Depuis quatre ans, l'égalité homme-femme semble gagner du terrain. La révolution égalitaire dans les foyers est-elle en marche ? Rien n'est moins sûr, tant le modèle traditionnel résiste. La culpabilité des femmes n'est jamais très loin.
"Mais voyons, c'est de mieux en mieux, les hommes participent beaucoup plus qu’il y a quarante ans, quand même !" ou "ll t’aide beaucoup par rapport au mien." Des phrases que l'on entend régulièrement, comme une évidence que les temps ont changé. Et les chiffres sont là : l'égalité homme-femme semble gagner du terrain au sein des foyers avec un rythme plus soutenu qu'il y a dix ans. Deux études Ifop, espacées de quatre ans, montrent une nette amélioration.
En 2019, 73 % de Françaises affirmaient en faire plus. En 2022, elles ne sont plus que 57 % à l'affirmer, 37 % à dire en faire à peu près autant que leur conjoint et 8 % à en faire moins que lui.
Romain Ladent et sa femme Anissa Hamadouche, parents d'un petit garçon de 2 ans, tentent de mettre en place une égalité décomplexée dans leur foyer, mais ce n'est pas si simple comme en témoigne Romain : "On est conscient avec ma femme que l'on vit dans un système patriarcal et j'ai beau faire attention, je reste un homme dominant. Clairement, quand j'en fais un peu plus qu’Anissa, tout le monde le sait et on me félicite."
On ne félicite pas ma femme quand c'est elle qui en fait plus dans le foyer !
Romain Ladent
La révolution égalitaire est-elle en marche dans les foyers français ? Non, pas complètement, car selon les données les plus récentes de l’Union européenne sur l’égalité de genre, les Françaises s’acquittent des tâches domestiques et parentales les plus astreignantes et les plus routinières. Par exemple, maman s’occupera des couches ou des devoirs quand papa jouera avec les enfants.
Le ménage et les enfants face au bricolage et jardinage
Les hommes les plus traditionalistes ont des arguments "en béton" pour couper court au débat sur le sujet houleux du 50/50 à la maison. Selon l’observatoire des inégalités, les hommes utilisent souvent comme argument le fait qu’ils gèrent les travaux, le bricolage et le jardin.
Que répondre à cet implacable argument lorsque l'on est une femme dont les parents ont oublié de lui apprendre à bricoler, à jardiner ou encore mener des travaux de grande ampleur de la maison ?
Vous pouvez répondre que les tâches dites "masculines" peuvent être remises à plus tard, pas comme faire le linge ou le ménage sous peine de vivre dans une sorte de déchèterie ou de mettre en danger la santé des enfants. Donner à manger à ses enfants tous les jours de l’année, changer les couches, c’est tous les jours. On n’a pas le choix !
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Le processus vers l'égalité dans les foyers bloque du côté des hommes, mais aussi du côté des femmes. Elles sont nombreuses à considérer comme normal, d’être la responsable du foyer et de gérer toutes ces tâches. Aurélia Blanc, journaliste et autrice de l'essai "Tu seras une mère féministe !" explique les raisons de la persistance de ce modèle patriarcal. "Ce n'est pas un modèle obsolète, bien qu’un certain nombre de femmes s'en plaignent. Il y a une partie non négligeable de femmes qui s'accrochent à ce modèle. Jouer un rôle indispensable dans sa famille, ça peut être aussi une forme de reconnaissance et d'estime de soi qu'on a peut-être encore du mal à trouver ailleurs dans la société en tant que salariée."
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Une analyse que confirme Anissa Hamadouche, la femme de Romain Ladent : "On a aussi été élevée pour participer plus aux tâches ménagères que nos frères. C'est ancré en nous. J'ai laissé de la place à Romain pour qu'il apprenne son rôle de papa, mais j'ai éprouvé un sentiment de culpabilité. Je craignais que l'on pense que je suis une mauvaise mère. Cela a été très difficile psychologiquement."
Je craignais que l'on pense que je suis une mauvaise mère. Cela a été très difficile psychologiquement.
Anissa Hamadouche
Proposition d'un délit du non-partage des tâches
Un délit du non-partage des tâches domestiques a été proposé par l’écologiste Sandrine Rousseau. Une proposition osée, jugée étrange par certains, mais utile pour d’autres puisque, selon un sondage Ifop en 2022, une femme sur deux se dit favorable à ce délit. (14 % des personnes pourraient y avoir recours).
L'idée de ce délit ne viendrait-elle pas d'une statistique édifiante sur le conflit du couple autour du thème de l'exploitation domestique ? Dans l'essai d’Aurélia Blanc, on apprend que les Françaises sont trois fois plus nombreuses à se disputer régulièrement (c'est le cas de 15 % d'entre elles) à ce sujet en particulier chez les jeunes. (Sondage Elabe/weMums réalisé en novembre 2015)
Face à ses résultats, la journaliste a interviewé François Kraus, directeur du pôle "genre, sexualité et santé sexuelle" de l'Ifop. Sa réponse sonne comme une menace lancée aux hommes : "La participation la plus égale possible des hommes est essentielle s'ils veulent conserver une relation de couple avec du désir, de l'affection et une vie sexuelle épanouissante."