Près de Caen, la commune de Colombelles a été l'une des premières à intégrer le dispositif territoire "zéro chômeur de longue durée". L'association Atipic a ainsi vu le jour et permis à 125 personnes de renouer avec l'emploi. Mais son avenir est menacé. Elle a été placée en redressement judiciaire au mois de juillet.
Leïla aura passé six ans chez Atipic. "J’ai fait beaucoup de petits boulots avant, ça a toujours été très instable dans ma vie. J’avais besoin de cette stabilité. Et puis ça m’a aussi permis d’avoir un logement plus facilement grâce au CDI, j’ai pu avoir des vrais projets en me disant que j’avais une sécurité de l’emploi."
Durant six ans, la couturière, embauchée en CDI, a transmis son savoir à d'autres personnes en recherche d'emploi. Avant de se lancer dans une nouvelle aventure : sa propre boutique. "Là, je repars dans quelque chose qui n’est pas du tout stable", s'amuse la jeune femme.
Lancée en 2017, dans le cadre de l'expérimentation "territoire zéro chômeur", l'association Atipic, une "entreprise à but d'emploi", a permis à 125 personnes de retrouver du travail, en CDI. Aujourd'hui, elle emploi 90 personnes dans diverses activités : maraîchage, jardinage, ressourcerie, conciergerie, travaux chez les particuliers et un restaurant ouvert en juin dernier.
Mais cette pièce maîtresse du dispositif, auquel la commune de Colombelles a adhéré en 2016, est menacée. La structure a été placée en redressement judiciaire en juillet dernier. "Si ça met la clé sous la porte, c’est la ville entière qui en pâtit", estime Leïla.
Une équation difficile
Concilier rentabilité et social - réinsérer par l'emploi mais aussi proposer des services accessibles à un public peu fortuné - c'est l'équation difficile que doit résoudre Atipic, malgré les aides de l'Etat. "On sait très bien que par salarié il faut qu’on dégage entre 5 et 6000 euros. C’est l’objectif. Aujourd’hui, on est entre 3 et 4000 euros", explique Marc Pottier, le maire de Colombelles, qui a récemment pris la présidence de l'association. Cet objectif, il faudra l'atteindre dans les six prochains mois pour que l'aventure continue.
Pour y arriver, Atipic doit se réinventer sans se renier. "On doit continuer à développer, booster les activités les plus économiquement rentables", indique Marc Pottier. Aujourd'hui, le maraîchage, les travaux chez les particuliers et le jardinage constituent la locomotive économique de l'association, contrairement à la ressourcerie et la conciergerie. "À nous peut-être d’augmenter un peu les prix de vente tout en faisant attention aux portefeuilles de nos clients."
Mobilisation générale
Et d'en trouver de nouveaux. "Les services qu’Atipic peut rendre ne sont plus simplement qu’à l’échelle de Colombelles, c’est aussi étendu à l’ensemble du territoire de Caen la mer, la loi le permet maintenant", explique le maire de la commune. Et de lancer un appel à tous les habitants de l'agglomération. "Venez consommer, venez au restaurant, venez à la boîte à idées, là où il y a un certain nombre d’activités comme la réparation vélo, venez demander des prestations chez vous, particuliers, pour des micro-travaux."
Pour sauver Atipic, la mobilisation est générale. "Il y a un vrai soutien de la part de l’Etat, de la Région Normandie, du Département du Calvados, de Caen-la-Mer, du Fonds national d’expérimentation aussi qui va nous allouer une contribution exceptionnelle pour nous permettre de franchir le cap de ces quelques mois compliqués", assure le maire de Colombelles. "On va réussir à s’en sortir, j’en suis persuadé, mais pas tout seul."
Un chômage divisé par deux
C'est que pour la commune de l'agglomération caennaise, les enjeux sont considérables. "Atipic, c’est non seulement une centaine d’emplois, mais c’est aussi une centaine de familles", explique Leïla. Depuis 2017, "ce sont 125 personnes qui ont été embauchées, qui ont parfois créé leur entreprise, qui ont eu de vraies progressions dans leur carrière, une meilleure santé économique et financière personnelle et sociale", ajoute Marc Pottier.
Le dispositif "territoire zéro chômeur", dont Atipic est une composante essentielle, a permis à 345 personnes de retrouver du travail. En sept ans, le taux de chômage est passé de 22% à 10-11%. "Ok, c’est toujours deux fois plus que la moyenne nationale mais ça va quand même beaucoup mieux."