La chapelle de Bussus-Bussuel a révélé un passé plus riche que prévu lors d'un sondage archéologique réalisé au début de l'automne. Les restes d'un enfant, un sarcophage et un ancien puits ont été mis à jour, dans l'attente du rapport de fouilles. Les participants espèrent pouvoir continuer les recherches l'année prochaine.
C'est une petite chapelle de pierres blanches qui surplombe la plaine agricole, nichée entre quelques arbres, à deux kilomètres au sud du village de Bussus-Bussuel dans la Somme. Il y a trente ans, c'était une ruine au bord de la disparition. Mais une association de passionnés d'histoire locale l'a restaurée.
L'association des amis du moulin et de la chapelle d'Hémimont souhaite y installer un sol en bonne et due forme, à la place des briques posées sur la terre battue qui jonchent actuellement son intérieur. Mais avant cela, ses membres étaient curieux de savoir ce qui pouvait être caché sous la surface du bâtiment et dans ses environs. Ils n'ont pas été déçus : en une semaine, les fouilles ont mis à jour de nombreux ossements, dont ceux d'un enfant, les traces d'autres bâtiments beaucoup plus importants ainsi qu'un vieux puits oublié de tous.
Le squelette d'enfant révèlera bientôt ses secrets
Mené pendant une semaine début septembre, ce sondage a bénéficié de l'expertise d'un archéologue détaché par Amiens métropole, Arnaud Petit. Quelques bénévoles venus de toute la France étaient présents pour gratter minutieusement la terre et étiqueter tout ce qui en sortait. C'est dans une tranchée creusée au nord de la chapelle, ouverte pour savoir s'il y avait là des éléments de maçonnerie plus anciens que l'actuel bâtiment, qu'ils ont trouvé l'enfant.
"On a trouvé un contrefort, qui fonctionnait probablement avec le bâtiment antérieur, se souvient Arnaud Petit. On a trouvé aux pieds de ce contrefort une terre un peu plus sombre où apparaissait une petite sépulture." À l'intérieur, de petits os humains. "L'enfant aurait entre cinq ans et sept ans, ce qui ne permet pas de connaître le sexe, poursuit l'archéologue. On a prélevé une dent qu’on a envoyée pour une datation au carbone 14 très précise. Cela devrait prendre deux à trois mois." La chapelle actuelle date du XVIIIᵉ siècle. Le contrefort, plus ancien, pourrait dater de la fin du Moyen Âge ou du début de la Renaissance.
Il y avait au moins un coffrage en bois, il était recroquevillé sur lui-même, donc il y avait probablement un linceul.
Arnaud PetitArchéologue - Amiens métropole
"J’espère que l’on saura pourquoi il est là, comment il est arrivé là", sourit Magali Demeulenaere, présidente de l'association des amis du moulin et de la chapelle d'Hémimont. Les ossements de l'enfant sont conservés au service archéologie d'Amiens métropole, où une anthropologue les étudie pour tenter de percer les secrets de sa vie et de sa mort.
"On peut en tirer énormément de conclusions sur les maladies, le mode de vie, de travail, l’alimentation, le mode de pensée aussi, selon comment l’individu est enterré, se projette Arnaud Petit. Là, il y avait au moins un coffrage en bois, il était recroquevillé sur lui-même, donc il y avait probablement un linceul. Cela donne des idées sur la conception de la mort à l’époque et qui était la personne."
Des éléments qui viendront nourrir le rapport de fouilles, qu'Arnaud Petit rendra au printemps. Ce document synthétise l'ensemble des vestiges mis au jour pendant la campagne et dessine les premières hypothèses d'interprétation. Il servira de base aux autres chercheurs pour savoir ce que renferment ces lieux. Mais aussi à concevoir une prochaine campagne de fouilles en 2025, si les moyens de l'association le permettent.
"Le lundi matin, ils ont trouvé le puits"
Cette campagne a été courte, mais dense. Dès le premier jour, c'est un puits de cinquante mètres de profondeur qui est découvert juste à côté de l'entrée de la chapelle. "Il était rebouché par une voute en craie et du mortier, ce n’était pas très solide, il est apparu à une dizaine de centimètres sous le sol", indique Arnaud Petit. De quoi donner quelques sueurs froides aux habitants, qui passent à cet endroit depuis des décennies sans se douter de l'abysse sous leurs pieds.
"Ça nous a surpris, toute la semaine fut surprenante, mais dès le lundi matin, ils ont trouvé le puits. On roulait à cet endroit, on s’est dit ‘mince alors’. C’était du bonheur", se réjouit Magali Demeulenaere. L'association souhaiterait le mettre en valeur. "On trouve ça dommage qu’il soit fermé, poursuit sa présidente. Il faut mettre une plaque pour l'instant, mais il est très beau, en silex intact. Si on le laisse à la lumière, ça va le dégrader. On voudrait trouver une solution pour le montrer au public lors des événements."
Pendant les fouilles, les anciens du village ont été conviés à venir le voir, le temps d'une après midi. "Cet endroit, c’était leur terrain de jeu. Eux-mêmes ne savaient pas qu'il était là", indique Magali Demeulenaere. Le puits pourrait dater du XVIᵉ ou XVIIᵉ siècle, il a eu tout le temps de disparaître de la mémoire collective. Le maire (SE) du village, Mathieu Doyer, est tout aussi ravi de la découverte : "Hémimont, c’est un site totalement isolé, la présence humaine est ancienne là-haut. Dans le puits, l'eau est encore visible... Dans les écrits, nous étions rattachés à Saint-Riquier, possession de l’abbé. Il y avait probablement un petit village autour de la chapelle, préalable au village actuel."
Curiosité et frustration
Les fouilles ne concernaient pas l'ensemble de l'emprise de la chapelle. Elles ont tout de même permis de découvrir les fondations de deux bâtiments plus anciens. Le premier, le plus vieux, est petit et de forme circulaire. Il est situé à l'intérieur de la chapelle actuelle et contenait notamment un sarcophage de pierre, qui n'a pu être que partiellement étudié : une partie était en dehors du périmètre autorisé pour les fouilles.
"Il était déjà ouvert, il a sans doute été pillé, on a retrouvé les ossements en 'vrac', avec la tête au milieu des pieds, détaille Arnaud Petit. On a préféré tout laisser en place sans rien perturber pour une prochaine campagne." Une planche en bois trouvée près du sarcophage permettra peut-être de dater cette strate grâce au carbone 14.
Plusieurs monnaies, dont la nature exacte sera bientôt connue, et de nombreux autres restes humains ont également été découverts, ils attestent de la présence probable d'un cimetière attenant. Mais sous terre, il y a aussi les traces d'un édifice beaucoup plus important que la chapelle actuelle.
"Il y a une très grande maçonnerie de direction est-ouest, parallèle à la chapelle, on pense que c’était l’édifice antérieur, qui ressemblait à la chapelle actuelle, mais en beaucoup plus grand. On sait qu’au XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, il y a eu des querelles entre les grandes familles locales, cela aurait pu mener à des destructions, suppose l'archéologue. Le grand édifice daterait de la fin du Moyen Âge ou début de l'époque moderne, celui de l’intérieur est sans doute beaucoup plus ancien."
Ce n’est pas du patrimoine qui dort, c’est vivant, ça attire et crée du lien, c’est gagné quand on arrive à ça.
Mathieu DoyerMaire (SE) de Bussus-Bussuel
Le rapport de fouilles permettra ainsi d'apporter des hypothèses plus précises sur l'histoire des lieux. Les membres de l'association l'attendent avec impatience. "Le dimanche soir, quand tout a été recouvert, ça a fait drôle : on a vécu une semaine tellement enrichissante. C’était un peu frustrant de tout recouvrir, on voudrait en savoir plus, espère Magali Demeulenaere. On est curieux." Dès la réception du rapport, l'association compte établir des devis pour une nouvelle campagne, idéalement pour septembre 2025.
Un avis partagé par le maire de la commune. "On aimerait continuer dans la foulée, affirme Mathieu Doyer, même s'il y a des autorisations à obtenir. Il ne s’agissait pas de creuser pour trouver des corps, mais de comprendre comment le site s’est construit. On n'imaginait pas que la chapelle avait été plus grande que l’édifice actuel, c’était une totale découverte." Pour lui, les lieux, qui accueillent ces recherches et les nombreux événements organisés par l'association, sont un réel atout pour le village. "Ce n’est pas du patrimoine qui dort, c’est vivant, ça attire et crée du lien, c’est gagné quand on arrive à ça", salue l'élu.
"On est un petit village, 300 habitants, une petite association et pourtant on arrive quand même à faire des choses. Ça peut faire peur de se lancer dans une campagne de fouilles, mais c’est vraiment bien de partager ça avec les fouilleurs qui viennent des quatre coins de France. À vivre, c’est super, il ne faut pas avoir peur de se lancer", conclut Magali Demeulenaere.
Le nouveau sol peut donc attendre encore une année, le temps que de nouveaux épisodes de l'histoire de la chapelle ne se révèlent sous les gestes méthodiques des archéologues.