La tension est palpable à Aure-sur-Mer (Calvados). La vie municipale est à l'arrêt depuis trois ans à cause de tensions entre le maire et une partie du conseil municipale. Faute d'accord, les décisions relatives à la commune sont gelées, au grand regret des habitants.
C'est une commune de 720 habitants, près de Bayeux (Calvados), qui semble paisible au premier abord. Pourtant, l'atmosphère est électrique dans l'hôtel de ville. Le maire et une partie de son conseil municipal se déchirent depuis le début du mandat.
Des adjoints n'ont plus accès à la mairie, des travaux sont au point mort, l'entretien des espaces verts de la commune n'est plus assuré, la salle des fêtes est fermée, faute de mise aux normes. Chaque camp se renvoie la balle, et ce sont les habitants qui en pâtissent.
Je suis un petit peu désespérée, il n'y a pas de dialogue, quand est-ce qu'on va sortir de ce nœud de vipères ? C'est une catastrophe.
Michelle Lebris, habitante et ancienne conseillère municipale
Perte de confiance
Pourtant, après les élections municipales de 2020, rien ne laissait présager une telle situation. Le climat se serait dégradé à cause d'une gestion jupitérienne du maire, selon ses détracteurs. "Il y a 15 élus sur 19, qui ne font plus confiance au maire. Il a perdu la confiance des conseillers municipaux par son comportement, par sa gestion à l'emporte-pièce de certains dossiers. C'est une attitude autocrate. Le conseil municipal n'est pas là pour entériner des décisions prises par le maire, seul", explique Jean-Marie Groult, 1ᵉʳ adjoint au maire à Aure-Sur-Mer, au micro de Karine Lepainteur, journaliste France 3 Normandie.
Les élus expliquent que le maire aurait notamment retiré des sujets de l'ordre du jour sans concertation.
Retirer les délégations
Alors en 2021, des membres du conseil municipal décident de retirer ses délégations au maire. C'est-à-dire, des pouvoirs de décision sans passer par un vote au conseil municipal. Le maire garde ses fonctions de représentant de l'État (état civil, élections, recensements...) mais perd une partie de son pouvoir exécutif de la commune.
Le maire doit désormais présenter un devis devant le conseil pour toute décision de la commune. Mais lors des votes, il arrive bien souvent qu'ils échouent à trouver un accord.
"Actuellement, nous n'avons plus de gasoil pour les tracteurs et le véhicule utilitaire de la commune, parce que le conseil municipal n'a pas délibéré. Il veut des devis pour délibérer sur les achats de gasoil. La conséquence, c'est le blocage des instances", s'agace Alain Bauda, maire d'Aure-sur-Mer.
L'édile s'appuie sur des situations absurdes, où il doit demander un devis pour un mélange de quelques litres de carburants pour les outils d'entretien des espaces verts, ou encore acheter des fournitures.
Quelles solutions ?
Le maire a alerté l'État pour essayer de débloquer la situation, deux possibilités s'offraient. La première, une démission collective, piste abandonnée faute d'accord. La seconde, dissoudre le conseil municipal. Une action possible par décret ministériel ou par un représentant de l'État dans le département, en cas d'urgence. Dans ce cas, la suspension ne peut excéder un mois.
Les habitants perdent patience, un collectif s'est monté pour monter une pétition recueillant 400 signatures, sur environ 500 personnes inscrites sur les listes électorales, selon les porteurs du projet.
"Ce que nous demandons, c'est la démission complète du conseil municipal, maire compris. Nous souhaiterions que ces personnes ne puissent plus se représenter aux prochaines élections afin de nous assurer que la commune retrouve le calme et que les habitants retrouvent leur commune", explique Stéphane Watrin, habitant d'Aure-sur-Mer.
Lettre au ministère de l'Intérieur
La pétition a été adressée à Gérald Darmanin en février 2024, lorsqu'il était en poste au ministère de l'Intérieur. Sans réponse de sa part, les habitants ont adressé à nouveau le document à son successeur, Bruno Retailleau, au mois d'octobre.
Le ministère a fait savoir que la demande avait été transmise à la préfecture du Calvados. Si aucune solution n'est trouvée, les habitants de la commune devront patienter jusqu'aux prochaines élections municipales, prévues en 2026.