La Ville de Doullens a lancé cet été les travaux de son nouveau réseau de chaleur écologique, alimenté en anas de lin. Un changement qui permettra à la commune de chauffer l'hôpital, la piscine ou encore l'Ehpad tout en économisant de l'argent et en diminuant ses émissions de CO2.
Les travaux ont débuté le 18 juillet 2024 dans les rues du centre-ville de Doullens (Somme). De grands tuyaux sont petit à petit insérés dans de grandes tranchées afin de mettre en place le nouveau réseau de chaleur écologique de la Ville. D'ici octobre 2025, 41 bâtiments publics et privés comme l'hôpital, l'Ehpad, la mairie, plusieurs collèges et lycées, ainsi que le centre aquatique seront chauffés par ce réseau long de 6,5 km.
Une solution écologique
L'originalité du projet réside dans le fait que la chaufferie centrale sera alimentée à 87% en anas de lin, très calorifiques, qui brûlent presque aussi bien que les granulés de bois. Issus de la production des fibres de lin, les anas sont de petits fragments de paille brisée qui proviennent de la séparation des fibres de lin de leur tige.
Écologique, ce système de chauffage permettra d'éviter le rejet de "3 829 tonnes de CO2 dans l'air par an", selon Territoire Énergie 80, maître d'ouvrage du chantier. Soit l'équivalent de plus de 2 000 vols aller-retour entre Paris et New-York. De plus, le lin est une plante peu gourmande en intrants et en eau dont 100% du produit peut être valorisé.
Les Hauts-de-France, 3e région productrice de lin
La France est le premier pays producteur de lin et 40% de sa production est concentrée dans les Hauts-de-France, qui réunit les conditions idéales à sa culture. Les 3 000 tonnes d'anas de lin nécessaires annuellement au réseau de chaleur de Doullens seront fournis par deux coopératives, dont Calira, situées dans un rayon de 50 km autour de la commune. Une manière de favoriser l'économie circulaire.
"Avec ces produits-là, qui ont une très faible densité, il faut qu'on minimise les transports. Dans un grand camion, on met 12 tonnes. Aller faire des centaines de kilomètres avec 12 tonnes et revenir à vide, ce n'est pas très cohérent aujourd'hui", pointe Vincent Delaporte, directeur de la coopérative agricole Calira, qui regroupe 600 producteurs.
On produit des anas toute l'année donc c'est un approvisionnement qui peut être durable.
Vincent Delaporte, directeur de la coopérative agricole Calira
En effet, la quasi-totalité de la production de lin européenne est exportée vers la Chine et l'Inde pour y être traitée (80 à 90% en 2020 selon la Confédération européenne du lin et du chanvre). "Dans notre politique RSE, on voit très bien l'idée d'alimenter des chaudières dans un rayon de 50 km pour utiliser nos anas qui ont des propriétés intéressantes. On produit des anas toute l'année donc c'est un approvisionnement qui peut être durable."
Chaque année, environ 50 000 tonnes de paille passent dans les outils de transformation de la coopérative afin d'extraire la fibre de la paille de lin. À la sortie, cela représente 25 000 tonnes d'anas de lin. S'ils sont déjà utilisés pour la production de panneaux agglomérés, de litières animales et d'isolants, les anas de lin font leur entrée parmi les combustibles des chaudières biomasses depuis peu.
400 000€ d'économies d'énergie annuelles
La facture du nouveau réseau de chaleur de Doullens s'élève à 14 millions d'euros, financés à 50% par des aides de l'ADEME, le reste par la Région et l'Europe dans le cadre de la politique de transition écologique.
Ce qu'on ne dépense pas pour l'énergie, on peut le dépenser pour le citoyen.
Christelle Hiver, maire UDI de Doullens
Grâce à cette chaudière au lin, la mairie compte faire baisser la facture énergétique de Doullens de 400 000€ par an. "Si la Ville arrive à maîtriser ses dépenses énergétiques, ça veut dire qu'il nous reste du budget pour d'autres activités, pour nos services à la population, pour investir pour la jeunesse, pour les personnes âgées. Donc ce qu'on ne dépense pas pour l'énergie, on peut le dépenser pour le citoyen", souligne Christelle Hiver, maire UDI de Doullens.
La première phase des travaux devrait se terminer le 30 août. Une réunion d'information à destination de la population se tiendra le 11 septembre à 18h en salle du conseil municipal. Et le projet fait des émules. Un projet de chaudière biomasse est en train de germer à Abbeville.
Avec Christelle Juteau / FTV