C'est peut-être la fin d'un feuilleton débuté il y a plus de dix ans. Après de multiples rebondissements, la justice a tranché, l'éleveur de moutons de prés salés installé à Genets dans la baie du Mont Saint-Michel a jusqu'au 19 avril pour détruire sa bergerie.
Un beau projet
L’histoire commence il y a une vingtaine d’année. François Cerbonney, alors âgé de 30 ans, décide de créer un élevage de moutons dans la baie du Mont Saint-Michel. Avranchinais d’origine, il connait bien la région, l’agneau de prés salés est en vogue, il souhaite construire sa bergerie à Genets à proximité du point de départ historique des pèlerins vers « la merveille ».
Le début des problèmes
Le berger a fait son calcul, pour vivre de son métier il doit constituer un troupeau de 350 brebis. Les bêtes vont pouvoir s’épanouir en broutant les herbus, ces fameuses terres immergées pendant les grandes marées donnant à la viande ce goût tant convoité. Il pourra également construire sa bergerie pour y abriter ses bêtes. Le problème c’est que le site est classé « espace remarquable » et qu’il est protégé par la loi littoral.
Des infractions à répétition
En 2004, l’éleveur fait une demande de permis de construire qui lui est refusée. Malgré ce refus, le berger décide d’édifier huit tunnels bâchés pour abriter ses moutons. Le tribunal de grande instance de Coutances est saisi, il ordonne à l’éleveur de tout démonter. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais en 2009 François Cerbonney édifie, sans permis de construire, une bergerie de près de 1000 m2 enfreignant ainsi la loi littoral et le plan d’occupation des sols. http://manche-nature.fr/wp-content/uploads/2017/06/jugement-TGI-Coutances-1er-juin-2017.pdf
La guerre est déclarée
Le maire de l’époque finira par accorder un permis de construire bien après l’édification de la bergerie pour régulariser la situation. Le berger ne s’en cache pas, à ce moment-là, le maire de Genets et plusieurs autres personnalités politique du département de la Manche décident de lui venir en aide.
C’est vrai que pendant cette période on m’a fait plein de promesses, mais je remercie quand même l’ancien sénateur Jean Bizet qui a réussi à faire passer un amendement pour assouplir la loi littoral, même si finalement ça n’a pas marché pour moi
C’est aussi, et surtout, à ce moment-là, 2009, que la puissante association de protection de l’environnement « Manche Nature »(http://manche-nature.fr/) s’empare du dossier et décide de faire barrage.
Les politiques se sont crus tout-puissants, ils ont pensé pouvoir octroyer un passe-droit
Le berger pris en tenaille
A ce stade-là, l’éleveur va tout tenter pour légitimer sa bergerie : Il va répondre au cahier des charges AOP (appellation d’origine protégée). Il déclarera que son bâtiment , à 200 mètres des herbus, n'est à proximité immédiate du littoral. Il ajoutera que sa bergerie est construite en matériaux nobles et qu’elle ne dépasse pas les 5 mètres. Le problème c’est que désormais les enjeux ont pris une autre dimension. Le « cas de la bergerie de Genets » cristallise un combat qui dépasse largement la situation du berger.
François Cerbonney se retrouve au milieu du combat qui oppose une partie des élus du sud Manche et l’association Manche nature, ou plus exactement d’un duel entre deux hommes : Jean Bizet, alors sénateur de droite et Yves Grall, le président de l’association de défense de l’environnement.Soit, d’un côté un parlementaire qui veut absolument faire la démonstration de son pouvoir dans son territoire, et de l’autre le président d’une organisation qui veut prouver qu’elle est peut faire face à la puissance politique.
Au milieu se trouve un berger qui a commis plusieurs fautes. En premier lieu, il s’est convaincu qu’en faisant son métier le mieux possible pendant suffisamment de temps (20 ans), il réussirait à faire basculer le droit de son côté. Ensuite François Cerbonney a sans doute commis l'erreur de croire aux promesses d'hommes et de femmes politiques qui n'ont pas réussi à l'aider.
Conclusion
Malgré la constitution d’un comité de soutien composé de clients, d’amis du berger, d’habitants de Genets et de l’actuelle maire de la commune, le combat semble définitivement perdu.
Je considère qu’avec la qualité de son travail, son savoir faire et le rôle indispensable des troupeaux pour l’équilibre naturel de la baie, François Cerbonney et sa bergerie font partie d’un patrimoine qu’il faut préserver. Les lois sont parfois incohérentes, c’est mon rôle d’élue de le dénoncer
La notification du tribunal de Coutances est tombée, le berger doit effectuer la destruction de sa bergerie avant le 19 avril, chaque jour de retard sera sanctionné par une amende de 150 euros.
Je suis totalement désemparé, je ne sais plus quoi faire, je ne peux pas détruire la bergerie pendant que les agneaux sont en train de naitre, je n’arrive pas à me projeter dans l’avenir
Le président de l’association « Manche Nature », accusé par le camp du berger d’acharnement se défend en avançant que la loi doit être la même pour tous les citoyens, que le littoral doit absolument être préservé. Il déclare également avoir laissé près de 4 ans au berger pour qu’il s’organise et lui avoir même proposé des solutions de replis.
Que dit la loi littoral dans la baie du Mont Saint-Michel
La loi littoral est né en 1986. Elle avait pour objet de préserver les côtes de la pression immobilière et portuaire de plus en plus importante à l’époque.
Son article le plus connu : L'article L. 121-16 du code de l'urbanisme dispose qu'en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares.
Une loi qui au Mont Saint-Michel est renforcée par le classement de toute la baie en « espace remarquable ». La loi Littoral consacre certains espaces comme devant être particulièrement protégés. Il s’agit des espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Ces zones bénéficient d’une protection interdisant toute construction ou installation. Seuls quelques aménagements légers peuvent y être autorisés. (L. 121-23 du Code de l’urbanisme)