Déserts médicaux : comment attirer de nouveaux soignants et mieux organiser le parcours des patients ?

En Normandie, les professionnels de santé se mobilisent pour favoriser l’installation des soignants et mieux coordonner les soins dans les territoires en difficulté.

Si l’offre de soins se dégrade en zone rurale et dans certains quartiers, c’est notamment parce que les soignants ne s’y installent pas. Les causes de ce manque d’intérêt pour certains territoires sont nombreuses, mais ces professionnels ont décidé d’inverser la tendance. Développer les effectifs des soignants dans les déserts médicaux ne suffit pas toujours. Pour proposer une offre de soin plus efficace et lutter contre la solitude des acteurs de la santé, il faut aussi mieux coordonner les différents intervenants.

Tout l’été, découvrez des Normands qui se mobilisent pour maintenir une offre de santé sur tous les territoires. Des articles à retrouver chaque lundi sur notre site internet.

Xavier Humbert : décentraliser l’enseignement médical

Xavier Humbert est médecin généraliste, mais il est aussi maître de conférences à l’université de Caen en charge du département de médecine générale. En 2017, avec d’autres chercheurs, il met en évidence une baisse importante de l’offre de soin en Basse-Normandie. Les conséquences annoncées sont alarmantes : une partie de la population risque de ne plus se soigner ou d'arriver dans les établissements de soin avec beaucoup de retard. Dans ces conditions, les délais de prise en charge seront plus longs et les pronostics plus sombres.

À cette époque, pour anticiper les difficultés, les collectivités lancent un plan d’attractivité des territoires les plus sous-dotés. Parmi les actions mises en place, Xavier Humbert souhaite en mettre une en avant : la délocalisation de l’enseignement de la médecine générale. Les enseignants sont invités à s’installer dans des zones en souffrance et accueillir les étudiants dans leur cabinet, plutôt qu’au CHU. La démarche a un double intérêt : les professeurs peuvent aussi recevoir des patients, et les jeunes s’installent à l’année sur un territoire qu’ils apprennent à connaitre.

Le but, c’est de fixer les étudiants plusieurs mois, voire plusieurs années. Après, ils peuvent se projeter sur une première installation.

Xavier HUMBERT

Médecin Généraliste et Maitre de conférences à l’université de Caen

Et le dispositif fonctionne, le médecin en a fait l’expérience. Il raconte : “Quand j’exerçais dans l’Orne, à Domfront, un étudiant a fait une partie de son cursus chez moi. Je l’ai suivi pendant ses trois années d’internat et il a fini par s’y installer. Aujourd’hui, il est toujours sur le territoire, c’est un pari gagnant. Nous avons réussi à recréer de l’offre de soins dans une zone qui était sous-dotée.”

Pour aller plus loin et augmenter encore l’attractivité d’un territoire, il faut assurer la pérennité du dispositif et structurer les choses. Xavier Humbert évoque l’idée de Maisons de Santé pluriprofessionnelles et universitaires, une sorte de “mini-CHU” qui rassemble soin, enseignement et recherche sous le même toit.

Retrouvez l'interview de Xavier Humbert en vidéo ci-dessous :

durée de la vidéo : 00h03mn00s
La délocalisation de l’enseignement de la médecine générale permet aux étudiants de découvrir un territoire pour peut-être s'y installer plus tard. ©France Télévisions

Pour avoir plus d'information sur le dispositif, vous pouvez vous rendre sur le site de l'UFR santé et sur le site Medinstal.

Lynda Beugnot : développer l'offre de soins dentaires en Normandie

Avec 42 chirurgiens dentiste pour 100 000 habitants, la Normandie est une région particulièrement sous-dotée. Il faudrait 800 praticiens supplémentaires pour atteindre la densité moyenne en France. Et la situation risque d'empirer avec le départ en retraite de 25 % des effectifs entre 2018 et 2025.

Pour certains cabinets, les agendas sont complets jusqu'à la fin de l’année. En Normandie, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous est de 3 à 4 mois.

Lynda Beugnot

Présidente de l'Union Régionale des Professionnels de Santé des chirurgiens-dentistes

La représentante des dentistes normands s’est donné pour mission d’améliorer l’offre de soins dentaires dans la région. Selon elle, il est indispensable de redonner de l’attractivité à la région pour attirer les praticiens, mais aussi les étudiants qui seront susceptibles de s’installer ensuite dans des zones sous-dotées.

Pour attirer les professionnels, les collectivités ont mis en place différentes aides. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) offre par exemple une aide à l’installation de 25 000 euros aux dentistes qui acceptent de s’installer dans les zones en tension. Les communes rurales proposent aussi des aides financières ou matérielles en cas d’installation dans une maison de santé. Enfin, la région peut aussi participer à l’aménagement d’un cabinet, notamment pour permettre l’accueil d’un étudiant.

Levier important pour assurer le développement de l’offre de soins dans les années à venir, l’accueil des futurs dentistes est également au cœur des préoccupations. Les étudiants qui souhaitent venir faire leurs stages en Normandie bénéficient d’une participation aux frais de déplacements et de logement. Un contrat d’engagement en service public a aussi été mis en place. Cette subvention est accordée aux étudiants qui s’engagent à s’installer quelques années dans une zone sous-dotée de la région une fois leur diplôme en poche.

D’autres dispositifs viennent compléter les aides à l’installation, notamment des exonérations de charge. Mais pour répondre aux besoins immédiats, un nouveau métier a été créé en mai dernier : l’assistant dentaire de niveau 2. En prenant en charge certains actes, il pourra libérer du temps pour que le dentiste puisse recevoir plus de patients.

Pour Lynda Beugnot, il y a une dernière initiative qui donnera une véritable bouffée d’oxygène à la profession dans les années à venir : depuis un an, les toutes nouvelles facultés de chirurgie dentaire accueillent 35 étudiants à Caen et une quinzaine à Rouen. 

Retrouvez l'interview complète le Lynda Beugnot ci-dessous :

durée de la vidéo : 00h03mn10s
La présidente de l'Union Régionale des Professionnels de Santé des chirurgiens-dentistes nous présente les différents dispositifs pour améliorer l'offre de soins dentaire en Normandie. ©France Télévisions

Pour en savoir plus, vous pouvez vous rendre sur le site de l'URPS des chirurgiens-dentistes.

Patrick Dahan : mieux coordonner l’offre de soin

Il a été médecin généraliste pendant 40 ans dans une petite commune du sud de l’Eure, ce jeune retraité connait bien le territoire et les problématiques liées à la prise en charge des patients. Quand l’heure de quitter son cabinet est arrivée, Patrick Dahan a souhaité participer autrement au bon fonctionnement des services de santé autour de Verneuil-sur-Havre. Aujourd’hui, il est président du Dispositif d’Aide à la Coordination (DAC) destiné aux professionnels de santé.
À l’origine de cette démarche, il y a un premier constat : la charge administrative pèse de plus en plus lourd dans la journée d’un généraliste. Patrick Dahan estime qu’il y consacrait plus de deux heures par jour en fin de carrière. Autant de temps en moins pour accueillir des patients. L’autre problème dans les territoires comme celui-ci, c’est évidemment la désertification médicale. 

Le nombre global de médecins – toutes spécialités et tous modes d’exercice confondus – n’augmentera pas avant 10 à 15 ans.

Dr. Patrick DAHAN

Président d’Appui Parcours Santé 27 – DAC Sud

Pour répondre aux besoins en constante évolution d’une population vieillissante, l’état et les associations ont imaginé des solutions pour améliorer l’accès au soin et libérer du temps aux médecins : infirmières en pratique avancé, assistants médicaux, délégations de tâches, décloisonnement des pratiques. Une multitude de dispositifs, dans lesquels il est parfois difficile de se retrouver, que ce soit pour les patients, mais aussi pour les professionnels.

Nous, professionnels de santé, sommes un peu perdus dans cette forêt d'institutions qui existent dans le social et dans le médicosocial.

Dr. Patrick DAHAN

Président d’Appui Parcours Santé 27 – DAC Sud

C’est pour mieux organiser les parcours de soins que les DAC ont vu le jour. Et tout le monde est gagnant : les professionnels exercent dans de meilleures conditions et les patients sont pris en charge plus efficacement. Quand un médecin se trouve en difficulté pour organiser le parcours d’un malade, il n’a qu’à décrocher son téléphone pour contacter le DAC.

On va soulager le travail du médecin en le soulageant des lourdeurs administratives. Les coordinatrices connaissent tous les rouages et simplifient énormément le travail.

Dr. Patrick DAHAN

Président d’Appui Parcours Santé 27 – DAC Sud

Pour démontrer l’efficacité du dispositif, l’ancien médecin donne un exemple très concret : “pour maintenir une personne âgée en fin de vie à domicile, c'est le parcours du combattant. Il y a beaucoup de choses à mettre en place : les repas, le ménage et coordonner tous les soignants qui interviennent. Nous sommes en mesure de prendre en charge toutes ces démarches de façon quasi immédiate. Il n’y a pas de dossier à remplir, nous sommes très réactifs.”

Retrouvez l'interview complète de Patrick Dahan ci-dessous :

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Le Dispositif d'Aide à la Coordination soulage les médecins traitants en prenant en charge certaines taches et en coordonnant les équipes médicales et paramédicales. ©France Télévisions

Aujourd’hui, ce dispositif semble faire ses preuves et se décline sur d’autres territoires en Normandie sous la forme de dix “Plateformes Territoriales d’Appui”.

Pour en savoir plus sur le Dispositif d'Aide à la Coordination "sud 27", rendez-vous sur son site internet.

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