Toutes les semaines, Vladimir Vinchon prend le chemin du cadre noir de Saumur. Il y retrouve Marc-André Morin, son coach, écuyer à l'ENE, et Rockford17, qui s'y trouve en pension. Ensemble, ils travaillent, préparent les échéances, sans pression mais avec le souci du détail exigé par le dressage.
Chaque semaine, hors période de compétition, Vladimir Vinchon se rend à Saumur à deux reprises, le mardi et le jeudi. Dans l’écurie de propriétaire derrière chez lui près de Laval, nous l’avions déjà retrouvé le mois dernier. Il fait ses gammes pour éviter toute rupture de rythme d'entraînement. A l’Ecole Nationale d’Equitation il rejoint Marc-André Morin, 44 ans, l’un des 43 instructeurs de cette institution mythique. Il y retrouve aussi Rockford17, le cheval qu'il monte désormais, propriété de Anne-Frédérique Royon, également cavalière du Team France.
Ensemble, ils travaillent selon un programme déterminé et évolutif. La technique d’abord et avant tout, bien sûr, car elle est primordiale. Dans le calme et la quiétude des lieux et surtout un silence apparent. La technique d'aujourd'hui permet une séance pondérée, loin des reprises de naguère où l'instructeur était obligé de crier pour se faire entendre. Equipé d’une oreillette, Vladimir reçoit les conseils de Marc-André qui lui souffle ses indications depuis son micro-émetteur.
Dérouler et dérouler encore. Répéter des figures. Bosser les transitions. Ce couple encore jeune avec Rockford 17 prend ses marques assez rapidement ; après la période de découverte, ils s’apprennent l’un l’autre. Les concours aident également à réaliser les réglages nécessaires. « En Belgique, nous avons changé d’embouchure. Et cette évolution a été positive » indique l ‘écuyer du Cadre Noir. « Le couple commence à bien s’entendre. Ils trouvent les voies de la communication. »
Travail sur deux pistes, galop rassemblé. « L’important est la décontraction qu’ils vont chercher et trouvent tous les deux ». Et depuis le changement de monture au début de l’hiver, Marc-André et Vladimir sont convenus qu’il était également important d’envisager de changer de selle. « Pour améliorer les conditions de confort de Vlad mais aussi de décontraction pour le cheval afin de donner plus et mieux son dos ; ceci afin d’affiner les sensations entre les deux acteurs. Au profit du couple, de leurs repères. C’est notre priorité. Chaque détail compte et nous fait progresser.»
Vladimir handicapé ? « Moi je le vois pour ce qu’il est », répond Marc-André, « un athlète de haut niveau.» Oui Mais il lui manque une jambe ? Il monte mieux que bien des valides. Il a plus de mérite aussi, non ? « On peut l’apprécier ainsi. Mais aller vers la gagne, c’est ça son moteur. » Une approche bien plus qu'audible. C’est même sans doute la seule explication valable de l’évolution de ce cavalier, avec ou sans handicap. Car il est long le chemin parcouru depuis les pistes de courses quand il était jockey de steeple chase. En lice pour une cravache d’or, un athlète qui sait ce que danger maîtrisé, calculé, veut dire.
Le Steeple, une des disciplines les plus dures qui soit. Souvent confondue avec les courses d’obstacles. Les épreuves les plus connues en France comme hors du territoire sont impressionnantes. Dimanche 18 mai se déroule le Grand Steeple-Chase de Paris(5 800 mètres en quelques 7 minutes) sur le champ de course d’Auteuil, qui existe depuis 1874. Et les connaisseurs, voire les détracteurs vous citeront l’épreuve phare du Grand National en Angleterre.
Des perspectives internationales pour un athlète de haut niveau
Entre ce sport extrême et la finesse du dressage l’écart est gigantesque. Plus encore que les obstacles hier franchis. Comment en effet, peut-on passer de la vitesse et du saut, du haut, du large, du gros, du fixe, sans recherche d’équilibre (qui pourrait faire perdre du temps et donc la course) à la délicatesse et la subtilité du dressage, à son exigence de rigueur, au détail qu’il requiert en toute circonstance. ? « Contrairement aux apparences, les raisons qui le poussent aujourd’hui sont identiques à celles d’hier. Toujours faire plus, mieux. Toujours être premier. Quand il est remonté à cheval après son accident de voiture il est passé par le concours de sauts d’obstacles. Il participait aux épreuves de valides. 120, 125 cm. De jolies épreuves déjà. Mais le CSO n’est pas reconnu par la Fédération Internationale. Alors il s’est senti limité, barré dans une possible ascension. Le para-dressage lui ouvrait une marge de progrès et derrière des perspectives internationales. Avec des échéances prestigieuses. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que sa force d’esprit, ses qualités d’athlète et de cavalier l’ont déjà emmenées à Londres aux paralympiques, et qu'il y a décroché une 7ème place».La relation entre les deux hommes est forte. Comme entre tout compétiteur et son coach direz-vous ? Sans doute plus. Le handicap qui existe néanmoins densifie l’intensité du lien. « Je n’étais pas prédestiné à coacher Vladimir. Cela a été mis dans mes missions» souligne Marc-André, à l'ENE depuis 2000. «Mais quand on commence une démarche de cette sorte, l’on ne peut pas ne pas s’investir. Et la faim d’avancer de Vladimir implique de sa part une attente plus forte encore.»
Coach et dresseur
Le coaching n’est d’ailleurs pas l’unique intervention de Marc-André. Le reste de la semaine, entre les séances d’entraînement et l’accompagnement en compétitions, l’écuyer redevient dresseur. Car une jambe de moins a des conséquences mécaniques sur le cheval. « Le cheval est dressé mais il doit prendre encore et toujours travailler sa force. Je dois aussi veiller à garder la symétrie qui peut être mise à mal par la dissymétrie de facto de Vladimir. Mon objectif est aussi de contribuer à lui apprendre d’autre codes. » La jambe est remplacée par un stick. « En fait je "recodifie" l’usage de la cravache. Ce n’est pas une sanction. C’est une jambe. En Belgique, nous avons vu un compétiteur qui utilisait un bambou. Nous essayons et ce que nous en voyons jusqu’à présent est encourageant »Vladimir et Marc-André ont un même souci de la rigueur et de l’exigence. Tendu vers un objectif. Dans un calendrier. « Nous ne brûlons pas les étapes, et sans pression excessive nous avançons. Evoluons. Les progrès réalisés sont patents de semaine en semaine. »