste.

"Mais mieux vaut tard que jamais. Le chêne résiste mieux aux épisodes de sécheresse et aux températures élevées. (...) Dans certaines zones, on a des chênes pubescents et des chênes sessiles avec des hêtres et on voit bien la différence : on voit bien que les chênes résistent mieux."

Un nouvel élan pour "un métier qui a du sens"

Ce savoir, Clément Crété le tient de son père, fondateur en 1976 de la pépinière qu'il codirige désormais avec son frère, Pierre. Longtemps, le métier de pépiniériste n'a pas vraiment nourri son homme. Mais depuis trois ans, il a retrouvé un élan économique grâce notamment à plusieurs plans de relances annoncés par le gouvernement, comme celui de planter 1 milliard d’arbres d’ici 2032.

Reboisement, plantation de haies, boisement de pâtures ou de terres agricoles. Les incitations à l'adaptation climatique et écologique bénéficient au secteur. "La plupart des chantiers, c’est entre 1000 et 4000 plants, un à 4 hectares en planter forestier. On fait aussi de plus en plus de plantations de haies pour les agriculteurs. On a dû planter 200 km de haies. Ça fait en moyenne 1000 à 3000 mètres par agriculteur, compte Pierre Crété.

C’est une bonne pratique qui se développe de plus en plus. Il y a eu un plan de relance forestier et dans les haies. Donc, depuis 2 ou 3 ans, la demande a à peu près doublé. On a profité de cette demande et ça nous a permis d’embaucher 12 CDI en 3 ou 4 ans.

Pierre Crété, pépiniériste

Dans les Hauts-de-France, les forêts s’étendent sur 481 000 hectares. Soit 15% de la surface de la région. La famille Crété n'en a donc pas fini avec son activité de reboisement. Une activité qui va bien au-delà du domaine purement économique : "on est heureux de faire ce métier, de planter des arbres pour sauver notre planète et notre futur. On sait qu’on fait une bonne action. On fait un métier qui a du sens", conclut Pierre.

Avec Lucie Cailleret / FTV

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