Les marins-pêcheurs du Tréport manifestent contre la hausse des prix du carburant lundi 21 mars 2022. Ils demandent des aides supplémentaires.
Il est à bout, presque désabusé. "Je n'ai même pas envie de sortir. Je suis dégoûté..." Rien qu'à sa voix, Morgan Quesnel, pêcheur au Tréport, laisse transparaître son "ras-le-bol". Marin depuis 24 ans, il est en grève lundi 21 mars comme la majorité des professionnels du Tréport. Les bateaux sont positionnés à l'entrée du port en signe de protestation contre la hausse du carburant.
À Honfleur, le litre est affiché à 1,18 euro en ce moment ; le montant est quasi similaire au Tréport. Avec son chalutier de 15 mètres, Morgan dépense plus de 4 500 euros par semaine en gasoil. "Vous vous rendez compte ? On est les agriculteurs de la mer. Ce n'est pas un métier de fainéant. On y passe plus de 100 heures par semaine et on est oublié."
Les salaires divisés par deux
Un sentiment partagé par Sébastien Sagot, lui aussi pêcheur au Tréport. "On se pose des questions sur notre avenir. Ce qu'on demande, c'est de donner un salaire raisonnable à nos gars. Ils partent 5 jours en mer et en ce moment, les salaires sont divisés par deux." D'après plusieurs échanges avec des professionnels, les marins toucheraient actuellement un peu moins de 2 000 euros.
En grève ce lundi 21 mars, plusieurs dizaines de marins-pêcheurs du Tréport réclament un plafonnement du prix du carburant. "À 0,60 euro le litre maximum, ça peut être supportable", avance-t-il.
L'aide de 35 centimes jugée "insuffisante"
Pour eux, l'aide exceptionnelle annoncée par Jean Castex le 16 mars est "insuffisante". Jusqu'au 30 juillet 2022, un rabais de 35 centimes sera accordé par litre. "C'est insuffisant car ça n'arrête pas d'augmenter. Demain, ça peut prendre 10 centimes. En plus, il ne s'agit pas d'une aide directe à la pompe, mais d'une exonération de charges ", affirme Sébastien Sagot. Certains se méfient aussi de cette aide et redoutent un épisode similaire à 2009. Des aides européennes avaient été accordées entre 2004 et 2008 pour compenser, à l'époque, l'augmentation du prix du gasoil. Un an plus tard, en 2009, Bruxelles exigeait que les pêcheurs remboursent aux finances publiques françaises les sommes perçues, considérant ce dispositif non-compatible avec les règles communautaires et l'assimilant davantage à une aide d'État. "Il a fallu tout rembourser. Donc cette aide aujourd'hui, ça ne vaut pas le coup", résume Morgan Quesnel.
Les éoliennes, autre cheval de bataille
Autre source d'inquiétude pour le marin : les éoliennes. Le 10 février 2022, Emmanuel Macron a annoncé qu'il souhaitait implanter 50 parcs éoliens en mer d'ici 2050. "Ça va détruire tout ce qui vit au fond de la mer et notre métier par la même occasion. On nourrit quand même le pays avec notre activité. Notre poisson, il est revendu en France. On fait ce métier parce que c'est notre passion. On ne sait faire que ça. Comment on va faire ?", s'interroge-t-il.
Son collègue Sébastien est lui aussi inquiet : "On essaie de faire au mieux et, tous les ans, on se prend des coups de massue. Moi par exemple, j'ai perdu 90 % de mes quotas." Les quotas de pêche sont fixés par l'Union Européenne afin de préserver la ressource halieutique menacée par la pêche intensive. Mais selon le professionnel, ils sont mal répartis : "Les gros prennent tout et nous, les artisans, on nous donne les miettes. Les quotas ont été mangés par la pêche industrielle." Quotas, éoliennes, carburant... Les marins-pêcheurs souhaitent faire entendre leurs revendications ce lundi 21 mars.