Témoignage. Corovavirus - Déconfinement : chez Debevre Ventilation à Merris, "on était prêts à faire face"

Publié le Mis à jour le Écrit par Jean-Louis Manand

Témoignage d'un chef d'entreprise de Merris (près d'Hazebrouck dans le Nord) sur l'après-confinement.

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A l'usine Debevre, le 11 mai 2020 a été marqué par l'arrivée d'une vingtaine... de poules. Tout un symbole. Comme si ce premier jour du déconfinement devait annoncer un profond changement pour cette entreprise dont l'activité n'a rien à voir avec l'aviculture. Rien. On y travaille le métal. On y découpe, plie, forme, soude, brase, meule plus de 1000 tonnes d'acier galvanisé par an. Debevre, 110 salariés, fabrique des gaines de ventilation, à Merris, une commune de Flandre Intérieure.

Une activité de chaudronnerie, de métallurgie, de serrurerie. Alors pourquoi les poules ? Parce que le patron, Amaury Honoré, est un adepte de "l'écolonomie". L'économie respectueuse de l'écologie. Les salariés donneront leurs déchets de cuisine aux poules, dont les fientes fertiliseront le potager de l'entreprise, dont les légumes (bio) seront mangés par les salariés. De l'économie circulaire. "Plus largement, ça illustre une méthode pour l'entreprise", explique Amaury Honoré.

 
Cette méthode, elle semble avoir fait ses preuves durant ce long confinement. "Je peux même dire que ces deux mois ont été pour nous une période assez sereine, admet le patron. Parce que depuis trois ans que j'ai repris la société, l'écolonomie n'a eu que des effets positifs. L'écolonomie, ce n'est finalement que du bon sens : améliorer la productivité, baisser la pénibilité du travail et réduire l'impact sur l'environnement. C'est aussi ne pas reverser de dividendes à des actionnaires, mais plutôt réinvestir sans cesse dans l'outil de production et donc s'enlever de la pression. On remet de la sérénité. On ne vise pas l'abondance. Et au final, l'entreprise était en bonne santé quand la crise du Covid nous est tombée dessus. On était prêt. Prêt à faire face à un coup de bourre ; y'a rien de pire que de refuser une grosse commande parce qu'on n'en a pas les moyens. Prêt aussi pour affronter un coup de mou. Et le coup de mou... on y est... "
 
"La boite a montré sa capacité à résister, reprend Amaury Honoré, parce plein de choses avaient été mises en place bien avant la crise du Covid. Par exemple, on avait embauché une "approvisionneuse" qui anticipe nos achats d'acier galvanisé, qui nous assure un stock suffisant ; trop entrainerait des problèmes de trésorerie ; pas assez et on se tirerait une balle dans le pied en arrêtant un chantier en cours. Durant le confinement, malgré la fermeture de nos principaux fournisseurs, nous n'avons pas été en rupture de matière première."
 

Ici, une réflexion sur les épaisseurs de tôle a permis d'économiser 280 tonnes d'acier par an (20%) et d'avoir des pièces moins lourdes à manipuler. Là, 10 000 euros investis dans une nouvelle machine ont permis de réduire la pénibilité d'un poste de travail et de supprimer l'usage de palettes : 25 tonnes de bois épargnées chaque année ! Il y a trois ans, Debevre accusait un déficit de 350 000 euros. Cette année, pour la première fois, l'entreprise paiera l'impôt sur les bénéfices. 
 

Personne n'a attrapé le virus.

 
Chez Debevre, la production a donc été maintenue durant quasiment tout le confinement. "On s'est arrêté un jour et demi, les 17 et 18 mars, reprend Amaury Honoré. J'ai fermé le portail le mardi, j'ai été malade le mercredi et le jeudi, j'appelais le directeur d'exploitation pour tenter de relancer la machine. On a tourné au ralenti avec 4/5 personnes durant les quinze premiers jours. Et on est reparti. En prenant des précautions. Et personne n'a attrapé le virus." On sent bien qu'Amaury Honoré, 55 ans, est un entrepreneur dans l'âme. Il faut que ça tourne. "Je suis sidéré par le côté manichéen de cette crise sanitaire. On n'a pensé qu'à la santé, en oubliant l'économie. Il fallait un peu des deux. J'ai été effaré par les réactions après que Muriel Pénicaud (la Ministre du Travail, le 20 avril, sur RTL) demande qu'on se remette à bosser. Effaré par le "quoi qu'il en coûte" du Président de la République. Ça ne se dit pas ! Ce n'est pas vrai. Ça coûte et tu devras forcément le payer un jour. C'est à cause du "quoiqu'il en coûte" qu'on met notre environnement en danger. On ne doit pas pourrir la planète pour se sauver la vie."
 
Dans ce contexte, on comprend mieux ce que l'arrivée des poules annoncent comme changements. "Le Covid, c'est pour moi un accélérateur, explique Amaury Honoré. Le télétravail, par exemple, n'était pas dans les habitudes de l'entreprise. Mais aujourd'hui, je me demande si ma comptable, qui habite à 45 minutes en voiture de Merris, doit venir impérativement tous les jours au bureau ? Le réponse est non. Je voudrais aussi végétaliser les toitures de nos bâtiments. Changer nos grille-pain qui nous servent de radiateurs et consomment une énergie de dingue. Améliorer notre centre de tri. Et garder le cap."
 
Amaury Honoré n'a pas fait qu'installer un poulailler durant son confinement. Il a également investi dans un "hôtel à insectes". Il nous a envoyé la photo, avec cette légende : "Mon nouveau totem".
 

 
 
L'écolonomie
C'est un autre chef d'entreprise du Nord, Emmanuel Druon, patron de Pocheco à Forest-sur-Marque, qui a été l'ambassadeur en France de l'écolonomie. Il s'était fait connaitre du grand public par sa participation au film-documentaire "Demain", qui avait dépassé le million d'entrées en salle en 2015 et soulevé beaucoup d'enthousiasme.

Pocheco, PME qui fabrique des enveloppes, était régulièrement présentée comme une entreprise modèle, soucieuse de ses salariés et de son environnement, un laboratoire de l'économie circulaire. Mais cette image avait été écornée par un plan social, en 2018. L'entreprise avait dû licencier la moitié de son personnel. Amaury Honoré refuse d'y voir un échec. "Certes, Emmanuel Druon a connu des difficultés, admet le patron de Debevre, mais sans l'écolonomie, il n'existerait plus. Réussir à faire des enveloppes, aujourd'hui, près de Lille, est un exploit."
 
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