Dans quelques jours, le 9 juin 2024, se dérouleront les élections européennes. L'occasion de regarder dans le rétroviseur et de s'apercevoir que les habitants des Hauts-de-France ont largement voté pour le parti de Marine Le Pen ces dernières années. Retour en arrière.
Alors que toutes les enquêtes d'opinion prédisent une victoire de l'extrême droite ce dimanche 9 juin 2024 pour les élections européennes, nous avons voulu remonter le temps dans notre région. Depuis quand le Rassemblement national - anciennement Front national - est-il une force politique importante dans les Hauts-de-France ? Qu'ont voté les électeurs du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie lors des précédents suffrages pour le Parlement européen ? La tendance est-elle la même qu'à l'échelon national ?
Une vague "bleu Marine" dès 2014
Le 25 mai 2014. Il y a dix ans, pour la première fois de son histoire, le Front national arrive en tête d'un scrutin national et remporte les élections européennes en réunissant 24,86 % des voix. La liste conduite par Marine Le Pen obtient alors 24 sièges au Parlement européen, sur les 74 sièges d'eurodéputés attribués à la France.
C'est dans la circonscription du Nord-Ouest que le parti frontiste obtient son score le plus élevé : 33,62 % des voix (en 2014, la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais se trouvaient dans la circonscription Nord-Ouest, ndlr). Une première, car en 2009, le parti était arrivé en 4e position dans la circonscription avec un peu plus de 10 % des suffrages.
Ces élections du 25 mai 2014 ont par ailleurs été, une nouvelle fois, marquées par une abstention élevée : 57,02 % des électeurs ne se sont pas rendus aux urnes.
Changement du mode de scrutin en 2018
Ce scrutin est aussi le dernier fait selon le système des circonscriptions multi régionales. En effet, depuis 2004, la France était divisée en huit circonscriptions : Nord-ouest, Est, Ouest, Sud-ouest, Sud-est, Massif central-Centre, Ile-de-France et Outre-mer. La loi du 25 juin 2018 introduit l'adoption d'une circonscription unique. Chaque parti présente une liste pour l'ensemble du territoire français de 79 candidats.
Le système de la représentation proportionnelle est conservé. À l'issue du scrutin, les partis qui ont obtenu plus de 5 % des suffrages bénéficient d'un nombre de sièges proportionnel à leur nombre de voix.
Les sièges du Parlement européen sont attribués en fonction du nombre d'habitants de chaque État membre. "En 2019, 705 eurodéputés seront élus et non plus 751 comme en 2014. Avec l'entrée en vigueur du Brexit en mars 2019, il n'y aura plus de députés britanniques. La composition du Parlement européen a été rééquilibrée pour allouer des sièges supplémentaires à quatorze États membres qui étaient sous-représentés démographiquement. Ainsi, la France sera représentée par 79 députés, soit 5 de plus que pour la législature 2014-2019, élus pour 5 ans au suffrage universel direct", peut-on lire sur le site du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer.
En 2019, les Hauts-de-France réitèrent leur soutien à l'extrême droite
Le 26 mai 2019, le Rassemblement national confirme et arrive une nouvelle fois en tête des élections européennes avec 23,34 % des voix et remporte, cette fois, 23 sièges au Parlement européen.
Là-encore, le parti de Marine Le Pen l'emporte dans la nouvelle région Hauts-de-France. Il devance les autres listes avec 33,55 % des voix, loin devant la République en marche emmenée par Nathalie Loiseau (17,9 %) et le candidat d'Europe Écologie les Verts Yannick Jadot (10,3 %).
Bis répétita : ce sont dans les Hauts-de-France que le RN enregistre son meilleur score. Dans le détail, le département de l'Aisne est celui qui a le plus voté en faveur du parti d'extrême droite (39,87 %). À contrario, c'est le département du Nord qui totalise le moins de voix dans les Hauts-de-France (29,55 %).
Cette fois-ci, en 2019, plus d'un électeur sur deux des Hauts-de-France s'est déplacé aux urnes (51,49 % de participation). C'est, certes, bien moins que pour une élection présidentielle ou des élections législatives, mais c'est plus que ce que les sondages avaient laissé entendre. Et c'est aussi 9 points de plus qu'en 2014.
Pourquoi l'extrême droite séduit-elle autant les Hauts-de-France ?
Nous avons posé la question à Tristan Haute, maître de conférences en sciences politiques à l'université de Lille. Il identifie de multiples raisons qui font des Hauts-de-France, une région "sociologiquement disposée au vote RN".
L'un des facteurs est, selon lui, le niveau de vie. "Les classes populaires vont beaucoup plus s'orienter vers l'extrême", affirme Tristan Haute. Les Hauts-de-France est la région la plus pauvre de France hexagonale au sens du PIB par habitant (9,2 % de chômage dans la région au troisième trimestre 2023, contre 7,2 % en France).
"Dans les Hauts-de-France, on a aussi une population qui a une faible mobilité vers les autres régions. Les gens vivent à un endroit et meurent au même endroit. Ils sont attachés à leur territoire", ajoute-t-il. Cet isolement géographique serait, là aussi, l'une des prédispositions au vote Rassemblement national.
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Enfin, les votes RN sont le plus souvent comptés dans les zones rurales isolées. Le politologue note par ailleurs une "distance vis-à-vis des services publics et notamment le sentiment d'une forme de délaissement de certains territoires des Hauts-de-France, vis-à-vis de certains services publics. Cet éloignement crée une distance politique qui est propice à l'abstention et aussi, dans certaines configurations, propice à un vote RN."
L'éloignement est d'autant plus problématique que c'est dans les Hauts-de-France que les habitants sont parmi les plus dépendants de leurs voitures. L'inflation grandissante pénalise de plus en plus les automobilistes et donc l'accès à l'emploi, aux services de santé, aux services publics.
Avec Inès Messai / FTV