A la campagne et en ville, la faune se porte bien en Normandie pendant que les humains sont confinés. Plus de voitures, plus de chasseurs, c'est moins de mortalité chez les chouettes et chez les hérissons, c'est aussi aussi plus de sangliers avec des dégâts attendus sur les cultures.
Confinés, les urbains redécouvrent le chant des oiseaux chaque matin, dans le silence, la nature s'entend de nouveau dans la ville. A Caen, Rouen ou encore le Havre, les bergeronnettes et autres rouges-gorges offrent des concertos gratuits ( si vous voulez vous amuser à les identifier, ici un petit guide de la LPO( Ligue de Protection des Oiseaux) .
Exit donc le bruit parasite de la circulation automobile. Depuis quelques jours, la "biophonie" l'emporte sur l’"anthropophonie". En clair, les sons des êtres vivants l'emportent sur les sons liés aux activités humaines. Alors qu'habituellement, les oiseaux par exemple doivent chanter plus fort et plus souvent pour lutter contre le vrombissement des moteurs. Moins de bruits, moins de stress... chaque espèce réagit à sa façon, les rats voient dans ce silence le signe d'un danger par exemple.
" Ce qui est certain, explique Guillaume Hédouin, naturaliste au Parc des Marais du Cotentin, c'est que beaucoup d'espèces voient ou vont voir leur mortalité se réduire avec la baisse des déplacements automobiles. "
La réduction drastique de la circulation automobile réduit les collisions mortelles. L'impact va être positif pour les populations de chouettes comme la chouette effraie, le faucon crécerelle et surtout le hérisson qui se déplace beaucoup
Et comme dans la nature, tout marche avec tout, cette baisse de la mortalité du hérisson peut avoir des effets positifs pour votre jardin. Car cette espèce protégée qui a vu sa population baisser de 70 % en 20 ans, est un "insecticide naturel".
Insectivore, le hérisson chasse les limaces, les sauterelles, les criquets, les escargots, les hannetons, les mille-pattes ou encore les charançons. Il peut même s'attaquer aux vipères. Autant de nuisibles pour les jardins qui constituent l’alimentation du petit mammifère.
Des cabanes pour aider les hérissons menacés d'extinction
A peine protégés des températures négatives dans le garage qui leur sert d'atelier, John et Gilbert découpent, vissent et assemblent. S'ils s'activent ce n'est pas pour se réchauffer, mais plutôt pour tenir la cadence de production de leurs cabanes pour les hérissons.
Une prolifération de sangliers redoutée par les chasseurs
" En revanche, en ville, le confinement peut aussi avoir un effet négatif sur les nidifications car les gens taillent leurs haies et leurs arbres plus tôt et plus souvent que d'habitude du fait du confinement" Sylvain Girodon, président de l'association pour la renaturation des villes Au pied du mur ( Caen)
Du côté des chasseurs, le ton est différent, la période de confinement inquiète quant à la proliferation d'espèces dites nuisibles comme les sangliers .
Gilles de Valicourt, directeur adjoint de la Fédération de chasse du Calvados, explique :
" La période de la chasse est close mais nous avions obtenu une dérogation de pouvoir chasser le sanglier, il faut savoir que les dégâts agricoles occasionnés par les sangliers sont à la charge finançière des chasseurs. Nous en tuons environ 6000 par an. Or, nous sommes en période de semis, l'agriculture est dans le contexte une priorité nationale, les sangliers vont aller chercher de la nourriture et faire des dégâts. Le Préfet devra probablement mettre en place prochainement des actions administratives pour ce problème."
Les seules espèces chassables dans le département du Calvados dans le contexte actuel sont le corbeau freux, la corneille noire et le pigeon ramier.
Aujourd'hui, un agriculteur ne peut plus faire appel qu'à un seul et unique chasseur habilité pour tuer ces espèces dites nuisibles du fait du confinement.
Autre conséquence: plus de chasse dite de déterrage qui se pratique avec des chiens et des grosses pinces dans des terriers pour les espèces chassables comme les blaireaux et encore les renards. " La nature n'est jamais en équilibre, elle s'adapte en permanence, elle passe du déséquilibre à une résilience toujours temporaire, la hausse du nombre de renards aura des conséquence sur le nombre de lapins, perdrix ou encore faisans".
850 renards menacés de destruction dans un département normand
Les amoureux de "Rox et Rouky" ont du souci à se faire. Les renards normands sont en danger, menacés par la loi.Comme l'Eure, son département voisin, la Seine-Maritime veut combattre cet animal, considéré par certains comme un nuisible.
Et si nos confrères de Paris Normandie dans l'Eure s'étonnaient avec une once d'humour de la réactivité du ragondin au confinement humain, " Le confinement commencé, un ragondin en profite déjà pour sortir à Pont-Audemer !, leur impact si leur nombre augmente est redouté car ils sont régulés par piégeage. Jusqu'à 30 à 35 000 ragondins sont piegés par exemple juste pour la Manche chaque année.
Tous les bassins versants de Basse-Normandie sont aujourd'hui colonisés par ces rongeurs importés d'Amérique qui se sont trés bien acclimatés. Leurs nuisances sont multiples: atteinte du réseau hydrographique par destruction des berges ou encore consommation des cultures aux abords des berges.
Truites peinardes et cerfs tranquilles
" Pour les truites, c'est l'aubaine, elles, elles vont être bien tranquilles! La pêche aux salmonidés avait ouvert le 14 mars mais des mesures en lien avec la situation interdisent la pêche. On espère retitiller dans plusieurs mois" explique Marc Madeleine, président de l'Amicale des pêcheurs à la ligne de l'Avranchin ( 50). " En attendant, pour elles, c'est la belle vie! "
Quant aux cerfs de nos forêts, le confinement est une bonne nouvelle car c'est la période où ils perdent leurs bois et la tradition veut que ceux-ci soient ramassés en forêt. Plus de sérenité pour eux donc à un moment où ils se sentent vulnérables...
Attention aux fake news sur le retour de la vie sauvage
On a vu fleurir des images de dauphins à Venise ou encore des infos qui prétendent que des cygnes ou des dauphins seraient déja venus repeupler les eaux de la ville ...C'est faux! National Geograpic dans un article dément ces fake news: " Ce phénomène montre avec quelle rapidité les rumeurs attrayantes et trop belles pour être vraies peuvent se propager en temps de crise. Face à une publication qui fait appel à leurs émotions, les internautes ne peuvent pas s'empêcher de partager. En situation de stress, ces images adorables d'animaux sont un irrésistible remède. Selon une étude parue en 2016, la propagation des phénomènes sociaux est si puissante qu'elle suit parfois les mêmes modèles que la contagion d'une épidémie."