VIDEO. L'étonnante histoire de Doel, un village belge fantôme depuis 20 ans, qui va renaître de ses cendres

Un village abandonné par la plupart de ses habitants (seuls 18 sont encore là), devenu fantôme et un musée du street art à ciel ouvert, devrait prochainement connaître une deuxième vie, après 20 ans de combat contre le glouton port d'Anvers. Une histoire unique en Europe. 

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C'est l'histoire d'un village fantôme, abandonné, sabordé depuis près de 20 ans. Coincé entre le deuxième port d'Europe, Anvers et la plus grosse centrale nucléaire de Belgique, Doel ne compte plus que 18 habitants. Contre 400 en 2005, et plus de 1000 dans les années 90. 

Se plonger dans les rues désertes, entre maisons murées et façades taguées est un voyage étrange. Entre film d'horreur et chanson nostalgique. Et livre ouvert plein d'espoir pour l'avenir.
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Car ce village qui devrait être rasé depuis longtemps a résisté. D'irréductibles habitants, attachés à Doel, ont fini par réussir à faire plier responsables politiques et économiques de cette puissante région d'Europe. "Le village ne sera pas détruit", a annoncé fin décembre dernier, le ministre flamand de la Mobilité, Ben Weyts (N-VA). "Un retour à la situation d'avant 1998 (NDLR : l'année durant laquelle a été décidée l'extension du port) ne sera pas possible, mais il y aura à coup sûr de la place pour du logement" dans le village, a-t-il souligné.

"Qu'y a-t-il de plus beau que de faire renaître tout un village de ses cendres ?", répond en écho Denise, une habitante, heureuse d'avoir gagné ce combat de 20 ans. 20 ans d'une histoire unique en Europe. 
 


 

Un vieux village touristique qui gêne...


Doel est un vestige de la Belgique du XVIIe siècle. Un vieux village au bord de l'Escaut, au milieu des polders et à quelques dizaines de mètres de la frontière avec les Pays-Bas. Il est situé au nord d'Anvers, capitale de la Flandre. De Lille (Nord), il faut compter 1h30 de route environ. 
 

C'était l'un des plus touristiques du pays, très prisés des Anversois le week-end. Ils venaient y visiter le petit port de plaisance, le vieux moulin (le plus vieux de Belgique), l'église néoclassique mais aussi le Hooghuis, la Maison haute, qui date de 1614 et qui a appartenu à la famille du peintre néerlandais Rubens
 


Un patrimoine attachant mais dont l'emplacement géographique est gênant pour le port d'Anvers, qui veut grossir pour continuer à concurrencer son voisin de Rotterdam. En 1995, est lancé le projet d'un nouveau bassin à conteneurs, le "Deurganckdok". Pour le construire, il faut détruire le village. Tout va très vite, les premières lettres d’expropriation arrivent dans les boîtes aux lettres des habitants de Doel fin 98. 
 

Résistance


La résistance s'organise mais de nombreux habitants prennent peur et décident d'accepter de quitter les lieux. Ils vendent leur maison à l'Etat belge. Les commerçants (hôtel, quincaillerie, coiffeur, restaurant, boulangerie, boucher, banques, cafés...) ferment un à un. L'école aussi doit fermer ses portes. Le village se vide au fil des années. "Une partie des habitants ont cédé, les autres sont restés, explique à Libération (2016) Benjamin Vergauwen un des résistants. Ça a créé pas mal de tensions entre les gens, entre ceux qui restaient et qui disaient aux autres “ah toi, tu abandonnes le combat”... 

 

Car dans la même période, certains habitants se radicalisent, s'organisent. Le comité d’action Doel 2020 est créé. Il multiplie les recours judiciaires, attaque tous les projets et demande que Doel ne soit pas sacrifié. Les victoires sont nombreuses mais jamais totales ou suffisantes : "C’est une bataille qui dure depuis des années, raconte un habitant, Edmund Reyn. On attaque, on gagne, et le port trouve un moyen de contourner. C’est la direction du port d’Anvers qui a dicté sa loi, qui a dominé Doel. Ils ont désavoué toutes sortes de législations. C’est la dictature du port d’Anvers."

Un nouveau projet d'agrandissementle "Saeftinghedok", est lancé en 2007, pour tenir compte des décisions judiciaires défavorables au port. Mais, là encore, les recours se multiplient et les politiques, le gouvernement flamand, commencent à montrer quelques signes de lassitude. 
 


Un autre tourisme


Pendant la bataille, Doel change de visage et de statut. En 2007,  350 habitants ont déserté les lieux. "Les squatteurs sont arrivés à ce moment-là et ils ont commencé à redécorer tout le village. Mais la chose a pris des proportions trop importantes. La police est venue pour tous les expulser", explique Walter Van Alphen, chargé de sécurité de la centrale de Doel

Le joli village historique se transforme en curiosité urbanistique. Des amateurs de street-art et des artistes reconnus venus de toute l'Europe, investissent les lieux, des pilleurs ne se gênent pas pour visiter les maisons laissées à l'abandon et des squatteurs trouvent là un logement peu onéreux...
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Des touristes venus de toute l'Europe s'arrêtent aussi pour prendre des photos. Des films sont tournés. Doel devient un spot pour les explorateurs urbains qui produisent des vidéos pour youtube. "C'est vraiment majestueux, explique un photographe venu d'Angleterre, croisé dans les rues. C'est étrange de se dire que les gens ont abandonné cet endroit et que les maisons sont toujours là."
 


Une situation difficile à gérer pour les quelques habitants (18 en tout) qui vivent toujours là. A leur fenêtre, certains sont contraints de mettre un petite pancarte : "Nous vivons ici". D'autres font du street-art, qui a investi presque toutes les façades, un argument culturel, un moyen de faire connaître la situation de Doel. Le village veut, par tous les moyens, être un caillou dans la chaussure du port d'Anvers.

Une stratégie gagnante. Le village ne sera pas détruit. Ou alors pour être reconstruit. Le scénario choisi finalement fin 2018 pour agrandir le port permet de conserver le village. La capacité pour accueillir des conteneurs supplémentaires sera obtenue en étendant les quais existants. Ailleurs. Pas à Doel. 
 

Renaître des ses cendres


La nouvelle n'a pas entraîné d'explosion de joie dans le village, trop habitué aux désillusions. Mais des habitants qui ont quitté Doel envisagent désormais de revenir : "Ici, à Kieldrecht (NDLR : une ville voisine), nous avons de très bons voisins et la vie ici est belle, mais je n’ai jamais eu le bonheur que j’avais connu à Doel", explique Marina Van de Walle. Je pouvais aller à la centrale nucléaire où je travaille à vélo et quand je traversais le village, je me sentais vraiment heureuse. C'est pour ça que je veux y retourner dès que possible."
 


Emilienne Driesen, 87 ans, la doyenne du village, était heureuse de cet ultime rebondissement mais elle est décédée ce 7 mars. Elle a résisté jusqu'au bout.  "Quand mon heure sera venue, je veux être enterré ici, dans le cimetière de Doel, à côté de mon mari. Ma place est déjà réservée ici", expliquait-elle il y a quelques années.

 Camermanstraat, Doel
Dans ce dossier à rebondissements, il faudra encore attendre avril pour être sûr à 100% que le village de Doel sera sauvé. La reconstruction est encore loin d'avoir commencé...



 
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