Les cloches de Notre-Dame de Paris coulées à Villedieu-les-Poêles

L'une des plus grosses cloches commandées pour le 850ème anniversaire de la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2013 a été coulée lundi à la fonderie de Villedieu-les-Poêles, dans la Manche. 

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Une opération titanesque au coeur du bocage normand, dans le four du XIXème siècle d'un des derniers fondeurs de France.

Les 9,3 tonnes de cuivre et d'étain (22%) portées à plus de 1.000 degrés se sont écoulées doucement à la mi-journée dans les moules enterrés de "Gabriel" (une cloche de 1,83 m de diamètre) et de son cadet, "Benoît-Joseph" (1,21 mètre).
"C'est le moment de vérité. En quelques minutes on voit si le travail effectué pendant des semaines fonctionne", explique Paul Bergamo, directeur de la société Cornille-Havard, l'un des trois derniers fondeurs de cloches en France.

Mais confectionner une cloche reste un exercice de haute voltige. "La coulée, c'est un moment de tension énorme. Si le four est trop chaud ou trop froid, vous pouvez rater la cloche", explique Stéphane Mouton, élève maître d'art qui dirige les dix ouvriers autour du four.
En juillet 2009, un moule avait fui et plusieurs personnes avaient été blessées tandis que 10 tonnes de métal s'étaient écoulées dans le sol.


Un four de six mètres de long

L'opération qui mènera au La dièse de la plus grosse cloche est titanesque: le cuivre a chauffé plus de huit heures dans un four de six mètres de long sur deux de large qui aura dans l'intervalle englouti 1,250 tonne de charbon et 7m3 de bois, l'équivalent d'un hiver de consommation en bois d'une petite maison.
La chauffe du four a démarré vers 04H00, à l'heure où le soleil n'a pas encore chauffé la cheminée et où son tirage est optimal. Plus l'heure de la coulée se rapproche plus la tension monte.
Vers 11H30, la porte s'ouvre pour ajouter l'étain au cuivre. Le silence est de rigueur. A l'intérieur, le métal liquide qui clapote contre les briques fait paradoxalement penser à un glacier en fusion aux reflets orangés.
Les fondeurs brassent l'alliage avec un râteau géant arrimé au plafond avec de lourdes chaînes.

"Nous allions technologie récentes et anciennes. Comme au XIXe, c'est le poids du métal qui le fait couler" dans les moules situés en contrebas, explique M. Bergamo. Les moules sont composés d'argiles (pour la solidité), de poils de chèvre (pour le lien) et de crottin de cheval (pour la porosité), comme autrefois, ainsi que de substances beaucoup plus récentes. Il a fallu plusieurs mois pour les fabriquer.

Les cloches d'avant la Révolution

Gabriel (4,16 tonnes) et Benoît-Joseph (1,3 tonne), qui porte les prénoms du pape et qui sonnera en Fa dièse, pourront être démoulés d'ici deux semaines avant d'être accordés. Elles doivent commencer à sonner en mars dans la tour Nord de Notre-Dame de Paris.

Gabriel et Benoît-Joseph font partie d'un ensemble de neuf cloches qui doivent être inaugurées pour le jubilé de Notre-Dame l'an prochain. Cinq ont déjà été coulées dans la fonderie de Villedieu, créée en 1865, et une, "Marie", la plus grosse de la série, aux Pays-Bas.

Avec ces neuf nouvelles cloches, qui rejoindront le célèbre bourdon Emmanuel, qui, lui, a traversé les siècles, "on va retrouver l'ensemble campanaire tel qu'il était avant la Révolution", s'est félicité Mgr Patrick Jacquin, recteur-archiprêtre de la cathédrale, lundi avant de bénir le coulage.

Quatre cloches avaient été mises en place au XIXe siècles mais elles ont été déposées début 2011 car elles étaient en métal médiocre, a-t-il précisé. Le coût total du renouvellement est chiffré à 2 millions d'euros, financé par les dons.

La société Cornille-Havard fondra également la huitième et dernière cloche de l'ensemble campanaire. La société normande ne connaît pas la crise: son chiffre d'affaires (1,4 million d'euros) a cru de 15% en dix ans, et ses effectifs sont passés de quatre personnes en 1980 à 18 aujourd'hui.

 

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