À l'approche des fêtes, les huîtres s'invitent sur les tables et si leur texture ne séduit pas tout le monde, leur impact environnemental devrait faire l'unanimité : elles participent à capter le carbone des océans et dépolluent l'eau de mer tout au long de leurs vies.
Les huîtres, à Noël ou au réveillon, c'est pour certains une tradition délicieuse et pour d'autres, une vision peu alléchante. Mais un argument de poids peut réconcilier tout le monde autour de la table : leur bilan écologique.
Car les bivalves, soit les huîtres, moules, saint-jacques et autres palourdes construisent une coquille dans une matière calcaire, le carbonate de calcium. Et ces coquilles, elles les fabriquent à partir du dioxyde de carbone (CO₂) présent dans l'océan. Pour une huître commercialisée de 85 grammes, c'est presque neuf grammes de carbone pur stocké dans sa coquille.
Les huîtres au secours de l'environnement
Un autre avantage des coquillages, c'est qu'ils filtrent l'eau de mer en permanence. Une huître filtre par exemple 5 litres d'eau par heure. Elle participe ainsi à la dépollution de l'eau.
La ville de New-York mène par exemple, depuis 2014, un projet visant à implanter un milliard d'huîtres pour dépolluer les eaux de cette célèbre baie. Ce sont actuellement 122 millions de mollusques qui ont été réintroduits dans l'estuaire américain dont elles avaient disparu au début du XXe siècle.
"What makes Living Breakwaters and Billion Oyster Project so effective as a long-term nature-based climate adaptation is that the projects are also training the next stewards of our waterways." Catch our latest feature in #NatGeo! https://t.co/PdRGz6GM0m
— Billion Oyster (@BillionOyster) October 24, 2023
Les huîtres sont aussi des sentinelles de la nature. En filtrant l'eau, elles accumulent certains polluants dans leurs chairs. Depuis les années 70, l'IFREMER se sert ainsi des huîtres comme espèces indicatrices des pollutions chimiques.
Les moules présentent les mêmes caractéristiques et filtrent 25 litres d'eau de mer par jour. Ces coquillages se nourrissent aussi de phosphore et d'azote, des éléments émis par la pollution agricole.
Quels coquillages consommer ?
Comparés aux autres sources de protéines animales (viande, œufs, poisson, produits laitiers), les coquillages ont un bilan carbone très intéressant. Premier point fort, huîtres et moules n'ont pas besoin d'être nourries donc leur élevage n'accapare pas de terres agricoles. L'essentiel du CO₂ émis pour leur production vient des véhicules utilisés par les exploitants et des infrastructures de conditionnement.
Une étude de 2018 réalisée par l'INRAE estime ainsi que la production d'une tonne de protéines de moules de bouchot émet 296 kilogrammes de CO₂, contre 10,4 tonnes pour du saumon, 22,8 tonnes pour du porc et plus de 83 tonnes pour du bœuf. Pour le cas des moules, il faut toutefois distinguer les moules de bouchot, élevées sur des piquets de bois qui n'endommagent pas les fonds marins, et les moules de lignes, dont la production émet beaucoup plus de dioxyde de carbone et endommage l'écosystème.
Un produit — presque — local
Vient ensuite la question des émissions liées au transport des coquillages. La Picardie est frontalière de la région qui produit le plus d'huîtres en France, la Normandie. Les huîtres peuvent donc venir d'un rayon de moins de 100 kilomètres pour les habitants de la Somme et de l'ouest de l'Oise.
Depuis 2019, des expérimentations de culture d'huîtres ont lieu à Oye-Plage et à Woignarue dans le Pas-de-Calais. La phase d'essais est terminée et s'est montrée concluante, l'huître locale aurait des qualités gustatives proches de celles des huîtres de Normandie.
Mais il faudra encore patienter un peu avant de voir l'huître des Hauts-de-France sur les étals des poissonniers : depuis un an, les responsables du projet sont en attente de l'autorisation administrative nécessaire pour commencer l'exploitation. Des producteurs seraient toutefois intéressés pour se lancer dès que les administrations donneront leur feu vert.
Pour les moules, c'est plus simple, il est possible de s'approvisionner auprès des quelques producteurs de baie de Somme. Les littoraux du Nord-Pas-de-Calais et du Nord ne sont pas en reste et chaque année, 3500 tonnes de moules sont produites dans les Hauts-de-France, environ 5% de la production française.
L'équilibre fragile de l'océan
Le rôle de l'océan dans la régulation du climat est essentiel : il capture 30% des émissions de CO₂ humaines. Mais l'augmentation des émissions menace ce grand puits de carbone, car en excès, le CO₂ participe à l'acidification de l'eau. Un phénomène qui risque de se transformer en cercle vicieux, puisque dans une eau trop acide, les coquillages peinent à former leur coquille... Ce qui réduit la séquestration du carbone et donc amplifie l'acidification.
Donc malheureusement, il ne suffira pas de manger des huîtres ou des moules à Noël pour sauver la planète. La réduction des émissions de gaz à effet de serre reste un impératif. Mais comparé aux autres sources de protéines synonymes de repas de fête, ces coquillages présentent tout de même de nombreux avantages.