À Bernaville dans le nord de la Somme, l'unique supermarché a vu sa facture d'électricité multipliée par quatre. N'étant pas éligible au bouclier tarifaire, la responsable du magasin craint de devoir fermer.
Il est de ces commerces qui font vivre les zones rurales. Le supermarché de Bernaville, petit village du nord de la Somme d'un peu plus de 1 000 habitants, est aussi une station-essence, un relais colis, une librairie... Un endroit unique dans le secteur, qui répond à la plupart des besoins du quotidien. On y propose même un service de livraison de courses pour les personnes âgées, ou de transport pour qu'elles puissent venir faire leurs achats elles-mêmes.
Pas éligible au bouclier tarifaire
Ce lieu essentiel pourrait brutalement mettre la clé sous la porte. En cause : la facture d'électricité, passée de 4 000 à 16 000 euros par mois. La nouvelle a fait l'effet d'un coup de massue à Florence Maréchal, gérante majoritaire de la supérette. Elle a présenté les nouveaux tarifs à son comptable pour bien comprendre les répercussions. "Il va falloir s'éclairer à la bougie", a-t-il ironisé.
Le magasin ne fait pas assez de bénéfices pour assumer une telle augmentation mais a un chiffre d'affaires trop élevé pour bénéficier du bouclier tarifaire. C'est notamment la station-essence qui fait monter son chiffre au-delà du plafond des deux millions d'euros. "Mais un chiffre d'affaires, ce n'est pas de la rentabilité", rappelle la gérante, indiquant que son bénéfice annuel se situe plutôt entre 10 000 et 15 000 euros. De l'argent qu'elle dit réinvestir dans le magasin et distribuer en primes pour le personnel.
Elle tente alors depuis plusieurs jours de renégocier le tarif avec EDF, sans succès pour le moment. Si aucune solution n'est trouvée avant la fin du mois de janvier, elle envisage de fermer définitivement. Ses huit salariés se retrouveraient alors au chômage. "J'ai mal pour eux, parce que ce sont des gens du village, dont certains n'ont pas le permis. Ils viennent travailler en trottinette quel que soit le temps, ils sont là du matin au soir, ils ont des enfants... Demain, ces gens-là, ils vont faire quoi ?", s'interroge Florence Maréchal.
Une mobilisation locale
En apprenant la nouvelle, des clients ont spontanément monté un collectif pour lancer une pétition.
Il ne faut pas que ça ferme, c'est la mort du village, là. Il y a beaucoup de personnes âgées à Bernaville. Pour aller faire ses courses, il faudrait faire 30 kilomètres aller-retour, ils n'ont pas de moyen de locomotion.
Ariana Buffet, membre du collectif
La commerçante assure avoir le soutien des mairies alentours, qui savent que leurs administrés ont besoin de ce petit supermarché. La maire de Bernaville, elle, se dit "impuissante" face à cette situation. Pour Laurent Somon, sénateur (LR) de la Somme, c'est à l'État de trouver des solutions pour ces commerces situés en zone rurale et qui rencontrent des difficultés pour payer leur facture énergétique. "C'est au gouvernement de prendre ses responsabilités avec son opérateur de distribution qui est historiquement EDF." Il estime que l'État doit "réguler le prix, et imposer qu'il y ait des dérogations ou en tout cas des adaptations, comme il a pu le faire pendant la crise Covid."
D'après son analyse, il faudrait pouvoir établir un tarif "en fonction de chacune des entreprises, de ses besoins, de ses capacités, de son lieu, et non pas un tarif uniquement régulé sur le prix du marché de gros. (...) On ne peut pas imaginer de tolérer que les tarifs mettent en difficulté les entreprises, au risque de mettre les salariés au chômage technique."
L'élu assure également essayer d'alerter EDF sur l'urgence de la situation du supermarché de Bernaville. La gérante ne sait pas encore si elle sera en mesure de régler la totalité de la facture du mois de janvier.