Pour la première fois, les évêques français réunis à Lourdes ont célébré une messe pour implorer le pardon des victimes des actes de pédophilie au sein de l'Eglise.
Messe, vêpres et jeûne pour les victimes de pédophilie : réunis à Lourdes, les évêques de France ont solennellement demandé pardon lundi pour le "trop long silence coupable" de l'Eglise face aux abus sexuels commis par des prêtres, après des mois de scandales.
A la basilique Notre-Dame-du-Rosaire, au coeur du sanctuaire marial de Lourdes, une messe a été présidée par le cardinal André Vingt-Trois à la mi-journée.
"Nous avons manqué de miséricorde (...), nous n'avons pas assez écouté ces victimes comme elles l'attendaient, (...), nous avons manqué de courage pour prendre les mesures qui s'imposaient", a dit l'archevêque de Paris au moment de la préparation pénitentielle.
Ce "temps de prière et de pénitence" avait été annoncé en septembre par le Vatican, à l'initiative du pape François, qui a laissé à chaque conférence épiscopale le soin d'en choisir la date et les modalités.
Les 115 évêques en activité présents à Lourdes profitent de leur grande assemblée annuelle d'automne pour vivre cette initiative inédite, marquée par un jeûne.
La journée revêt une dimension particulière en France, dont l'Eglise est touchée par des révélations en chaîne d'affaires de pédophilie ou d'abus sexuels impliquant des prêtres. L'emblématique affaire du père Bernard Preynat, prêtre lyonnais soupçonné d'avoir abusé de près de 70 jeunes scouts, a fortement terni l'image du cardinal Philippe Barbarin. Depuis, l'enquête pour non-dénonciation visant le primat des Gaules a été classée sans suite.
L'onde de choc s'est propagée dans les diocèses de France, d'autant que d'autres cas ont été signalés ou ont resurgi à Paris, Montauban, Toulouse, Clermont-Ferrand, Orléans, Bayonne, en Guyane...
L'Eglise a été pressée de réagir. La Conférence des évêques de France (CEF) a annoncé mi-avril une série de mesures, dont une boîte mail dévolue au recueil de la parole des victimes. Une centaine de courriels ont été reçus en six mois pour des abus sexuels souvent antérieurs à 1970.
Symboliquement, c'est le responsable de la Cellule permanente de lutte contre la pédophilie (CPLP) de l'épiscopat, Mgr Luc Crepy, qui a prononcé l'homélie (sermon) de la messe de lundi.
"Oui, il nous faut oser regarder en face les scandales du péché qui atteignent l'Eglise toute entière. Oui, il nous faut sortir du trop long silence coupable de l'Eglise et de la société et entendre les souffrances des victimes : les actes pédophiles, ces crimes si graves, brisent l'innocence et l'intégrité d'enfants et de jeunes. Oui, il nous faut oser prendre tous les moyens pour que la Maison Eglise devienne un lieu sûr", a-t-il dit.
A la sortie de la basilique, le cardinal Barbarin s'est dit "heureux" de ce temps de prière et de pénitence partagé entre évêques :
"Jusqu'à hier encore, ici à Lourdes, j'ai parlé avec des victimes longuement. A chaque fois que je parle avec eux, ça me touche en profondeur (...) et je me dis comment est-ce que de telles blessures peuvent être guéries ?
Comment est-ce qu'on va pouvoir réparer tout cela ? Donc on a besoin de leur collaboration. Beaucoup acceptent de parler", a répondu l'archevêque de Lyon à la presse qui l'interrogeait. En fin d'après-midi, Mgr Crepy fera un point d'étape devant ses pairs réunis dans l'hémicycle Sainte-Bernadette sur les mesures engagées ces derniers mois, avec notamment la mise en oeuvre de dispositifs d'accueil et d'écoute des victimes couvrant désormais tout le territoire français.
L'association La Parole libérée, à l'origine de l'affaire lyonnaise, reste perplexe. "Le temps de prière, les cellules d'écoute sont potentiellement une bonne chose, mais s'il n'y pas de volonté de l'Eglise derrière, c'est insuffisant", estime son président, François Devaux.
La "démarche spirituelle" des évêques a résonné au-delà de la cité pyrénéenne, la CEF ayant invité les fidèles "dans les diocèses qui le veulent à s'associer dans leurs communautés à ce moment de prière et de pénitence". Ainsi, à Paris, une vingtaine de paroisses avaient prévu des messes et prières à l'intention des victimes de pédophilie.
Vidéo : le reportage de Pascale Lagorce et Frédéric Desse