D-Day. Le projet "Hommage aux héros" passe son grand oral : un nouveau départ à Caen ?

Après avoir renoncé à s'implanter à Carentan, les créateurs du spectacle immersif autour du Débarquement visent désormais l'ancien site de la SMN, à Colombelles, près de Caen. Ils ont rencontré ce mardi 12 septembre les maires de l'agglomération pour défendre leur projet.

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C'était jour de grand oral ce mardi 12 septembre pour Richard Lenormand et Stéphane Gateau, à la tête du projet "Hommage aux héros". Devant eux, les maires de l'agglomération de Caen (Calvados).

Un nouveau territoire à convaincre, après avoir jeté l'éponge dans la Manche en juin 2023, mais toujours le même projet, celui d'un spectacle immersif autour du Débarquement, baptisé jusqu'à présent "Hommage aux héros", une tribune mobile transportant les spectateurs au gré de plusieurs tableaux retraçant les événements de juin 1944. 

Dès le printemps 2023, les premières rumeurs évoquant l'arrivée possible du spectacle sur l'ancien site de la SMN (Société Métallurgique de Normandie) à Colombelles ont émergé.

Mais la communauté d'agglomération de Caen-la-Mer, tout comme les promoteurs de "Hommage aux héros", est longtemps restée silencieuse. Surnommé "D-day land" par ses détracteurs dès sa présentation, le projet a déjà fait couler beaucoup d'encre et suscité de vives oppositions.

Et les premières tensions ont surgi, à Caen, dès le début de l'été,  avec une passe d'armes, par communiqués interposés, entre la maire de Mondeville, hostile au "parachutage", et le maire de Colombelles, l'historien Marc Pottier, assumant enfin son soutien.  

Neuf hectares au lieu de 30

En ce mois de septembre, l'éventuelle arrivée du spectacle près de Caen n'est plus un secret. Le dossier est officiellement à l'ordre du jour de Caen-la-Mer. Richard Lenormand et Stéphane Gateau sortent eux aussi du silence pour défendre leur projet devant les maires de l'agglomération.

Un projet qui devrait se déployer sur un site de neuf hectares et non plus 30, comme initialement envisagé à Carentan. En gestation depuis plusieurs années, le spectacle immersif poursuit son développement, s'affine. De nouveaux visuels permettent de se faire une idée plus précise de l'objectif visé par ses concepteurs.

Lors de cette présentation d'environ deux heures (à laquelle la presse n'a pas été conviée), les porteurs du projet ont eu notamment l'occasion de mettre en avant les personnalités participant à la création de ce spectacle. 

Des collaborations artistiques 

Commencer par l'architecte Clément Blanchet, dont les habitants de l'agglomération caennaise connaissent déjà le travail. C'est lui qui a conçu, sur le port, la bibliothèque Alexis de Tocqueville.

À l'écriture, le metteur en scène Serge Denoncourt et le scénographe Stéphane Roy. Les deux Québécois se sont fait connaître dans leurs pays notamment par leurs collaborations avec le Cirque du Soleil, avant de s'illustrer en Europe avec les spectacles musicaux "Bernadette de Lourdes" et "Je vais t'aimer" (autour du répertoire de Michel Sardou).

Le travail du duo est encadré par l'historien Stéphane Simonnet. "On ne va pas romancer, on va incarner l'histoire avec des personnages qui ont vraiment existé - des femmes, des hommes, des infirmières, des résistants caennais également - et on va les suivre de tableau en tableau. On ne va rien inventer. On va juste présenter, au mieux, à un public qui ne connaît pas cette petite histoire", affirme celui qui apporte sa caution historique au projet.

Le spectacle a pour ambition de raconter le Débarquement, "depuis sa préparation, en gros en août 1943, jusqu'à la fin de l'opération Overlord, en août 44, avec notamment la libération de Paris".  

Un changement de nom en perspective ?

Enfin, sur un plan artistique, l'agence Ducks est elle aussi de l'aventure. Depuis 30 ans, elle conçoit des espaces artistiques et scéniques. La philharmonie de Paris, le planétarium de Vulcania ou les galeries du Louvre à Abu Dhabi ont fait sa réputation.

Des gages suffisants pour convaincre les maires de l'agglomération ? À la sortie de cette présentation, aucun n'a souhaité s'exprimer publiquement, y compris parmi les soutiens affichés du projet.

Un participant évoque seulement "une réunion très consensuelle", au cours de laquelle "tous les opposants ont pu poser leurs questions". Seule information, confirmée la veille par un des promoteurs du spectacle, on ne parlera bientôt plus de l'"Hommage aux héros". "C'est un titre de travail". Le nouveau nom devrait être plus à même de parler à un public international.

Les élus de l'agglomération caennaise devraient rendre leur avis à l'automne 2023. En attendant, les porteurs du projet ne sont pas les seuls à espérer pouvoir se faire entendre.

Des opposants au projet

La veille de la présentation à la conférence des maires, le Collectif pour une dignité du tourisme mémoriel à Caen-la-Mer a officialisé son existence. Des habitants de Colombelles, des anciens de la SMN et des universitaires s'opposent au projet.

"Ce site a une histoire, une longue histoire, une histoire très forte : 6 200 ouvriers dans les grandes années, entre les années 70 et 80. Ce site mérite un intérêt en termes d’histoire, que ce soit pour la préserver, pour la valoriser, plaide Gérard Prokop, président de l'association SMN Association Mémoire et patrimoine. Pour moi, il y aurait écrasement, voire occultation de la mémoire ouvrière industrielle de ce lieu."

Qui va payer ?

Les membres du collectif pointent également la pollution des sols. "L’histoire industrielle est présente d’une certaine manière, de par l’absence de végétation. Même certaines plantes dites invasives n’ont pas réussi à faire souche ici. C’est une pollution qui réside de la combustion de matériaux : minerais de fer, charbon. Ça dégage des solvants assez toxiques ...) Il faudra bien que quelqu’un finance une étude de sol et une éventuelle dépollution. Mais qui ? La communauté publique ? Les citoyens de Caen-la-Mer ? L’État ? Ou les promoteurs du projet ?"

Enfin, ce spectacle immersif, de par les moyens conséquents qui lui sont alloués, risque, à leurs yeux, de constituer une concurrence économique redoutable pour les autres sites mémoriels. Des craintes que ne partagent pas forcément les habitants rencontrés ce mardi matin par une de nos équipes à Colombelles.

Beaucoup affirmaient ne pas être au courant du projet. D'autres, comme les commerçants notamment, y voyaient l'opportunité de retombées économiques pour la commune.

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