Le conseil général du Tarn a suspendu vendredi le chantier du barrage de Sivens, sans fixer de date butoir, cinq jours après la mort d'un manifestant lors d'affrontements avec les forces de l'ordre.
"Le drame intervenu dans la nuit de samedi à dimanche conduit l'assemblée départementale à prendre acte de l'impossibilité de poursuivre toute activité liée au déroulement du chantier sur le site de Sivens", a déclaré le président socialiste du conseil général du Tarn, Thierry Carcenac, lors d'un discours au conseil général du Tarn à Albi.
Ni vote, ni débat
Contrairement à ce qui avait été prévu, aucun débat ni vote n'ont eu lieu au conseil général, la suspension ayant visiblement été entérinée lors de deux réunions préparatoires jeudi soir et vendredi matin.
M. Carcenac a appelé à "mettre en oeuvre les préconisations des experts mandatés par le ministère de l'Écologie".
Ces ingénieurs recommandent de poursuivre le projet mais de réduire le volume d'eau destiné à l'irrigation afin d'en minimiser l'impact environnemental.
Appel à l'apaisement
Faisant référence à ces recommandations, M. Carcenac a "demandé à l'État de les étudier et d'en assumer toutes les conséquences", appelant "solennellement à l'apaisement, à la modération et au respect des Tarnaises et Tarnais qui vivent sur le site et à proximité".
Vidéo : le reportage de Maxime Van Oudendycke et Christelle Sivatte
Suspension mais pas abandon
"On a décidé de suspendre les travaux (...) Sans définir de délai. Mais ce n'est pas un abandon", a expliqué Didier Houlès, vice-président divers-gauche du conseil général.
Manifestation pacifique des opposants
A l'extérieur du siège du conseil général à Albi, 200 opposants environ manifestaient dans le calme, brandissant une pancarte "Non au barrage de
Sivens, oui au moratoire, oui au débat public", a constaté une journaliste de l'AFP.
"Je suis impliquée depuis trois mois pour défendre la forêt qui a été dévastée par les machines. Maintenant, je ne lâche pas", déclare Charlotte, 29 ans.
Dans la ville, un dispositif policier important mais extrêmement discret avait été mis en place.
Minute de silence
Les élus ont ouvert leur session peu avant 10h00 avec une minute de silence en mémoire de Rémi Fraisse, 21 ans, mort dimanche sur le site du chantier de la retenue d'eau.
"Ce qui s'est passé est effroyable et ne doit jamais recommencer", a dit M. Carcenac.
Le projet de barrage-réservoir avait été approuvé en mai 2013 par le conseil général à une écrasante majorité, un seul des 46 conseillers généraux se prononçant contre.
Mais la mort de Rémi Fraisse a tout bouleversé. L'enquête privilégie désormais la thèse d'un décès dû à l'explosion d'une grenade offensive lancée par un gendarme. Et dans différentes villes, des manifestants ont crié: "Carcenac, y'a du sang sur ton barrage".
Le projet, contesté localement depuis 2011, avait été qualifié de "non sens" et de "stupidité" avant même le drame, par les élus écologistes José Bové
et Noël Mamère.
Des mois de contestation
Plus de huit millions d'euros doivent être dépensés pour la construction de ce barrage-réservoir, destiné à sécuriser l'irrigation des cultures.
Dans un communiqué commun, de nombreux acteurs de Midi-Pyrénées et d'Aquitaine, notamment les chambres d'agriculture, de commerce et d'industrie ont appelé au maintien du projet, déclaré d'utilité publique.
"La violence ne doit pas s'opposer aux règles démocratiques et aboutir au blocage des projets de développement, nécessaires à l'économie", selon le texte, également signé des Fédérations des syndicats d'exploitants agricoles et Jeunes agriculteurs.
Face à eux, plusieurs centaines d'opposants occupent toujours le chantier de la retenue d'eau.
Les élus "ne peuvent pas faire autrement" que suspendre le chantier, a déclaré devant le conseil général Ben Lefetey, porte-parole du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, qui regroupe de nombreux opposants.
"Nous demandons la garantie que rien ne va se passer sur le terrain au moins jusqu'en 2015, pour faire baisser la pression et éviter que la violence reprenne".
Jacques Pagès (divers gauche) - seul conseiller général du Tarn ayant voté "contre" le projet de barrage - se dit "très pessimiste" sur l'issue des débats. Car "les experts mandatés par le ministère de l'Écologie expliquent pourquoi il n'aurait pas fallu faire ce barrage", dit M. Pagès. "Mais les mêmes
experts concluent que maintenant, il va falloir le faire quand même, parce qu'il est déjà trop avancé... C'est affligeant!"