EPISODE 10. La suite de notre série sur les sportifs confinés dans le Nord et le Pas-de-Calais. Ce lundi, rendez-vous avec le windsurfeur Jules Denel.
Jules Denel est un jeune homme pressé, épris de liberté. L’aller-retour entre la maison de Wissant et l’Angleterre, il le fait en glissant sur l’eau… 2h20 sur un windfoil, son dernier pari réussi cet été. Il a bien fait d’en profiter Jules, de ce moment de flottement, en apesanteur… Car se confiner lui ressemble tellement peu, lui qui passe sa vie avec sa planche et sa voile dans les plus beaux spots du monde.
Engagé en coupe du monde de windsurf, classé parmi les dix meilleurs mondiaux de la discipline (eh oui pour un chti, une sacrée réussite !), le nordiste rentrait d’Afrique du Sud, et aurait dû bientôt décoller pour Hawaï, où l’attendait comme avant chaque début de saison un shooting photo avec son nouveau matériel …. Avant de rejoindre les Canaries … où est programmée la première des 6 étapes de la compétition fin juin. Personne ne sait encore ce qu’il en adviendra. « J’ai l’habitude de faire tout à fond, d’aller vite, de trouver des solutions à tout, quand il n’ y a pas assez de vent bam je prends le camion, ou un avion, je pars trouver du vent ailleurs… bref j’ai toujours un plan B. Mais là il faut rester zen, car on n’a aucune solution…. Il faut attendre, patienter ».
Et ce n’est pas vraiment dans sa nature. Quand les mesures de restriction de déplacements ont commencé à prendre forme, Jules a quitté son appartement lillois et s’est naturellement installé dans la maison de famille à quelques mètres de la plage de Wissant, là où il s’entraîne dès qu’il revient en France. «On parlait de pouvoir continuer à faire du sport seul, ce qui est mon quotidien, mais en fait ça a duré deux jours, avant que les forces de l’ordre n’interdisent l’accès à la mer, il faut voir ici les mesures drastiques, il y a l’armée sur les plages… C’est difficile de voir ton terrain de jeu sous les yeux et de ne pas pouvoir y aller ! Dans les autres pays confinés comme dans certains Etats aux Etats-Unis, les athlètes de haut niveau peuvent continuer à aller à l’eau ».
Alors quand l’entraînement n’est plus possible sur les vagues, reste la terre. Un footing par jour avec sa dérogation en poche, du travail d’explosivité dans le jardin, du gainage … 2 h de sport au quotidien… « Je n’ai pas d’inquiétude sur mon niveau et mes performances mais plus sur ma situation générale et financière ».
Rangement
Car Jules vit de son sport, de ses partenaires, il est un peu le chef de sa petite entreprise…. Budget à boucler, sponsors à aller chercher …. Depuis janvier, non seulement il ne touche plus rien, et en plus comme le matériel est fabriqué principalement en Chine, tout est à l’arrêt. « On est dans le flou le plus total alors je me fais des scénarios dans ma tête, je réfléchis à des plans de reprise, du calendrier, il faut que je sois prêt comme ça dès que ça repart, je bondis… mais cette saison sera de toute façon bizarre ».
Pour le moment, d’ici le 15 avril et les prochaines nouvelles sur le confinement, Jules a le temps : « Je n’avais pas rangé mon camion depuis 2-3 ans à fond, il y a du boulot (la vidéo l’atteste) mais je fais tout lentement, j’en laisse un peu pour chaque jour … Sinon, je n’aurai vite plus de quoi m’occuper ».
Un peu de maintenance du matériel « mais on ne peut rien commander nulle part car c’est un matériel spécifique », un peu de lecture …. « Il faut prendre sur soi, mais je n’arrive pas à profiter de me poser chez moi, car je sais que c’est de force, on se rend compte que rien n’est plus vital que la liberté».