Que va devenir le réfrigérant, symbole de la mémoire ouvrière de la SMN ?

De nouvelles études techniques ont été menées en 2023 par Caen-la-Mer pour connaître l'état de santé du réfrigérant. Étape préalable, avant une consultation de maîtrise d'oeuvre, qui va être lancée en 2024 pour savoir comment ce phare de 56 mètres de haut pourrait être mis en valeur, alors que nous commémorons les 30 ans de fermeture de la SMN.

Du haut de ses 70 ans, le réfrigérant a tout connu. La gloire flamboyante à partir des années 60, lorsque l'usine Société métallurgique de Normandie (SMN) employait jusqu'à 6 400 salariés (chiffre record de 1974) à Colombelles.

Le phare de la mémoire ouvrière

Puis les heures sombres, avec un long déclin qui a mené à la fermeture de "l'usine à feu", le 5 novembre 1993, jour de la dernière coulée de la SMN.

Depuis 30 ans, ce phare éclaire la mémoire ouvrière. Mais pour combien de temps, encore ?

Que disent les prélèvements d'échantillons de béton ?

La communauté urbaine de Caen-la-Mer, propriétaire du site, a reçu fin août 2023 les résultats d'un diagnostic géotechnique pour connaître l'état de santé de ce réfrigérant, construit en 1952 pour refroidir les eaux de la centrale électrique de la SMN. 

Intérieur, extérieur, sous-sol, tout a été examiné. Le rapport, que nous avons pu lire, fait état de corrosion sur les équipements métalliques et sur les aciers. "On note une dégradation plus prononcée en partie supérieure de l'ouvrage qu'en partie inférieure. Les chutes de matériaux sont récurrentes à proximité."

Le réfrigérant a vieilli, c'est sûr, mais les carottages montrent que le béton est plutôt de bonne qualité pour son âge.

Éric Paris,

Directeur général adjoint à Caen-la-Mer

"On peut voir des points où la ferraille est apparente. Tout cela fait éclater le béton. Il y a un gros travail d'études à mener par la suite pour pérenniser la structure." explique Eric Paris, directeur général adjoint à Caen-la Mer.

Cette mission sera confiée à un maître d'œuvre, chargé de fournir d'ici l'été prochain des préconisations techniques et financières pour permettre aux élus de décider de son avenir.

La solution la moins coûteuse serait de le détruire, mais ce n'est pas du tout notre volonté. C'est devenu un symbole industriel, emblématique, qui fait partie de notre histoire commune. Il faut donc que ce témoignage de cette grande époque industrielle demeure.

Joël Bruneau, président de Caen-la-Mer

Une mise en lumière, un belvédère ?

Le président de Caen-la-Mer attend les propositions du maître d'œuvre pour se prononcer, mais il imagine une "mise en lumière, de la projection d'image. On peut s'appuyer aussi sur les technologies numériques. Rien n'est arrêté".

Et pourquoi pas un belvédère ? C'est ce que propose l'association "Normandie Patrimoines & Numériques" par la voix de son vice-président Samuel Lecoq, déjà connu pour avoir conçu à partir de 2015, une reconstitution virtuelle de la SMN, baptisée "SMN Virtual"

Avec l'architecte Cyrielle Duprez et des professionnels du numérique, ils ont imaginé le Campus NPN articulé autour de trois pôles. 

"La grande Halle (Ex-WiP) deviendrait une plateforme dédiée au numérique, avec une école solidaire de l'imagerie numérique, ouverte à tous et un plateau technique de production audiovisuelle."

Nous pourrions faire du réfrigérant une tour solaire énergétiquement autosuffisante et respectueuse de l’environnement. Au-dessus, nous aimerions créer un espace panoramique spectaculaire et récréatif.

Samuel Lecoq, coordinateur de projet et vice-président de NPN

Et en dernier lieu, ce campus NPN prévoit l'aménagement d'un parc tout autour pour bénéficier d'un poumon vert."Notre idée ? En faire un espace vivant et attractif, sorte de laboratoire de dépollution in vivo, à savoir une dépollution par les plantes et la biodiversité animale qu’elles attirent", précise Samuel Lecoq.

Les porteurs de ce projet ambitieux espèrent convaincre les collectivités car bien entendu, accueillir du public exige plus de travaux d'aménagements et donc ... un budget d'une autre ampleur, qui nécessitera sûrement des partenaires privés. "Notre campus n'est pas incompatible avec Normandy Mémory", prévient tout de suite Samuel Lecoq.

Ou un décor pour Normandy Mémory ?

Normandy Mémory, le projet de "spectacle immersif" sur la bataille de Normandie , fait débat depuis sa présentation aux élus de Caen-la-Mer en septembre. L'ardent défenseur, Marc Pottier, le maire de Colombelles, y croit dur comme fer. Du côté de Mondeville ou de Giberville, beaucoup moins. 

Un collectif, réunissant des habitants et des universitaires, s'est même crée pour fédérer les oppositions. La discussion s'annonce donc argumentée pour convaincre les élus indécis, invités à voter dans les semaines à venir sur la cession ou non de ces terres polluées, aux sous-sols troués par endroits à cause de galeries.

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Qui participe au projet de Normandy Mémory à Colombelles ? ©Normandy Mémory / France 3 Normandie

"Tout me plaît sur ce site, explique Richard Lenormand, l'un des coordinateurs de Normandy Mémory. C'est un lieu d'histoire avec la bataille de Normandie et ces vestiges de la SMN. Il n'y a pas de problématique environnementale. Et en termes d'accessibilité, c'est idéalement placé.

Pour son spectacle, avec une tribune mobile,"Normandy Mémory" convoite en effet neuf hectares, au bout duquel se trouvent le réfrigérant et la Grande Halle. Le projet se conjugue encore au conditionnel avec des si .... Mais il n'est pas interdit de se projeter.

"Nous pourrions utiliser une partie de la grande Halle pour accueillir du public ou concevoir des salles de répétitions par exemple. Pour le réfrigérant, nous n'avons pas encore trouvé la bonne idée mais c'est déjà un décor en soi", nous répond Richard Lenormand.

Muet depuis 30 ans, le réfrigérant n'a jamais autant suscité d'intérêt. Tout a été détruit en 1993, à part lui et la grande halle, faisant de ce point haut un vestige rare et précieux.

Devenu malgré lui un symbole, ce phare véhicule encore en lui les valeurs, comme le travail, la solidarité et la mixité puisque l'usine a réuni à ses pieds des ouvriers venus de toute l'Europe. Soit 34 cultures différentes, qui ont appris à vivre ensemble et ont forgé la culture SMN. Un sujet décidément très inspirant.

Célébration des 30 ans de la fermeture de la SMN

Pour les 30 de la fermeture de la SMN, plusieurs événements sont organisés par l'association Mémoire et Patrimoine SMN :

  • Exposition "Dessins et photos" à la mairie de Giberville : des dessins d'enfants, réalisés en 1993,ont été retrouvés par hasard et font l'objet d'une exposition, ainsi qu'une partie de la collection de photos en noir et blanc de Marie-Christine Chantrait sur le démantèlement de l'usine.

  • Rencontre et débat le samedi 21/10 : Mines et métallurgie ... garder la trace ? Ouverture exceptionnelle du musée de la mine de May sur Orne - table ronde et débat à la salle des fêtes de May-sur-Orne.
  • Exposition en octobre du fonds de François Lopez, organisée par "Les amis de la chapelle Notre-Dame-des-Travailleurs du Plateau"  sur le thème de "l'art et la culture : "On naît, on vit et on meurt SMN", à l’église Notre-Dame des Travailleurs.

  • Exposition photographique du 3 au 26 novembre, à la médiathèque de Colombelles. "SMN, scénario de fin", de Patrice Monchy
  • Exposition samedi 11 et 12 novembre : "Les hauts fourneaux et la Grande Guerre". Espace Camille Claudel à Giberville.

Dimanche 5 novembre, l'écrivain, Xavier Le Clerc, sera notre invité dans le JT ICI 19H. Il raconte dans son livre "Un homme sans titre" l'histoire de son père, venu d'Algérie pour travailler à l'usine.

Les quatre épisodes de notre feuilleton sur les 30 ans de la SMN

Episode 1 : Faut-il préserver le réfrigérant et si oui pourquoi ? 

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Il y a tout juste 30 ans - le 5 novembre 1993, s'éteignait le dernier haut fourneau de la SMN - Société Métallurgique de Normandie - fleuron industriel du 20ème siècle dans notre région. L'un des rares vestiges reste le réfrigérant, qui s'érode depuis 30 ans. Son avenir se trace en ce moment même. Faut-il le préserver et si oui Pourquoi ? Pauline Latrouitte Thomas Tavitian et Anaïs Guérard vous racontent les enjeux dans ce premier épisode. ©France 3 Normandie

Episode 2 : Malgré des conditions de travail difficiles et dangereuses, les salariés étaient fiers de leur travail. Témoignage du fondeur Lucien Morel et du lamineur François Lopez.

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Nous poursuivons notre feuilleton sur les 30 ans de la fermeture de la SMN - le 5 novembre 1993, lorsque s'éteignait le dernier haut fourneau de la Société Métallurgique de Normandie. Les conditions de travail étaient dures et dangereuses et malgré tout, les ouvriers étaient fiers de leur travail, comme en témoignent le fondeur Lucien Morel et le lamineur François Lopez. Pauline Latrouitte Simon Derrien et Thomas Tavitian ©France 3 Normandie

Episode 3 : la SMN, ce n'était pas qu'une usine

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Nous poursuivons notre feuilleton sur les 30 ans de la fermeture de la SMN - le 5 novembre 1993, lorsque s'éteignait le dernier haut fourneau de la Société Métallurgique de Normandie. Mais vous allez voir, ce n'était pas qu'une usine mais une véritable culture. Sur le plateau de la SMN, vivaient ensemble 34 nationalités, dans une ambiance paternaliste. Pauline Latrouitte Simon Derrien et Thomas Tavitian ©France 3 Normandie

Episode 4 : quel avenir pour les vestiges de la SMN ?

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Fin de notre feuilleton sur la Société Métallurgique de Normandie, la SMN, qui a fermé il y a tout juste 30 ans. Quelques entreprises se sont implantées sur l'ancien site de l'usine, mais il reste une grande friche et seulement deux vestiges. Quel pourrait être leur avenir ? Pauline Latrouitte Cyril Duponchel et Anaïs Guérard ont rencontré des porteurs de projet. ©France 3 Normandie

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