Hommes victimes de violences conjugales : un premier groupe de parole organisé à Caen

Les violences conjugales, d’ordre psychologiques, verbales, sexuelles, physiques ou économiques, peuvent parfois toucher les hommes. Une thérapeute à Caen et une association du Calvados ont donc décidé d’organiser le premier groupe de parole à destination des victimes masculines de violences au sein du couple.

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Depuis novembre 2021, Karine Tollemer organise régulièrement des groupes de parole dédiés aux femmes "en situation d’emprise psychologique avec ou sans violences physiques/sexuelles". À ce jour, une quarantaine l’ont déjà contactée, pour assister à ces séances à Caen, où elle exerce. "Ça a été un succès, malheureusement", nous confie l’hypnothérapeute.

Depuis ses premiers groupes de parole à destination des femmes, elle a aussi été contactée plusieurs fois par des hommes qui se disaient, eux aussi, victimes de violences conjugales. "Ils m’ont demandé pourquoi ça ne s’adressait qu’aux femmes. Ça m'a beaucoup interpellée. Il n'y a rien pour eux à Caen à ce niveau-là", explique la thérapeute qui ne s’était destinée à n’accueillir que des femmes dans son cabinet.

Un tabou 

Si la question des violences sexistes et sexuelles est portée depuis plusieurs années par le débat public en France, celles subies par certains hommes sont peut-être occultées par "la grande médiatisation faite autour des violences faites aux femmes". Mais pour cette praticienne de médecine alternative, ce n’est pas la seule raison. "Les injonctions sociétales et patriarcales qui imposent le schéma selon lequel les hommes doivent être forts, ne pas pleurer ni exprimer leurs émotions, ne leur permettent pas de se sentir légitimes et de s’exprimer à ce sujet. Ce sont pourtant des violences qui existent. Même s’il y a moins d’hommes victimes que de femmes victimes", développe Karine Tollemer.

Au cours de notre interview, elle nous confie avoir dernièrement accompagné un homme "victime de violences conjugales très très poussées. Psychologiques, physiques et sexuelles. Un homme diminué. Son histoire m’a énormément touchée", raconte la spécialiste. 

"Même un homme qu’on présume fort peut se trouver complètement anéanti par une relation toxique. Il a vécu un enfer sans nom. Je l'ai même accompagné au commissariat parce qu’il avait peur d’être jugé et moqué. Il a reçu un très bon accueil et ça lui a fait beaucoup de bien d’être reconnu et accueilli sans jugement". 

"L'endroit où l'on pourra venir pleurer"

Le premier groupe de parole dédié aux hommes victimes de violences conjugales aura lieu vendredi 24 février 2023, à partir de 18h30 à Caen. Karine Tollemer souhaite qu’il soit "le plus chaleureux possible". Pour ce faire, elle prévoit d’accueillir les hommes comme elle le fait avec les femmes, "en toute simplicité et pour qu’ils soient suffisamment à l’aise pour poser des mots. Ça va être extrêmement salvateur pour eux d’exprimer ce qu’ils ont vécu, car c'est encore plus difficile pour un homme de se livrer. Ce sera tout simplement l’endroit où l’on pourra venir pleurer, être juste soi-même avec son cœur et rien d’autre", expose-t-elle.

La thérapeute nous rappelle l’enjeu pour les victimes : mettre fin à l’emprise qu’elles subissent. "Certaines arrivent à partir de chez elles, le souci, c'est qu’elles y retournent. Parce qu'il y a une peur de la solitude, parce qu’elles ont cette sensation qu’elles ne sont plus capables de rien. Parce qu’il y a aussi du gaslighting (manipulation mentale) une sorte de décervelage opéré par le bourreau".

Faciliter le départ du domicile conjugal, c’est aussi le but de l’association Osys14 avec qui la thérapeute travaille. 

"Une effervescence" 

"On essaie d’apporter une solution personnalisée en fonction de la situation de chaque victime : peu importe son âge, selon qu’elle a des enfants ou non, un travail ou pas... on peut bénéficier d’aides, comme un hébergement par exemple. L’idée, c’est d’enlever tous les freins qui consistent à croire qu’il n’est pas possible de partir du domicile", explique Arnaud Crestey. 

Ce responsable associatif va coanimer fin février avec Karine Tollemer le groupe de parole pour hommes. Il y a 3 ans, avec sa compagne, il a créé Osys14, un service d’accompagnement départemental dans le Calvados pour les victimes de violences conjugales. "Souvent, avant les mots victimes de violences conjugales, il y a femmes. On ne veut pas qu’il y ait cette précision parce qu’il y a des hommes aussi", défend M. Crestey. Il note une hausse des demandes faites par les hommes depuis l’annonce de la création du groupe de parole qui leur est dédié : "il y a une certaine effervescence. On reçoit pas mal de mails. On voit bien qu’on soulève quelque chose", précise-t-il. 

Dans les 535 victimes au total qu’il a accueilli à ce jour, il y a certes une majorité de femmes, et un nombre d’hommes "à la marge, mais c’est exponentiel", selon lui. "La première année, on avait deux hommes, l’année d’après, le double, en ce moment, on en accompagne huit. On attend vendredi avec impatience de voir si les hommes vont se déplacer. On axe beaucoup sur les femmes donc c’est compliqué pour les hommes de se mettre en avant", partage aussi M. Crestey.

Lors de cet espace d’échange, il leur proposera les services de proximité qu'offre son association, joignable 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. "OSYS est facilitateur pour toutes les démarches liées à la situation d’urgence, accès à un hébergement ou à un logement, dépôt de plainte, consultation d’un avocat, d’un médecin, etc", précise le site internet de l’association qui occupe des locaux à Bayeux. La structure qui est accessible par e-mail s’engage à répondre aux victimes en moins d’une demi-heure. 

"Tout ce que ces personnes, hommes ou femmes, vivent une fois la porte de la maison fermée, c'est des violences invisibles qui peuvent être aussi destructrices qu’un coup de poing en pleine figure, si ce n’est plus d’ailleurs. C’est une violence qui peine à être reconnue faute de preuve, mais c’est une violence qui anéantit", expose Mme Tollemer.

L’emprise psychologique, c'est la problématique récurrente des victimes qu’elle reçoit dans son cabinet. "Elles sont toutes d’accord pour dire que les coups ont fait moins mal que les injures, les dénigrements et les humiliations vécues au quotidien."

Pour participer au groupe de parole dédié aux hommes victimes de violences conjugales, vendredi 24 février 2023 à partir de 18h30, vous pouvez contacter Karine Tollemer au 0764357714. Ou l’association Osys14 par e-mail à l'adresse osys.calvados@gmail.com 

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