Qui est coupable du drame AZF? Un troisième procès s'ouvre mardi à Paris

Qui est responsable du drame d'AZF et de ses 31 morts? Et y-a-t-il seulement un coupable, au sens pénal? Mardi s'ouvre à Paris, quinze ans après, le troisième procès de la pire catastrophe industrielle en France depuis 1945.

Un homme, l'ancien directeur de l'usine chimique Serge Biechlin, 72 ans, et une entreprise, la SA Grande Paroisse, filiale de Total, seront jugés pendant quatre mois par une chambre spéciale de la cour d'appel, spécialisée dans les "accidents collectifs".

Poursuivi principalement pour homicides involontaires, Serge Biechlin risque jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende; l'entreprise encourt 225.000 euros d'amende.

Les parties civiles, au nombre de 2.700, veulent aussi voir comparaître la maison-mère Total et son ancien patron Thierry Desmarest. A la cour de dire si cette "citation directe" est recevable. La première journée devrait être consacrée à l'appel des 187 témoins.


Relaxe, condamnation, cassation 


Lors du premier "procès AZF", en 2009, Serge Biechlin et la société Grande Paroisse avaient été relaxés par le tribunal correctionnel de Toulouse, au bénéfice du doute.

Une cour d'appel toulousaine avait au contraire prononcé en 2012 des peines maximales contre l'homme (trois ans de prison dont deux avec sursis, 45.000 euros d'amende) et l'entreprise (225.000 euros), en relevant "une pluralité de fautes caractérisées et graves", ayant rendu la catastrophe possible.

Mais la Cour de cassation a annulé en 2015 la totalité de cette décision, pour défaut d'impartialité d'un magistrat, engagé dans une association d'aide aux victimes.

La plus haute juridiction française a donc renvoyé l'affaire AZF devant les juges pour la troisième fois.

Ce nouveau procès-fleuve, qui sera enregistré pour les archives judiciaires, se tiendra en 53 jours (mardi et mercredi après-midi, jeudi toute la journée), du
24 janvier au 24 mai.

Une association a été désignée par la justice pour accompagner les parties civiles. Des retransmissions en direct seront organisées à Toulousesans enlever à certaines victimes l'impression que ce procès délocalisé leur est "volé".

Quinze ans après, l'émotion reste vive à Toulouse à l'évocation de l'explosion d'une violence inouïe qui, le 21 septembre 2001 à 10h17, s'est produite dans cette usine chimique à risque, classée Seveso 2. Aujourd'hui rasée, AZF produisait du nitrate d'ammonium, utilisé pour des engrais ou des explosifs à usage civil.


31 morts et un séisme 


Le drame a fait 31 morts: 21 sur le site, d'autres aux alentours, notamment un lycéen, la cliente d'un garage automobile ou un homme qui subissait une opération dans un hôpital endommagé par le souffle. Plus de 2.500 personnes ont été blessées et 27.000 logements sinistrés.

L'explosion, entendue à des kilomètres à la ronde, équivalait à un séisme de 3,4 sur l'échelle de Richter.

Après avoir écarté des hypothèses parfois farfelues, par exemple une chute de météorite, le jugement de première instance, le seul valide en droit, a trouvé
la cause "probable" de l'explosion: un contact "accidentel" entre deux produits incompatibles, du nitrate d'ammonium et du chlore.

Les juges ont aussi constaté des "dérives organisationnelles" et des négligences dans la gestion du site.

Mais le tribunal a conclu à une relaxe, faute de pouvoir écarter avec "certitude" l'hypothèse, aussi "faible" soit-elle, d'un acte intentionnel - par exemple une attaque terroriste survenant dix jours après celles ayant visé New York et Washington.

Le doute sur les causes de l'explosion, c'est ce que retient Me Daniel Soulez-Larivière, avocat de Serge Biechlin et de la société Grande Paroisse, qui plaidera une confirmation de la relaxe en appel.

Pour l'avocat, "il y a des alternatives raisonnables" à l'hypothèse d'un accident industriel, défavorable à ses clients. Et de rappeler par exemple qu'AZF se trouvait sur le site d'une ancienne poudrerie, lequel n'a selon lui pas été "complètement dépollué".

"Le scénario de l'accident chimique est complètement valide", dit au contraire Sophie Vittecoq, porte-parole du collectif "Plus jamais ça". Pauline Miranda, présidente de l'Association des sinistrés du 21-Septembre, attend "que justice soit faite et que Total-Grande Paroisse soit condamné".

Voir en vidéo le reportage de Marie Martin:
Mardi s'ouvre à Paris, quinze ans après, le troisième procès de la pire catastrophe industrielle en France depuis 1945 : 31 morts, 2500 blessés et 27.000 logements sinistrés. Une association a été désignée par la justice pour accompagner les parties civiles à Paris. Des retransmissions en direct seront organisées à Toulouse. Mais les victimes ont généralement l'impression que ce 3è procès, délocalisé, leur est "volé".


TOUS NOS ARTICLES SUR LES PROCES AZF
AZF: une catastrophe industrielle majeure et 15 ans de bataille judiciaire
L'explosion de l'usine chimique AZF à Toulouse, la plus grave catastrophe industrielle en France depuis 1945, donne lieu depuis 15 ans à une bataille judiciaire sur la responsabilité pénale du directeur de l'usine Serge Biechlin et du propriétaire Grande Paroisse (Total).

Les faits 

Le 21 septembre 2001 à 10H17, énorme explosion de 300 tonnes de nitrate d'ammonium stocké dans le hangar 221 d'AZF.
Dans chaque quartier de Toulouse on croit à une explosion près de chez soi, 10 jours après les attaques du 11 septembre aux Etats-Unis.

Le bilan 

La catastrophe fait 31 morts et plus de 2.500 blessés. Quelque 19.000 dossiers de dommages corporels et 70.000 préjudices matériels ont été recensés, dont 27.000 logements sinistrés. Assumant sa responsabilité civile, le groupe Total a versé 2 milliards d'euros aux victimes.

L'enquête 

Le 24 septembre 2001, le procureur Michel Bréard crée la polémique en estimant qu'il "y a 99% de chances pour que ce soit un accident". Total réfute toute négligence. Enquêteurs et experts judiciaires retiennent l'hypothèse d'un mélange malencontreux de DCCNa (un produit chloré) avec le nitrate d'ammonium. Ils écartent la piste criminelle et celle d'une explosion due à une météorite, au gaz ou à un arc électrique. Serge Biechlin et Grande Paroisse sont renvoyés en correctionnelle pour homicides et blessures involontaires.

Le premier procès 

Après quatre mois d'audience, du 22 février au 29 juin 2009, le tribunal correctionnel relaxe le 19 novembre M. Biechlin et Grande Paroisse "au bénéfice du doute". Le parquet fait aussitôt appel, parlant d'"un devoir absolu à l'égard de toutes les personnes décédées et de toutes les victimes".

Le procès en appel 

Il se déroule du 3 novembre 2011 au 16 mars 2012 à Toulouse. Serge Biechlin est condamné le 24 septembre pour homicides involontaires à trois ans de prison dont deux avec sursis et à 45.000 euros d'amende. La cour lui reproche de s'être désintéressé "totalement" du regroupement de produits incompatibles et de n'avoir fourni "aucune formation" dans ce domaine aux salariés des entreprises sous-traitantes. Grande Paroisse est condamnée à 225.000 euros d'amende.

La cassation 

Le 13 jan 2015, la chambre criminelle de la Cour de cassation casse l'arrêt de Toulouse et confie le dossier à la cour d'appel de Paris pour un nouveau procès. Elle juge qu'un magistrat de Toulouse, impliqué dans l'aide aux victimes, n'aurait pas dû siéger.

Le deuxième procès en appel 

Le procès doit se dérouler du 24 janvier au 24 mai 2017 devant la cour d'appel de Paris.
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