Double championne du monde de vol synchronisé de cerfs-volants, l'équipe Start'Air est entraînée et motivée pour atteindre le podium de la World Kite Cup organisée à Berck-sur-Mer. Rencontre avec l'un de ses membres, l'Amiénois Benoît Flament, qui partage sa passion des acrobaties aériennes.
Pour ses collègues, Benoît Flament, c'est le responsable informatique d'un centre hospitalier de la Somme. Mais en privé, cet habitant d'Amiens révèle une autre facette : dès qu'il en a le temps, il sort ses cerfs-volants de compétition et enchaîne les figures avec une précision millimétrée.
Il faut dire que Benoît Flament est l'un des trois membres de Start'Air, l'équipe de vol synchronisé qui a remporté les deux derniers championnats du monde dans cette discipline. Ils sont attendus de pied ferme à la World Kite Cup, la compétition mondiale qui se tient dans le cadre des Rencontres internationales de cerfs-volants de Berck-sur-Mer.
L'art de jouer avec le vent
La porte de son garage s'ouvre sur une petite rue d'Amiens. Sur un mur, un écriteau "Atelier des rêves" surplombe une machine à coudre. "C'est mon épouse qui me l'a offert", sourit Benoît Flament en regardant ce petit panneau. Son garage, il le consacre intégralement à cette passion du vol qu'il qualifie volontiers de "déraisonnable". Et lorsqu'il montre la vidéo du cerf-volant en forme de baleine long de 25 mètres qu'il a entièrement cousu à la main, il est aisé de le croire.
Mais au-delà de ses créations monumentales, Benoît Flament est également incollable sur les cerfs-volants de compétition, dont de nombreux modèles appartenant à l'équipe sont stockés au fond de son garage. "On a à peu près six cerfs-volants par pilote, selon le vent, dont des modèles très particuliers, détaille-t-il en sortant l'un d'entre eux de sa housse. Celui-là, pour le coup, on l'a développé de A à Z. Ce sont des cerfs-volants ultralégers et qui sont imprimés."
L'impression remplace les coutures du cerf-volant pour l'alléger, c'est une technique que Benoît et son équipe ont créée en partenariat avec une entreprise d'impression textile à Amiens. "On a réussi à développer la technique pour imprimer ce tissu très particulier avec des couleurs assez sympa, des dégradés et du coup, des cerfs-volants qui pèsent moins de 200 grammes pour voler dans du vent quasiment nul."
Ce n'est pas ce prototype qu'il fera voler à Berck-sur-Mer, mais un modèle existant que lui et ses coéquipiers personnalisent selon leurs besoins. "On récupère les voiles 'nues' et on va le monter selon nos préférences, c'est-à-dire que les barres à l'intérieur vont être réglées de la manière dont on le souhaite. Pareil pour le bridage, ces petites ficelles qui pendent sur le cerf-volant, qui permettent de le faire voler : on peut les régler de différentes manières selon les besoins du vent ou les préférences de l'équipe."
Quand Benoît met les voiles
Après cette introduction théorique, place à la pratique, du côté de l'ancien terrain d'aéromodélisme de Renancourt. Un lieu dont son équipe peut disposer temporairement, car la zone va être aménagée par Amiens Métropole. Avant la construction de la ZAC Intercampus, c'est dans ces champs du sud d'Amiens que la team Start'Air s'entraînait. Quand les pelleteuses retourneront ce nouveau terrain mis à leur disposition, ils ne savent pas encore où ils pourront répéter leurs chorégraphies aériennes.
Mais dès qu'il installe le bridage de ces cerfs-volants, Benoît Flament ne pense à rien d'autre que la précision de ses gestes. "C'est là-dessus que toute la force du cerf-volant va s'exercer. Plus le cerf-volant est petit, plus c'est sensible : un petit millimètre de différence à gauche ou à droite et on le sent tout de suite", indique-t-il avant de se préparer au décollage.
Comme dans beaucoup de sports, quand ça paraît facile, c'est que ce n'est pas trop mal fait.
Benoît FlamentMembre de l'équipe Start'Air
Et puis il se saisit des poignées de son cerf-volant et en quelques secondes, la magie opère. La toile s'élance dans un enchaînement de courbes, pique vers le sol, se relève, accélère, ralentit puis vient se poser gracieusement sur l'une de ses pointes, avant de reprendre à nouveau la direction du ciel. Danse ou combat ? Plutôt une danse, assure Benoît.
L'exercice n'en est pas moins physique. "Le cerf-volant sature un peu, constate Benoît entre deux bourrasques. C'est tout un système de dosage. Le cerf-volant est construit de telle manière à pouvoir encaisser un certain nombre de rafales au niveau de son armature. Ensuite, derrière, c'est le pilote qui prend, donc il faut amortir avec les bras, avec les jambes, il faut compenser."
Cette sortie est l'occasion de tester une dernière fois le matériel avant la compétition de Berck-sur-Mer et de s'entraîner une fois de plus à se jouer des facéties du vent. Car le jour J, les juges ont des critères bien précis : "Comme dans beaucoup de sports, quand ça paraît facile, c'est que ce n'est pas trop mal fait. En fait, les juges ne prennent théoriquement pas en compte le fait qu'il y ait trop de vent, pas de vent, un vent compliqué... Ça doit forcément influencer un petit peu leur jugement, mais ce n'est pas un critère de notation. Ce qu'ils regardent, c'est ce qui est produit par rapport à la musique."
Son sport, il le compare volontiers au patinage artistique et à la natation synchronisée. "On a une partie figures imposées, nécessaires, des figures plus ou moins complexes qu'il faut qu'on arrive à réaliser si on veut espérer être classés." Certaines partagent même leur nom avec des figures connues du patinage, par exemple les axels. Le vol synchronisé a aussi des ressemblances avec les sports mécaniques, "parce qu'il faut avoir du matériel préparé, précise Benoît. C'est cet ensemble-là, d'être dehors, jouer avec le vent, le côté sport mécanique, compétition, que j'adore."
"La compétition, maintenant, ça fait partie du jeu"
Malgré les nombreux titres remportés par son équipe, Benoît reste modeste : "j'ai des copains qui font du cerf-volant aussi bien que moi et mes coéquipiers, mais qui n'ont jamais fait de compétition, ce n'est pas dans leur ADN." Lui et ses coéquipiers aiment la compétition, même s'ils s'y sont lancés sans grande ambition.
Nous, l'objectif, c'est de faire au moins podium et puis ensuite, on verra, mais oui, on a des ambitions inavouées
Benoît FlamentMembre de l'équipe Start'Air
"Au début, on y va comme ça, sur des compétitions régionales, puis ça marche, se souvient-il. On se dit 'pourquoi pas aller plus loin ?', puis on passe une étape, championnat de France, puis ça marche. Donc on rentre dans l'équipe de France, on va faire des coupes d'Europe, ça ne se passe pas trop mal, on gagne des titres, puis on décide de s'attaquer à la 'catégorie reine', les teams." C'est-à-dire ces équipes de vol synchronisé constituées de trois personnes. Avec la sienne, Start'Air, il a donc remporté les deux derniers championnats du monde en 2016 et 2018.
"La compétition, maintenant, ça fait partie du jeu, c'est comme ça. Elles sont plus ou moins importantes, là, cette année, c'est un nouveau format, donc on va voir ce que ça donne, mais c'est toujours intéressant. Le challenge, c'est qu'avant, c'était l'équipe qui volait pour gagner son titre à elle. Le nouveau format est un petit peu différent : on va faire concourir des pays contre d'autres pays."
L'équipe de Benoît et les autres équipes françaises vont donc tenter de faire gagner un maximum de points à la France. C'est la somme des points récoltés dans les différentes épreuves qui décidera du podium final de la World Kite Cup. Un nouveau défi qu'il aborde avec détermination.
"La dernière coupe d'Europe, qui s'est déroulée à Fréjus il y a un peu moins de six mois, la France a raflé quatre titres sur six et a placé du monde sur tous les podiums. (...) Donc forcément, oui, je pense que les autres pays nous attendent. Maintenant, nous, l'objectif, c'est de faire au moins un podium et puis ensuite, on verra, mais oui, on a des ambitions inavouées", conclut-il en riant.
Le résultat final sera annoncé samedi 27 avril à 16h30. Quel qu'il soit, l'équipe de Start'Air compte bien profiter de ce grand festival du cerf-volant pour partager sa passion avec le public et pourquoi pas, inspirer de futurs champions picards.