La cour d'Appel de Paris a annulé huit mises en examen, dont celle de Martine Aubry qui était poursuivie pour homicides et blessures involontaires. L'instruction ouverte il y a 17 ans après le dépôt des plaintes de travailleurs de Condé-sur-Noireau n'en finit plus de faire du sur place.
On ne compte plus les rebondissements, les péripéties, les accidents de procédure : dans le volet pénal de l'affaire de l'amiante, la justice piétine. L'enquête ouverte en 1996 après les plaintes déposées par des salariés de l'usine Ferrodo-Valéo n'est toujours pas bouclée en 2014. Le grand procès de l'amiante dont rêvait les milliers de victimes, à Condé-sur-Noireau et ailleurs n'aura peut-être jamais lieu.
La juge Marie-Odile Bertall-Geffroy avait d'abord poursuivi les chefs d'établissement de Condé-sur-Noireau ainsi qu'un médecin de travail. Elle avait ensuite souhaité élargir ses investigations en s'intéressant au rôle des pouvoirs publics et à l'influence supposée du "Comité Permanent Amiante" (CPA), le lobby des industriels qui prônait un "usage contrôlé de l'amiante".
C'est dans ce cadre que Martine Aubry avait été mise en examen en 2012 pour homicides et blessures involontaires avec sept autre fonctionnaires et scientifiques. Entre 1984 et 1987, elle était haut-fonctionnaire au ministère du travail. La Chambre de l'instruction de la cour d'Appel de Paris avait une première fois annulé ces mises en examen. En décembre dernier, la cour de Cassation a cassé cet arrêt. Appelée à revoir sa copie, la cour d'Appel a de nouveau annulé ces mises en examen ce vendredi.
La réaction de M° Yves Baudelot l'avocat de Martine Aubry :
Conséquence de cette décision, l'instruction est ramenée à une dimension locale, puisque seuls les anciens directeurs de l'usine et l'ancien médecin du travail restent poursuivis. Tout un pan de l'instruction menée par Marie-Odile Bertella Geffroy est tombé. La juge elle-même a du quitter ses fonctions l'année dernière après avoir passé plus de dix ans au pôle de santé publique. Les magistrats qui lui ont succédé s'emploient à boucler cette instruction qui n'a que trop duré.
François Martin, président de l'Association de défense des victimes de l'amiante de Condé-Flers :
"Les véritables catastrophes de santé publique ne se limitent pas à des décisions de chefs d'entreprises. Il y a eu une action de lobbying du CPA et des décideurs publics pour retarder l'interdiction de l'amiante " estime Michel Parigot, le vice-président de l'Andeva. "Nous souhaitons qu'ils soient jugés". L'Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante a décidé de se pourvoir une nouvelle fois en Cassation. En 2005, un rapport du sénat avait accablé l'Etat pour sa "gestion défaillante" : l'amiante qui n'a été interdite qu'en 1997 pourrait provoquer jusqu'à 100 000 décès en France d'ici 2025.