Témoignage. À 13 ans, Nathan tente de se battre contre l'obésité : "ne pas voir les résultats tout de suite, ça démotive"

Publié le Écrit par Anas Daif

À l'heure de la journée mondiale de l'obésité, Nathan Pierret, que nous avions suivi dans son projet de perte de poids il y a 3 ans dans un centre à Corbie (Somme), a repris ses kilos perdus. Lui et sa mère se confient sur ce long périple pour se sentir mieux dans son corps.

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Il y a trois ans, Nathan Pierret, âgé de 10 ans à ce moment-là, débutait un stage pour perdre du poids à Corbie. Si les résultats ont été probants à la sortie, l'adolescent âgé désormais de 13 ans a repris les kilos qu'il avait perdus. Le jeune homme n'est pas le seul dans son cas. Les Hauts-de-France sont marqués "par une prévalence du surpoids et de l'obésité supérieure à la moyenne nationale et en augmentation ces dernières années", note la région dans un communiqué qui précise renforcer "son engagement pour lutter contre le surpoids et l'obésité".

"Quand Nathan a été à Corbie, à l'époque, j'avais un commerce", lance Isabelle Dumortier, sa mère. Davantage disponible, elle avait le temps de préparer des repas équilibrés, de faire les achats qu'il fallait. Malheureusement, à la fin du programme de perte de poids, Isabelle Dumortier a eu une récidive de son cancer : "J'ai eu une chimio très invasive qui a fait que j'étais tellement fatiguée que je n'ai pas pu continuer à faire le programme comme il faisait à Corbie".

Avec le temps, lui et sa mère sont repartis "dans des travers de simplicité et c'est vrai que le fait d'être retombée malade a peut-être poussé Nathan à manger beaucoup, la contrariété fait aussi qu'il a repris du poids", suppose-t-elle.

Un manque de suivi sur le temps

Pendant le séjour de Nathan à Corbie, les parents avaient une réunion toutes les deux semaines, le vendredi après-midi, "où on nous expliquait des choses" et où des reportages étaient diffusés. "On a vu le reportage sur comment ils fabriquaient un cordon-bleu, se rappelle Isabelle Dumortier. C'est vrai que quand on voit comment ils font, on n'en mangerait plus. Mais malgré tout, on en achète toujours par facilité".

Après le séjour, "on s'est revu quelques semaines après, ensuite on s'est revu à trois mois, et après plus rien, plus de suivi", regrette la mère de Nathan. Elle estime que si le suivi s'était poursuivi, la prise de poids de son fils à la suite de la récidive de son cancer aurait pu être prise en charge. "Quelqu'un aurait pu dire tout de suite : il y a peut-être une solution, c'est peut-être même psychologique ou autre, parce que le mental peut aussi jouer sur le poids. Donc on aurait pu enrayer la prise de poids."

Tout seul, ce n'est pas évident parce que c’est un ado, il a des envies. C’est sûr que si ses copains lui disent, "viens, on va se faire un Mcdo ou un kebab", c'est un peu compliqué de répondre : "bah non, faut que je mange ma salade".

Isabelle, mère de Nathan

Isabelle Dumortier a déjà demandé à son fils s'il souhaitait refaire le stage à Corbie, chose qui a été envisagée l'été dernier. L'adolescent n'a pas voulu "parce que pour lui, ça n'avait pas été constructif". Elle lui a alors proposé de voir un nutritionniste, mais par manque de temps, ils n'ont pas encore eu le temps de s'y rendre. "Actuellement, entre les rendez-vous chez la psychologue, la psychomotricienne, l'ergothérapeute, l'orthodontiste, plus mes rendez-vous, aller en caler un autre, c'est compliqué."

À cela s'ajoute le travail, "donc il faut trouver du temps, ce qu'on n'a pas toujours malheureusement. Il voit régulièrement le médecin traitant avec qui il en parle et qui lui donne des conseils", souligne-t-elle.

"Ce n'est pas le regard des autres qui dérange, c'est son regard à lui"

Isabelle Dumortier constate que son fils est à l'aise avec ses amis. "Il est bien dans sa peau, il ne se cache pas, mais je sais que lui, ce n'est pas le regard des autres qui dérange, c'est son regard à lui". En effet, l'adolescent "se dévalorise toujours alors qu'il n'y a aucune raison de se dévaloriser. C'est un enfant qui est gentil, poli, agréable, il est serviable".

Elle ne peut pas s'empêcher de s'en vouloir et de se sentir responsable. "Je me dis que si je n'étais pas malade, si je n'avais pas tous mes problèmes, j'aurais peut-être plus de temps, on aurait peut-être continué ce qu'on faisait, il n'y aurait pas eu à reprendre du poids".

Nathan Pierret, de son côté, est conscient de sa reprise de poids mais aussi du fait de devoir "manger équilibré" et de "ne pas manger beaucoup". Il souhaiterait être suivi par un médecin "pour maigrir" et ne plus être gêné par son physique car il ne se trouve "pas beau". Et même s'il ne subit pas de moqueries au collège, il sait que le harcèlement lié au surpoids ou à l'obésité est une réalité pour beaucoup de jeunes.

Il devrait y avoir plus d’encadrement pour les ados avec une sorte de souplesse qui permettrait de perdre du poids. Comme Nathan le dit aussi, il ne voit pas de résultat tout de suite. C’est ce qui démotive dans la perte de poids. Parce que c’est bien de manger équilibré, mais ça se voit dans le temps, ça va se voir au bout de six mois, pas au bout d’un mois.

Isabelle, mère de Nathan

Aussi, son refus de retourner en stage à Corbie s'appuie sur le manque de cours. "On va dire que je suis un peu en échec scolaire, un peu à cause de Corbie. J'ai raté deux mois de cours et là-bas, je n'en faisais pas vraiment".

L'adolescent, qui faisait du kickboxing à Albert, aimerait désormais faire de la boxe anglaise car pour le moment, il ne fait pas de sport. Sa mère voudrait l'aider à reprendre une activité physique, mais attend "un petit peu parce qu'actuellement, je suis toujours en chimio suite à une quatrième récidive, donc ce n'est pas toujours évident d'aller à la piscine le dimanche après-midi à Corbie".

"C'est très compliqué de maintenir les activités"

Lydie Boury, présidente de la maison sport santé Les petits poids à Camon (Somme), reconnaît qu'il est "très compliqué de maintenir les activités, ou en tout cas le suivi qu'on nous a donné pendant un certain temps" à la sortie d'un tel stage. Elle pense, par exemple, aux services de rééducation qui vont offrir un cocon pendant trois semaines, mais dès lors qu'une personne en sort, il n'y a rien pour l'aider. "Donc l'association va être un relais parce que sinon on va lâcher très vite, généralement dans les trois mois si on n'a rien mis en place".

Elle note qu'il est "compliqué" d'organiser son emploi du temps avec une activité physique ou sportive tout en ayant le quotidien à gérer : les enfants, le travail, les courses, le ménage ou encore la fatigue. La motivation peut devenir "moindre" quand des difficultés apparaissent. "Et puis rapidement, on se dit qu'il pleut, donc j'irai demain, ou il fait trop chaud, donc j'irai demain, les enfants sont là, donc j'irai demain. À un moment donné, on se démotive", observe-t-elle.

Son association Les petits poids, qui gère aussi bien les enfants que les adolescents et les adultes, permet de créer une "alliance avec le groupe" dans de petites unités qui ne dépassent pas les 8 personnes. Les individus, qui apprennent à se connaître, finissent même par s'encourager. Mais pour les adolescents, "c'est un peu plus compliqué car ils ne se sentent pas malades. Pour eux, l'obésité est un état de fait, ce n'est pas une maladie".

À cet âge, ils ne voient pas cela comme "une pathologie ou quelque chose qui va les handicaper plus tard parce que, pour le moment, ils sont en bonne santé". Et c'est là que se trouve la difficulté : "faire comprendre que le corps gros, il faut en prendre soin, même si on reste rond - tout le monde n'est pas fait pour être tout maigre - en ayant une activité physique régulière".

Mais à cet âge-là, "l'âge de tous les défis", beaucoup d'adolescents sont "dans le rejet de ce que l'autre peut dire, et c'est là où c'est un peu plus difficile, c'est d'amener à comprendre et à pérenniser l'action qu'on va avoir auprès d'eux".

Des activités ludiques pour les adolescents

L'association travaille sur l'activité sportive adaptée, notamment pour les adolescents à qui on propose des activités ludiques. "Il faut que ce soit le jeu, il faut qu'ils aient envie et puis, souvent, au départ, on va amener un panel d'activités et, petit à petit, ce sont eux qui vont décider du jeu ou de l'activité qu'ils souhaitent mettre ne place ce jour-là".

Des ateliers liés à la lecture des étiquettes, à la glycémie, "notamment les sucres et les sucres cachés, l'industrialisation" sont mis en place. En lisant les étiquettes, par exemple, "en ayant cet apprentissage, ils sont plus vigilants. Ils le disent assez facilement qu'en regardant les étiquettes, ils voient ce qu'il y a dedans, pareil sur les sucres cachés".

Les adolescents suivis se rendent compte que "si on boit un coca, si on mange un burger, si on a mangé un gâteau et que le matin, on s'est fait un bol de céréales, on a explosé son indice glycémique pour trois jours. Ils se rendent que ce n'est pas comme ça qu'ils doivent s'alimenter".

Lydie Boury insiste sur le fait que "les changements doivent venir d'eux". Et si elle avait un message à faire passer, elle dirait : "faire, c'est mieux que rien. Et puis, c'est vrai que c'est frustrant et décourageant" car le poids, "c'est cyclique : on va arriver à en perdre et d'un coup on va en reprendre ou on stagne". Le plus important est de maintenir une activité physique car "même si on ne perd pas de poids, on fait du bien à sa santé à partir du moment où on bouge et qu'on fait les choses plus sainement", conclut-elle.

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