100% d'énergies renouvelables en 2040 : dans le Calvados, les éoliennes de la discorde

C'est une réflexion qui ne fait pas que des heureux. Celle de déterminer des zones où une dizaine d'éoliennes pourraient être implantées dans la Vallée de l'Orne et de l'Odon (Calvados). Objectif, pour la communauté de communes : atteindre 100% d'énergies renouvelables d'ici à 2040.

Les 25 000 habitants des vallées de l'Orne et de l'Odon (Calvados) pourraient-ils un jour bénéficier de 100% d'énergies renouvelables ? Cet objectif est inscrit dans la décision du conseil communautaire de 2018 visant à "engager le territoire dans la démarche 100% EnR en 2040", mais aussi dans le cadre de la loi du 10 mars 2023 sur l'accélération des énergies renouvelables. Il doit désormais être rempli au niveau national.

À l'horizon 2040, le territoire devra avoir réduit de 50% ses consommations actuelles. Les 50% résiduels devront être couverts par les EnR (énergies renouvelables). En faisant le mix de toutes les EnR mobilisables, on arriverait à une dizaine d'éoliennes sur le territoire.

Communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon

à France 3 Normandie

Pour l'atteindre, la communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon, au sud de Caen, a entamé une vaste réflexion sur le déploiement du photovoltaïque et de l'éolien sur le territoire à travers sept ateliers ouverts au public.

Un collectif de riverains dénonce un manque de concertation avec des habitants, et craint que le paysage ne soit dénaturé. La communauté de communes, elle, rappelle qu'elle n'a pas encore de projet d'éoliennes parfaitement ficelé "dans ses cartons" et que la législation, nationale, conduira de toute façon au développement des EnR.

"On a l'impression d'être pris par surprise"

Fondateur du collectif Vigi-Eolien Orne Odon, Noël Le Conte fustige l'organisation des ateliers de co-construction proposés par l'intercommunalité. Ateliers auxquels n'ont participé que 300 personnes sur les 25 000 habitants du secteur. "Ce qui nous dérange, c'est la manière avec laquelle la communauté de communes nous a présenté les choses, précise-t-il. On n'a pas été consulté sur les éoliennes et les alternatives, ça a été extrêmement guidé."

"Je viens de Picardie. Là-bas, on a vu arriver des éoliennes avec le sourire. Et puis, on s'est rendu compte que quand on en mettait trois dans un coin, il y en avait 20 ou 30 qui s'installaient en quelques années", assure-t-il, évoquant "des incidences sur la santé, la faune et la flore" et rappelant qu'en 2021, la cour d’appel de Toulouse avait, de façon inédite, reconnu les nuisances et l’impact sur la santé d'un parc éolien sur le voisinage.

Et condamné deux sociétés exploitantes de ce parc à verser à un couple du Tarn près de 110 000 euros "en réparation de leurs préjudices".

On est dans un endroit où il y a de très beaux paysages, de très beaux villages. Ces éoliennes, les riverains vont en faire les frais. Ma maison est assez protégée, mais j'ai peur pour mes voisins.

Noël Le Conte

à France 3 Normandie

Noël Le Conte assure ne pas s'opposer aux éoliennes en tant que telles. Mais craint qu'elles ne soient bien trop rapprochées des habitations - la faute à la structure même du territoire sur lequel elles pourraient s'implanter. "Quand on regarde les projections, si on me disait que les éoliennes seraient à plus de 1000 mètres des habitations, ce serait peut-être tolérable, relève-t-il. Mais les habitations sont assez dispersées, donc ce critère-là ne tient pas."

"Il y a d'autres alternatives, dont le photovoltaïque, dont on n'a quasiment pas parlé aux ateliers de co-construction, estime également Noël Le Conte. On a l'impression que le président de la communauté de communes a déjà décidé et laisse entendre que tout le monde est d'accord. Mais lors d'une réunion que l'on a organisée il y a 8 jours, à Sainte-Honorine-du-Fay, trois maires sont venus nous soutenir."

On ne nous a pas parlé de l'intermittence de la production électrique des éoliennes. C'est pourtant fondamental. L'électricité se stocke dans les barrages hydroélectriques, mais sinon c'est un flux, un courant. Avec les éoliennes, on ne peut pas se dire que l'on va pouvoir stocker l'énergie que l'on va produire la nuit, par exemple.

Noël Le Conte

Après 10 000 tracts distribués aux quatre coins de l'intercommunalité, le collectif Vigi-Eolien Orne Odon souhaite se constituer en association courant novembre.

Et réclame l'instauration d'un référendum citoyen pour inclure davantage les riverains dans ce plan d'accélération des EnR : "On va continuer. On n'a pas beaucoup de moyens mais on va être opiniâtres et résistants", assure Noël Le Conte.

"Le photovoltaïque au sol ne suffit pas"

Mais que faire, quand l'objectif est à remplir au niveau national, et que chaque commune doit mettre la main à la pâte ? "La loi d'accélération des EnR a donné l'échéance du 31 décembre aux communes, nous explique-t-on à la communauté de communes. Les collectivités ont été sensibilisées par la préfecture à la fin de l'été. Elles doivent définir pour chacune des filières EnR des zones dites d'accélération.

Un bureau d'étude a été missionné pour identifier toutes les zones "techniquement favorables" en prenant en compte toutes les contraintes réglementaires de paysages. Après cela, les collectivités ont pu échanger et associer le public au travers ces ateliers de co-construction. "Le but était d'identifier si des zones, parmi celles qui étaient techniquement identifiées, étaient ou non acceptables, et si oui, sur quels critères, précise l'intercommunalité. Nous en sommes à la phase de synthèse."

On travaille sur la géothermie, le photovoltaïque, la biomasse et l'éolien. Nous devons proposer des zones d'accélération à la préfecture de façon à pouvoir aussi proposer des zones d'exclusion et éviter le développement anarchique des éoliennes par les promoteurs.

Communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon

À la crainte de l'explosion du nombre d'éoliennes et de leur présence au plus près des habitations, la communauté de communes répond que "le projet n'est pas ficelé", que "chaque commune sera, in fine, décisionnaire" mais que le timing, serré, et la législation nationale, ne permettent de toute façon pas de passer outre cette obligation.

"On a la chance d'avoir de notre côté lancé cette réflexion-là depuis près d'un an. Mais les communes, en si peu de temps, doivent organiser une concertation qui n'a pas été définie au sens réglementaire. On essaie d'être exemplaires et de s'inscrire dans les objectifs de la loi."

La communauté de communes assure ne pas avoir senti de "majorité défavorable" au projet, et ne surtout pas défendre l'installation d'éoliennes trop proches des habitations. "Certains disent que nous voulons installer une vingtaine d'éoliennes à 500 mètres des habitations. Ce n'est pas du tout l'objet !"

Le bureau d'études, à notre demande, a identifié des zones à 750 ou 1000 mètres. C'était des éléments que l'on souhaitait justement soumettre lors des ateliers de co-construction. Pourquoi la collectivité irait-elle promouvoir des éoliennes à 500 mètres ?

Communauté de communes Vallées de l'Orne et de l'Odon

Au premier trimestre 2024, le Comité régional de l'énergie déterminera si, à l'échelle de la région Normandie, les objectifs en termes d'énergies renouvelables sont atteints. Pour cela, le photovoltaïque au sol "ne suffira pas", nous assure la communauté de communes, qui souhaite "proposer au territoire et à ses habitants de définir ce qu'ils souhaitent pour leur devenir énergétique".

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