Six artistes plasticiens et un poète ont investi la citadelle de Doullens en vue d'une exposition qui sera dévoilée le 15 avril 2023, jour d'ouverture au public de cette ancienne forteresse de la Somme. Les œuvres se concentrent toutes sur l'histoire des femmes qui y ont été enfermées au cours des siècles.
Forteresse, prison pour femmes, école de préservation pour jeunes filles, annexe du camp de concentration de Buchenwald, refuge pour les Harkis avant d'être laissée à l'abandon… Depuis le XVIe siècle, la citadelle de Doullens, dans la Somme, a connu plusieurs histoires.
Le 15 avril 2023, après la fin des travaux de sécurisation, le monument ouvrira ses portes au public. Pour l'occasion, l'association de cultures urbaines CURB investit le lieu avec une exposition de street art ayant pour fil conducteur l'histoire des femmes privées de liberté.
Les œuvres de sept artistes, dont six plasticiens et un poète, leur rendent hommage. "L'idée était de trouver des artistes qui viennent sublimer le lieu tout en gardant la texture des murs. [...] Dans un lieu comme celui-là, il y a un devoir de mémoire", souligne Yann Colignon, président de CURB.
Peintures à l'huile, spray, collage...
Alberto Ruce, Madame, La Rouille, Bom.K, Philippe Hérard, Gunter, Softtwix et le poète Charles Louis participent au projet. L'artiste Alberto Ruce travaille à la bombe de peinture et joue sur la transparence pour donner l'impression que l'œuvre a toujours été là. "On prend son temps pour découvrir cette œuvre qu'on ne voit pas immédiatement quand on entre dans la cellule. Dans une partie de ses œuvres, on retrouve la clef, peut-être celle qui aurait pu permettre à cette prisonnière de sortir", détaille Yann Colignon.
La Rouille travaille habituellement en urbex, dans des lieux fermés au public et laissés à l'abandon. Il utilise des peintures à l'huile. Son œuvre, "semble venir du mur comme les spectres de ces prisonnières incrustés dans ces murs et qui ressortent au fil de la journée", analyse le président de l'association.
Du côté de Madame, on retrouve la technique du collage.
L'œuvre a été travaillée en amont à partir d'images du XIXe siècle et de textes avant d'être intégrée au lieu.
L'hommage de Softtwix à Albertine Sarrazin
Softtwix, qui a l'habitude de travailler sur le portrait, rend de son côté hommage à Albertine Sarrazin, autrice notamment de L'Astragale. "J'ai eu envie de faire apparaître ses écrits - parce qu'elle écrivait principalement quand elle était en prison - en recouvrant entièrement les murs de la cellule que j'avais avec ses textes en les travaillant en dégradé", explicite l'artiste.
J’ai eu envie de faire un travail immersif, j'ai donc lu tous les écrits d'Albertine Sarrazin, du premier au dernier livre. C'est super agréable pour nous quand on travaille en immersion parce que t'as l'impression de créer un lien avec l'individu. [...] Cette contrainte de s'imprégner d'un lieu, et d'arriver à ce que notre univers et le lieu fusent pour créer quelque chose qui nous surprend nous-mêmes, est un super challenge.
Softtwix, artiste
Le travail des artistes permettra ainsi aux Doullennais de se réapproprier l'histoire de la citadelle au passé douloureux. "Pour parvenir à transmettre une histoire aussi complexe que celle de la citadelle, on a misé sur les expositions temporaires, c'est-à-dire une programmation multiculturelle, à la fois basée sur le street art, l'art contemporain et sur la médiation. On va donc permettre au public de découvrir l'histoire de la citadelle depuis sa création au XVIe siècle jusqu'à la Seconde Guerre mondiale", expose Margot Lepage, chargée de communication à Somme Patrimoine. Dès le 15 avril, le public pourra ainsi se plonger dans l’histoire des anciennes résidentes du mitard.