Route du Rhum 2022 : le Manchois Louis Duc et son bateau, duo de rescapés

Le skipper normand Louis Duc s'apprête à prendre le départ de sa 3e Route du Rhum, le 6 novembre prochain, avec un IMOCA que peu de gens imaginaient pouvoir reprendre la mer. Portrait d'un spécialiste de la seconde vie, qui a lui aussi déjà connu une très grosse frayeur.

C'est ce qui s'appelle revenir de loin. On tremble souvent pour eux pendant les courses, ces hommes et ces femmes défiant les océans sur leurs voiliers, on les fête d'ailleurs dignement jusqu'au dernier à leurs arrivées. 

En 2018, déjà, Louis Duc avait avoué s'être pris "une bonne leçon de bateau" dans l'Atlantique en pleine Route du Rhum sur son Class 40 de l'époque.

Quand le vent est rentré assez fort, le bateau était couché complet… 65 nœuds de vent… C'est un bon moment pour moi, car ça m'a bien calmé. J'avais jamais pris de l'air vraiment comme ça, et j'avais besoin de ça.

Louis Duc

Arrivée de la Transat Jacques Vabre 2019

Il a "vu alors ce que c'est, l'état de la mer difficile, quand ça ne passe plus". Ou plutôt, il pensait avoir vu... Car un an plus tard, au retour d'une belle Transat Jacques Vabre terminée à la 5e place des class  40, la météo va lui jouer un bien mauvais tour. Son bateau se retourne, le mât casse et transperce le cockpit, empêchant la sortie du radeau de survie.

La balise de détresse est alors déclenchée au large du Portugal ; un bateau de commerce, un avion et un hélicoptère se lancent à la recherche du Normand et de son coéquipiers, qui vont attendre quand même presque 12 heures pour être repérés puis hélitreuillés. Sains et Saufs. Le voilier a lui disparu en mer, avant le retour du skipper sur la zone du naufrage.

La peur, c'est pas bon. Faut appréhender les choses, faut faire attention à ce qu'on fait. Mais si t'as peur, faut pas y aller. Quand on regarde les grands noms de la voile, ils ont tous eu des avaries, des chavirages… Ca fait partie de l'expérience qu'on peut avoir, même si je ne le souhaite à personne.

Louis Duc

Skipper de Fives - Lantana environnement

Un nouveau bateau chargé d'histoire

Après la fin brutale de cette aventure en Class 40, Louis Duc décide de changer de dimension pour réaliser son rêve : faire le tour du monde, grâce au Vendée Globe. 

Sauf qu'un bateau neuf et moderne, ça coute très cher à construire : près de 7 millions d'euros en moyenne pour les nouveaux Imoca équipés de foils, ces ailes qui leur permettent de voler au-dessus de l'eau. Le Normand a un budget 10 fois inférieur : 700.000 euros.

C'est alors qu'il réentend parler d'un navire, qui traine seul dans un hangar à Caen. Un 60 pieds laissé en l'état après un incendie dans son cookpit, au sein même du village départ du Havre, juste avant la Transat Jacques Vabre 2019. Certains y verront un signe du destin, P'tit Louis y voit une histoire à écrire. "L'histoire, c'est de se dire qu'on prend un bateau qui est accidenté. On va le réparer, alors que au début personne n'y croit. Et puis, on ne va pas seulement le réparer, mais on va le modifier pour le rendre performant."

Pour avoir des sponsors, il faut une histoire. On n'avait pas les moyens d'acheter un bateau. Et je me suis dit, il y a une histoire à créer avec ce bateau. Il est à Caen, c'est un signe. On peut peut-être arriver à estimer les travaux et puis lancer la reconstruction de ce bateau pour essayer d'être au départ du prochain Vendée Globe, en 2024.

Louis Duc

Ce bateau, construit en 2006, a déjà fait ses preuves en passant dans les mains de 5 skippers : Vincent Riou, Arnaud Boissières, Tanguy de Lamotte, Yannick Bestaven puis Clément Giraud. C’est le sistership du bateau de Jean Le Cam, sur le dernier Vendée Globe (4 e à l'arrivée) .

Restait à le remettre en état, mais aussi et surtout à le moderniser pour être ambitieux en compétition. "On a regardé tout ce qui pouvait être sauvé sur le bateau : l'accastillage, les voiles, le gréement."

Après, il fallait estimer ce qui était abîmé en terme de composite. "On a fait des carottages, des sondes ultra-sondes pour voir jusqu'où allaient les travaux. Y'avait ce qui était visible de cramé, on voyait bien la résine et les tissus qui pendaient dans le bateau, mais on s'est aperçu que ça n'allait pas beaucoup plus loin."

Une course contre la montre s'est alors lancée, 8 mois de chantier pour pouvoir participer l'an dernier à la Transat Jacques Vabre, en duo avec Marie Tabarly.

Démâtages en série et superstition

14 e de ce premier gros test dans l'Atlantique, Louis Duc laisse alors à des amis marins le soin de faire rentrer le bateau à bon port… Mais comme en 2019, la route du retour s'avère piégeuse, et l'équipage se fait surprendre. Le mât casse, et c'est sous gréement de fortune que s'effectue le rapatriement.

Le sort s'acharne, mais Louis Duc n'est pas du genre à baisser pavillon facilement. Une nouvelle course contre la montre débute pour trouver un nouveau mât, d'occasion. "Ca devient une denrée rare ces tubes." Bonne pêche finalement avec celui Michel Desjoyaux, "un mât de champion, qui a déjà gagné le Vendée Globe avec François Gabart sur Macif".

Le problème, c'est que c'était déjà le 5e démâtage dans l'histoire de ce bateau. Et le marin en général est superstitieux. P'tit Louis et son équipe ont donc eu recours cet hiver à une vieille tradition, en utilisant un louis d'or.

La tradition veut que pour éloigner  la malchance et les encombres , une pièce d'or soit placée sous le mât, scellant pour toujours un pacte avec la bonne fortune. Et dans le cas ou un malheur arriverait, cette pièce servirait comme titre de paiement pour le passage des marins vers l'autre monde. Les premières traces de cette pratique remontent au 1er siècle avant Jésus Christ.

Un bateau performant, même sans foil

Tout se recycle avec Louis Duc. Chaque élément qui est récupéré ailleurs est une économie sur le budget. "Les dérives, on a récupéré les moules de Le Cam, on a récupéré pas mal de pièces et évité de faire des dépenses énormes." Ce qui ne veut pas dire sacrifier ses ambitions.

Y'a eu des projets comme ça au dernier Vendée Globe. Je pense à Maxime Sorel ou Romain Attanasio qui étaient des projets vraiment simples et aujourd'hui ce sont des mecs qui courent sur des bateaux à foilers. Donc on peut espérer dans 4 ans avoir un peu mieux.

Louis Duc

Il aurait pu être tenté de succomber à la mode des foils, qui font voler les bateaux de façon impressionnante au dessus de l'eau. Mais il a préférer rester rationnel, en utilisant de nouvelles dérives. "Elles ont déjà une tendance à soulager le bateau, car elles sont inclinées un peu sur l'extérieur avec un petit peu d'incidence. C'est donc déjà des profils d'ailes d'avion avec un peu de portance. Alors on va pas décoller à trois mètres, mais on va dans le bon sens. On dit que ça pousse à 800  kg dans le bon sens. Avant, le bateau s'enfonçait avec les dérives, maintenant il se soulage. On a des bateaux qui accélèrent plus qu'avant, mais qu'on peut calmer aussi."

Voilà un Louis Duc impatient d'en découdre en mer, même s'il sait maintenant qu'il faudra rester sur ses gardes jusqu'à son retour en Normandie !

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