Clowns menaçants dans le Nord : quand la rumeur complique le travail de la police

Depuis que trois plaintes ont été déposées par des élèves du Douaisis au sujet de personnes grimées en clown qui les auraient menacés, la psychose s'amplifie et les rumeurs se multiplient partout dans la région Nord Pas-de-Calais. La plupart relève de l'intox. 

Depuis qu'une collégienne de Sin-le-Noble a porté plainte, lundi, après avoir, dit-elle, été poursuivie par une personne armée, déguisée en clown, la psychose s'est emparée du Nord Pas-de-Calais et les rumeurs se multiplient. Tout est parti du Douaisis, où pour l'instant, seules trois plaintes ont concrètement été recensées par la Sûreté Urbaine de Douai ​: la première à Sin-le-Noble, une seconde mardi à Lambres-lez-Douai où une collégienne dit avoir été accostée par un clown intimidant et une troisième mercredi à Flers-en-Escrebieux, où un élève dit avoir été menacé à l'arme blanche par une personne grimée en clown, près d'une école primaire. Un homme a été interpellé mercredi soir à Sin-le-Noble. Il s'agissait d'un SDF - affublé d'une perruque noire, d'un nez rouge et d'une gabardine pour faire la manche - mais il a rapidement été mis hors de cause. 

Une autre affaire, relativement similaire, a été recensée jeudi dans le département voisin du Pas-de-Calais, à Liévin. Selon le commissaire divisionnaire de la circonscription de Lens, Daniel Lejeune, quatre individus déguisés en clowns seraient venus exhiber vers 15h une tronçonneuse devant l'école Pierre Brossolette, sous le regard effrayé des enfants, avant de s'enfuir à bord d'une voiture. "Des petits malins sans doute", estime le policier, "Ils portaient des salopettes jaune et rouge et des perruques blondes". Aucun enseignant n'a cependant été témoin de la scène. "Ce sont des enfants qui les ont vus", nous explique-t-on à l'école. "Il y avait un certain émoi chez les élèves", confirme le cabinet de l'Inspecteur académique du Pas-de-Calais. "Dans ce genre de situation, nous nous rapprochons systématiquement de la police. D'autant que des signalements similaires ont été rapportés dans d'autres établissements. Mais là encore, aucun adulte n'a vu ces clowns"Même s'il s'agit d'une mauvaise blague, la police ne plaisante pas avec ça, l'exhibition d'une tronçonneuse constituant, au regard de la loi, "une voie de fait avec arme", selon le commissaire Lejeune. 

Les autres histoires circulant sur internet semblent, à ce stade, davantage relever de la rumeur. "Il y a sûrement un fond de vérité dans tout ça, mais on est pollué par tout le reste", se plaint ce vendredi un policier du Douaisis dans La Voix du Nord.  "Pour certains, c’est devenu une psychose. Une maman nous a demandé si elle devait mettre son enfant à l’école ! Il y a un effet boule de neige incontrôlable. C’est difficile de lutter contre quelque chose qui peut-être n’existe pas."

Beaucoup d'intox

Illustration de cette psychose, ce coup de téléphone reçu ce vendredi matin à la rédaction de France 3 Nord Pas-de-Calais. Une mère d'élève nous alerte que des personnes déguisées en clown, munies d'une arme factice, se sont présentées devant le collège Victor Hugo à Harnes dans la matinée, au moment de la récréation. Nous avons immédiatement contacté l'établissement qui a aussitôt démenti la rumeur. "Nous n'avons vu aucun clown, mais ce matin, beaucoup d'élèves étaient anxieux, il a fallu en rassurer certains", nous a expliqué le principal. "Ce phénomène de rumeurs prend appui sur les plus jeunes, les élèves de 5e et 6e notamment. Deux parents nous ont même appelé pour savoir si les accès étaient sécurisés". Sur notre page Facebook, un internaute raconte que des clowns "étaient au collège Verlaine de Saint-Nicolas (dans le Pas-de-Calais NDR) ce matin à 10h30 à la pause" et qu'"à ce qu'il paraît, ils ont frappé des gamins". Selon lui, "ils étaient 6 clowns qui sont rentrés dans la cour du collège", une information qu'il disait tenir de sa "cousine", ajoutant que "le collège avait donné des papiers pour le dire aux parents". Après un rapide coup de téléphone, l'établissement nous a assuré que ce n'étaient "que des rumeurs". 

Sur les réseaux sociaux, les récits d'intrusion de clowns dans des établissements scolaires, d'agressions physiques commises par des clowns ou d'arrestations de clowns circulent à foison. Souvent invérifiables, ils semblent davantage le fruit d'une imagination fertile que le témoignage de réels méfaits. D'autant qu'aucune photo ne vient les corroborer, alors que beaucoup d'adolescents sont équipés de téléphones portables. Celles qui circulent sur Twitter ou Facebook ont souvent été prises aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne ou sont même carrément extraites de films ou de séries (voir encadré ci-dessous).

Contactée au sujet de clowns qui roderaient près d'établissements scolaires à Caudry et dans le Cambrésis, la gendarmerie du Nord Pas-de-Calais assure ainsi n'avoir enregistré à ce jour aucune plainte dans les secteurs qui relèvent de ses compétences.
Pourquoi cette peur des clowns ?
La peur des clowns a un nom. On appelle ça la "coulrophobie". Un vidéaste italien, Matteo Moroni, en a fait son fonds de commerce, avec des canulars qu'il diffuse sur le compte Youtube de sa société DM Pranks. Des canulars abondamment partagés sur internet. "Pour enregistrer une simple scène, je travaille avec une équipe de cinq personnes pendant plus de sept heures", explique-t-il à France TV Info. "On attend parfois quatre heures juste pour trouver la bonne victime." Mais il refuse par exemple de piéger des femmes. "Elles pourraient être enceintes".

La peur du clown maléfique et malveillant prend surtout racine dans la culture pop américaine : le Joker de Batman, le clown Pennywise ("Grippe-sou" en VF) dans Ça, le roman de Stephen King (l'un des préférés des Français selon un classement établi sur Facebook) adapté également au cinéma (Il est revenu), le démon Violator dans la BD Spawn​, le Captain Spaulding du film d'horreur The Devil's Rejects de Rob Zombie,  les burlesques mais inquiétants Clowns tueurs venus d'ailleurs et plus récemment l'abominable Twisty le Clown de la série American Horror Story.

Si la figure du clown terrifiant doit beaucoup - dans son apparence - au malheureux Gwynplaine, personnage défiguré au rictus figé, imaginé par Victor Hugo en 1869 dans L'homme qui rit, elle a pris davantage d'épaisseur à la fin des années 1970 à la suite des crimes - bien réels - du tueur en série John Wayne Gacy, exécuté en 1994 après avoir été inculpé des meurtres de 33 jeunes hommes dans la région de Chicago. Gacy - connu dans sa ville pour ses actions caritatives et les visites qu'il rendait dans les hôpitaux déguisé en clown - reste dans la mémoire collective américaine l'incarnation en chair et en os du Clown Killer.   
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