Après le démantèlement de la "Jungle" de Calais, les 148 salariés de l'association La Vie Active, qui gérait le Service d’Accueil et d’Aide aux Personnes Migrantes (SAPM) Jules Ferry, craignent de se retrouver au chômage.
"On se réjouit naturellement que toutes ces personnes soient mises à l’abri, qu’elles puissent vivre en dehors de la "Jungle", mais maintenant, on se retrouve au chômage technique", nous a confié un salarié de La Vie Active, au lendemain de l'annonce officielle de la fin du démantèlement du bidonville de Calais. "Pour le moment, on n'a aucune information. Parmi nous, certains ont acheté des maisons, ont des crédits..."
Depuis janvier 2015, l'association La Vie Active gérait le Service d’Accueil et d’Aide aux Personnes Migrantes (SAPM), mis en place par l'Etat au centre Jules-Ferry de Calais, un bâtiment jouxtant l'ex-bidonville. Jusqu'au démantèlement de la "Jungle", 148 salariés y travaillaient : 106 en contrat à durée indéterminée (CDI), 38 en contrat à durée déterminée (CDD) et 4 autres en service civique. Leur mission était d'assurer l'accueil de jour (2500 repas et 1500 petits déjeuners distribués chaque jour, organisation des douches, accompagnement administratif...) mais aussi l'hébergement des femmes et des enfants (400 places). A partir de janvier 2016, ce sont aussi les salariés de La Vie Active qui se sont occupés du Centre d'Accueil Provisoire (CAP), ces fameux conteneurs proposant 1500 places d'hébergement supplémentaires.
"Abasourdis"
Si le démantèlement du bidonville était depuis longtemps dans les tuyaux, la décision de François Hollande de vider également le CAP et le centre Jules Ferry de ses occupants a été un coup dur pour l'association. "On a été abasourdis", reconnaît Stéphane Duval, le directeur de La Vie Active. Pour l'instant, il y a encore beaucoup de travail avec le rangement et le nettoyage des locaux laissés vides. "C'est comme une ville fantôme", décrit-il. Une demi-douzaine de ses salariés continuent par ailleurs de travailler auprès des migrants, au Centre d'Accueil et d'Orientation (CAO) de Croisilles, au sud d'Arras (Pas-de-Calais). "Mais ça reste du précaire et c'est à l'autre bout du département", explique le responsable. "Pour l'instant, les salariés qui y vont ont un véhicule à disposition, ils font du covoiturage. Mais ensuite ? J'ai un éducateur qui habite à Dunkerque, si demain, il doit bosser à Croisilles, ça va être compliqué".Pour l'instant, l'Etat - qui a financé les activités de La Vie Active à Calais - n'a donné aucune directive. "On ne peut rien dire aux salariés tant que l’Etat n'a pas dit officiellement que ça s’arrête", indique Stéphane Duval. Un salarié, sous couvert d'anonymat, estime de son côté qu'"il faut qu’il y ait des créations de postes, des reclassements, certains sont prêts à négocier un départ". Mais beaucoup craignent aujourd'hui un plan social et des licenciements. "La société de surveillance Biro est dans la même situation que nous", ajoute le directeur. "Elle a recruté 50 salariés uniquement pour s'occuper du CAP et de Jules-Ferry".
Réunion lundi
Les syndicats ont été reçus jeudi à la préfecture du Pas-de-Calais, qui attend elle aussi les directives du gouvernement. Au cabinet de la préfète, on rappelle que la mission de La Vie Active à Calais avait un caractère provisoire et que l'Etat "a fait correctement les choses" en recrutant une majorité de CDI. Si plan social il y a, cela se fera donc "dans les règles", avec des indemnités de licenciement. Lundi, La Vie Active doit rassembler ses salariés au centre Jules-Ferry pour évoquer l'avenir. Le même jour, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve sera en visite à Calais avec peut-être des annonces les concernant.Au sein de l'association comme à la préfecture, on attend notamment les conclusions de la mission menée par Jean Aribaud, préfet honoraire, et Jérôme Vignon, président de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, sur l'après-démantèlement. L'une d'elles pourrait conduire au maintien d'un "centre de transit" dans le Calaisis, à partir duquel les migrants, qui continueraient à arriver, pourraient être redirigés au fur et à mesure vers les centres d'accueil et d'orientation répartis sur le reste du territoire. "Un dispositif est nécessaire à Calais pour ceux qui vont revenir et qui reviennent déjà", estime Stéphane Duval. "Nous avons un savoir-faire à cultiver, à faire grandir. On a inventé quelque chose ici, on a appris en gérant un type de camp unique en France". La réponse ne devrait plus tarder.