Pont de Normandie, pont de Tancarville, Pegasus Bridge, pont Colbert... (Re)découvrez l'histoire des ces mythiques ouvrages normands qui font la fierté de la région.
Le Pont de Normandie, une véritable prouesse technique
Mis en service en 1995, il relie Le Havre à Honfleur et cet été, nombreux seront les touristes à l'emprunter pour partir en vacances. Difficile de ne pas tomber sous le charme du pont de Normandie et ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il figure dans le classement des 10 plus beaux ponts de France. Avec ses lignes épurées, on pourrait presque dessiner cet ouvrage d’art en 3 coups de crayon. Mais facile à croquer ne veut pas forcément dire facile à construire.
Dans les années 1980, seul le Pont de Tancarville permettait de franchir l’estuaire. Très vite, l'augmentation du trafic routier a nécessité la construction d'un nouveau pont. C'est en 1987 que le projet est lancé par la Chambre du Commerce et d’Industrie afin de faciliter la circulation et les échanges entre Honfleur et Le Havre.
La construction du pont est lancée en 1990 et durera près de 4 ans. C’est une véritable prouesse technique. Plutôt qu’un pont suspendu rattaché aux deux rives qui aurait coûté très cher, le concepteur fait le choix d’un pont auto équilibré avec 184 auvents qui relient les piliers aux tabliers.
“J’ai décidé tout de suite de franchir la Seine sans appui dans la rivière. On a créé un pylône au Nord, à la limite de la digue basse qui sépare la Seine des marées rive droite. Un pylône avec une grosse protection contre les chocs de bateaux”, explique Michel Virlogeux, concepteur du pont de Normandie.
Il fallait faire un saut de 856 m au-dessus de la Seine, c’est devenu le record du monde des ponts à haubans.
Un ouvrage qui a grandement participé au rapprochement entre l'ex-haute et l'ex-basse Normandie. Pour ce chantier titanesque, 70 000 m3 de béton seront coulés pour les fondations et les pylônes. Le tablier, lui, est en acier.
En 2004, avec la mise en service du viaduc de Millau, le pont de Normandie perdra son titre de plus grand pont à haubans de France, mais cela ne l’empêche pas de continuer à faire la fierté de toute une région.
Pegasus Bridge, un rôle clé lors du débarquement en Normandie
C’est à Bénouville, près de Caen, que se trouve le Pegasus Bridge, rendu célèbre notamment dans le film « Le jour le plus long ». Il faut dire que sa prise par les soldats anglais en 1944 est une histoire vraiment incroyable.
La prise de Pegasus Bridge est l’un des grands faits d’armes de la Seconde Guerre mondiale et elle est l'œuvre de la 6e division aéroportée britannique. Sa mission : rendre intacte les ponts de Bénouville et de Ranville quelques heures avant le débarquement du 6 juin 1944.
Il y avait deux ponts mais celui-ci était très important car entre la ville de Caen, qui se trouve au sud, et la mer, c’était les deux seuls endroits où les alliés pouvaient passer.
Entraînés durant des mois dans le sud-est de l’Angleterre, le major Howard et ses hommes prennent place le 5 juin au soir dans d’immenses planeurs. Après 1h10 de vol et à l’approche des côtes françaises plongées dans l’obscurité, les pilotes mettent alors le cap sur Bénouville.
Ils atterrissent près du pont de Pegasus Bridge, avec une précision incroyable. La proximité du pont permet aux bérets rouges d’en prendre possession en seulement 10 minutes. L’opération est un succès et les pertes minimes.
De leur côté, les Allemands vont tenter de reprendre l’édifice. Ils essaient de le bombarder et envoient des chars, mais les Anglais tiennent bon. A la mi-journée le 6 juin, les hommes d’Howards sont rejoints par les troupes qui ont débarquées au petit matin.
En 1948, le pont est inauguré par Vincent Auriol, président de la République de l’époque. A cette date, cela fait déjà quelque temps qu’on ne l’appelle plus pont de Bénouville, mais Pegasus Bridge. "Pégas le cheval était l’emblème des soldats qui avaient pris le pont en 1944", explique Mark Worthington.
En 1994, un nouveau pont à bascule prend place sur le canal de l’Orne. Mis à part quelques mètres de plus, il est identique au premier. Mais le vrai Pegasus Bridge a été conservé. Il trône depuis cette date dans le mémorial du même nom.
Le pont de Tancarville
Sa construction a marqué les esprits à la fin des années 50. Il a été le 1er pont construit sur la Seine en aval de Rouen et a permis de désenclaver toute une région : celle du Havre.
Le pont de Tancarville est mis en service le 2 juillet 1959 après 4 ans de travaux. A l’époque, il est le plus grand pont suspendu d’Europe. L’ouvrage fait la fierté de la France et sera inauguré en grande pompe par le président René Coty. Mais ce pont s’était fait désirer bien avant la Seconde Guerre mondiale. Pour traverser le fleuve, les Havrais n’ont pas d’autre choix que d’emprunter le bac, des points de passage souvent saturés et dangereux.
En 1955 c’est le premier coup de pioche. Le chantier est pharaonique et pour cause, ce n’est pas tous les jours que l’on construit un ouvrage d’1,5 km de long et de 123 m de haut. Un pont en béton, construit à l’américaine.
Il fallait couler le béton en continu. A cette époque-là, il n’y avait pas les moyens actuels.
Grâce à cette infrastructure, les Havrais et les habitants du pays de Caux sont plus proches de Caen et de Paris. Le pont de Tancarville participe depuis plus de 60 ans au développement économique de la région havraise. Chaque jour, près de 20.000 véhicules, camions et voitures, le traversent, preuve de son indéniable utilité.
Le Pont Colbert à Dieppe, plus vieux pont de la région
Construit en 1889 (comme la Tour Eiffel), ce pont tournant à hydraulique est le seul pont de ce type encore en fonctionnement en Europe. A Dieppe en Seine Maritime, le pont Colbert est devenu un symbole de la ville reliant le quartier des pêcheurs au reste de la ville.
Surnommé pont Eiffel ou la petite tour Eiffel, ce pont n’a pourtant pas été construit par le père de la tour Eiffel, Gustave Eiffel. C'est sa ressemblance, même matériau, même technique de construction (en croix de St André) qui a fait naître cette légende.
Conçu par l’ingénieur Paul Alexandre, médaillé d’argent pour cette réalisation à l’exposition universelle de 1900, le pont Colbert est très moderne pour l’époque. Son système de rotation par hydraulique et le matériau de construction utilisé (fer puddlé et laminé) sont nouveaux.
Détruit par un bombardement allemand en 1944 il sera reconstruit en partie à l’identique en 1946. En 2019 aussi il a bien failli disparaître du paysage quand certains ont souhaité le remplacer par un ouvrage plus moderne. Mais élus locaux, habitants, estivants et artistes, regroupés au sein d'un comité de sauvegarde, se sont mobilisés et le pont Colbert de Dieppe a été inscrit puis finalement classé aux monuments historiques en 2020 par le ministère de la Culture, ce qui le rend intouchable.
Il ne sera donc pas détruit, mais devra être restauré par mesure de sécurité et en raison de son état. Des éléments rivetés sont à changer, plomb et amiante sont à enlever et la chaussée sera remplacée. Pour cela il faudra déplacer le pont. Une question se pose également, faudra-t-il l’automatiser comme les autres ? Ses fervents défenseurs sont contre pour préserver ce patrimoine. Affaire à suivre...