Décès sur le chantier EPR de Flamanville: au moins un an avec sursis requis contre le grutier

Une peine d'au moins un an de prison avec sursis a été requise vendredi en correctionnelle à Cherbourg contre un grutier - et des amendes demandées contre Bouygues et deux sous-traitants - pour l'homicide involontaire en 2011 d'un soudeur sur le chantier de l'EPR de Flamanville (Manche).

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Le 24 janvier 2011, cet intérimaire de 37 ans, père de trois enfants, avait fait une chute mortelle de 15 mètres. La passerelle sur laquelle il se trouvait avait été heurtée par le chargement d'une grue. L'épouse de la victime, partie civile, était à l'audience.
Une peine d'au moins un an de prison avec sursis a été requise contre le grutier. 
Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 8 avril.

Une amende de 100.000 euros a également été requise contre Bouygues comme responsable de la coordination de la sécurité du génie civile sur le chantier. Le parquet a aussi demandé une amende de 50.000 euros contre la société Tissot, propriétaire de la passerelle, et de 20.000 euros contre Normetal, employeur du grutier via une société d'intérim.

Le compte-rendu d'Anne-Laure Petit et Claude Leloche (ITW Françoise Tréhel-Lejuez, Avocate de la famille de la victime; Marie-Laure Dufresne-Cautets, Avocat de la CGT, et Philippe Goosens, Avocat de Bouygues)


Irrégularités sur les passerelles

Le procureur de la République Eric Bouillard a dénoncé le "taux faramineux de cannabis du grutier" et lui a reproché les "six secondes d'accélération" du chargement avant le choc qui ont "augmenté fortement les dégâts".
Il a regretté l'attitude des entreprises poursuivies qui rejettent toute responsabilité et leur organisation telle entre elles "qu'on ne sait plus qui fait quoi".
Les passerelles appartenant à la société Tissot n'avaient pas de dispositif antisoulèvement.
Le jour de l'accident, 19 personnes se trouvaient sur les passerelles.
Boulons absents ou mal serrés, absence de certains dispositifs de sécurité, l'expert a relevé 26 irrégularités sur les passerelles.
Après l'accident, l'évacuation est devenue systématique lors des opérations de levage.
Les grues devaient régulièrement aller chercher des charges sous les passerelles sur ce chantier "encombré", selon un expert.
Des "chocs de câbles" de levage des grues s'étaient produits "sur des passerelles" dans les deux années qui ont précédé l'accident selon le président du tribunal Nicolas Houx.

"Le bouc émissaire idéal"

"Un grutier est un grand professionnel (...) Il est possible de travailler au plus près des passerelles. C'est l'expert qui le dit", a plaidé Me Philippe Goossens,  l'avocat de Bouygues.
"C'est une catastrophe de la coordination", a estimé pour sa part Me Thierry Ygouf, l'avocat du grutier qui agissait à l'aveugle guidé par un chef opérateur par radio.
Le grutier "est le bouc émissaire idéal", une "marionnette téléguidée", a ajouté l'avocat.
L'avocat a regretté que ni EDF, maître d'oeuvre du chantier, ni le "marionnettiste", le chef opérateur "ne soit pas invité à cette triste fête".
"On me poursuit moi qui n'aie qu'une seule obligation, celle de me fier aux autres", a plaidé de son côté Jean-Pierre Levacher l'avocat de Normetal.
Tous les avocats de la défense ont plaidé la relaxe.
Selon un ancien directeur de la sécurité de Bouygues entendu durant l'enquête, il y avait nettement plus d'accidents à Flamanville que sur les autres chantiers de Bouygues en moyenne.
Le grutier aujourd'hui sans emploi en fin de droit, âgé de 39 ans, encourt trois ans de prison et 30.000 euros d'amende.
Bouygues, Tissot et Normetal encourent chacun une amende de 375.000 euros.
EDF maître d'oeuvre du chantier n'est pas poursuivi.
En 2011, près de 3.400 personnes étaient employées sur ce chantier qui devait être la vitrine commerciale de l'un des premiers EPR au monde.
Le chantier accuse quatre ans de retard et affiche un coût de 8,5 milliards d'euros, presque trois fois supérieur à celui annoncé à son lancement en 2007.

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