Cinéastes, écrivains, philosophes, chercheurs, intellectuels... 800 personnalités se mobilisent pour alerter l'opinion publique sur le sort réservé aux migrants et réfugiés de la jungle de Calais.
Huit cents personnalités du monde artistique, universitaire ou militant réclament "un large plan d'urgence pour sortir la "Jungle" de Calais de l'indignité dans laquelle elle se trouve", dans un appel publié mardi sur le site internet du quotidien Libération.
Les signataires de cet "appel de Calais", parmi lesquels les réalisateurs Luc et Jean-Pierre Dardenne et Michel Hazanavicius, les comédiens Omar Sy et Jeanne Moreau, les musiciens Benjamin Biolay et Abd al Malik, le dessinateur Enki Bilal, l'économiste Thomas Piketty, déplorent "un désengagement de la puissance publique" de ce camp informel, toléré par les pouvoirs publics, qui s'est formé depuis début 2015.
Cette zone concentre "cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice", rappelle notamment le texte, qui évoque également des "viols", des "enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus", des "violences policières presque routinières" et des "ratonnades organisées par des militants d'extrême droite".cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles
"Au prétexte que des conditions de vie moins inhumaines pourraient produire "un appel d'air" envers d'autres réfugiés, le gouvernement de notre pays a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés. (...) Ce désengagement de la puissance publique est une honte dans un pays qui même en période de crise, reste la sixième puissance économique mondiale", poursuit le texte.Ce désengagement de la puissance publique est une honte dans un pays qui même en période de crise, reste la sixième puissance économique mondiale
"La spirale du pire est amorcée", affirment les signataires.
"Il n'y aurait plus de place pour les exilés d'où qu'ils viennent, soi-disant au nom de la défense des plus pauvres des français", ajoutent-ils, en fustigeant une "mise en concurrence des indigences ignoble" qui "nous habitue à l'idée qu'il y aurait des misères défendables et d'autres non" et "prépare au pire".
"Nous avons décidé de prendre la parole tous ensemble pour dire non à la situation réservée à ceux qui sont actuellement les plus démunis de droits en France: les exilés de Calais", expliquent-ils.
La "Jungle" s'est formée à proximité de la rocade portuaire de Calais depuis le début d'année, à la suite de la volonté de la mairie de déplacer les
migrants du centre-ville vers le centre d'accueil de jour Jules Ferry.
Le gouvernement a annoncé fin août l'installation de containers permettant de loger 1.500 personnes au sein d'un nouveau camp jouxtant le centre d'accueil Jules Ferry. Les travaux devraient débuter fin octobre.
L’appel de Calais
Depuis des semaines, de nombreuses associations sur le terrain cherchent à alerter l’opinion publique des épouvantables conditions de vie réservées aux migrants et aux réfugiés de la jungle de Calais.Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes,une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisées par des militants d’extrême droite.
Jusqu’à quand allons-nous nous taire ?
Au prétexte que des conditions de vie moins inhumaines pourraient produire «un appel d’air» envers d’autres réfugiés, le gouvernement de notre pays a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés. Celles-ci sont admirables mais ne peuvent pas tout.
Ce désengagement de la puissance publique est une honte dans un pays qui même en période de crise, reste la sixième puissance économique mondiale.
La spirale du pire est amorcée.
Les discours réactionnaires ou fascisants ne cessent depuis des années de diviser les gens, d’opposer des catégories toujours plus fragmentées, pour mieux propager leur idéologie haineuse.
Aujourd’hui leur propagande avance l’argument qu’il n’y aurait plus de place pour les exilés d’où qu’ils viennent, soi-disant au nom de la défense des plus pauvres des Français.
Cette mise en concurrence des indigences est ignoble.
Elle nous habitue à l’idée qu’il y aurait des misères défendables et d’autres non.
Elle sape les fondements des valeurs constitutives de la France.
Elle nie notre humanité commune.
Elle nous prépare au pire.
Alors que ce sont, précisément, ces mêmes associations, ces mêmes bénévoles, ces mêmes hommes et femmes de bonne volonté qui nous alertent aujourd’hui sur Calais et qui agissent depuis des années à panser toutes les misères de France.
Alors que ce sont, précisément, les mêmes hommes et femmes politiques, ou les mêmes discours qui attisent le feu en soufflant sur les braises des divisions mortifères, qui, par leur action ou leur manque d’action politique, accentuent la pauvreté des plus pauvres et sont incapables de lutter efficacement contre le mal logement ou la misère alimentaire.
Aujourd’hui nous avons décidé de prendre la parole tous ensemble pour dire non à la situation réservée à ceux qui sont actuellement les plus démunis de droits en France : les exilés de Calais.
Au nom de nos valeurs communes d’asile et d’universalisme.
Et parce que nous serons plus forts demain pour nous battre ensemble contre les autres formes d’injustices et de misère.
Nous demandons solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve.