Alors que l’usage de l’eau est limité dans la quasi-totalité du pays (91 sur 96 départements), les hippodromes peuvent-ils arroser leurs pistes, en plein après-midi, pour préparer des courses, comme c'était le cas à Caen ? Eléments de réponses.
Un tracteur qui arrose. Rien de plus commun. Par temps de sécheresse ? C'est déjà plus surprenant. Est-ce même légal ? L'or bleu est devenu tellement précieux que les préfectures limitent son usage.
Cette photo a été prise à l'hippodrome de Caen à 14h32, mercredi 27 juillet. Chaque détail compte. Si ce même tracteur était passé le matin à 8h55 ou le soir après 20 heures. Tout aurait été parfait. Passez madame la marquise, il n'y a rien à voir.
Or, nous sommes en plein après-midi. Et l'arrêté préfectoral, daté du 22 juillet, s'avère précis. En zone d'alerte (jaune), comme à Caen, les hippodromes peuvent arroser mais à certaines heures :
- L’arrosage des pelouses, des espaces verts publics et privés, des jardins, des stades, des pistes hippiques et des potagers est interdit entre 10h et 20h
Si l'hippodrome ou le stade se situe en zone d'alerte renforcé (orange), l'usage de l'eau est restreint à deux fois par semaine, mardi soir et jeudi soir. En zone de crise (rouge), c'est une nuit par semaine, le jeudi.
La direction de l'hippodrome : "L'eau, c'est vital dans notre métier"
Gilles Ribot, le directeur des hippodromes de Caen et Cabourg, le concède :
J'ai 200 chevaux qui courent aujourd'hui. Nous sommes obligés de préparer le terrain. Sinon ? La piste est trop dure, et les chevaux risquent de se blesser. Je n'avais pas le choix. Il faut penser au bien-être animal.
Gilles Ribot, directeur des hippodromes de Caen et Cabourg
Cet après-midi là, ses services techniques ont utilisé deux citernes de 20 000 litres. D'après lui, il n'était pas possible de respecter l'horaire indiqué par la Préfecture.
" Il faut que l'eau ait le temps de pénétrer dans la piste, si on arrose trop tôt, ça ne sert à rien. Alors, on fait quoi ? On arrête les courses ? C'est un pan de l'économie qui tombe. Tout le monde serait perdant, le monde hippique et le budget du pays, puisque qu'une partie de notre activité est reversé à l'Etat".
Limitations, dérogations, sanctions ?
L'hippodrome n'appartient pas à la ville de Caen, mais au Trot, un poids lourd du secteur hippique, propriétaire des hippodromes de Cabourg, Paris-Vincennes, Enghien et du centre d'entraînement de Grosbois. Les courses ne s'arrêtent pas l'été. Huit courses sont prévues à Cabourg, ce vendredi 29 juillet. Comment faire ?
Les directions d'hippodrome peuvent demander des dérogations. C'est écrit en plus petit sur l'arrêté préfectoral. Là encore, il faut remplir certaines conditions.
Les hippodromes doivent s'adresser à la Préfecture, qui peut accorder une dérogation si et seulement si les réserves d'eau utilisées ne sont pas des zones de refuge pour la biodiversité.
Dans le cas présent, les services techniques de l'hippodrome pompent l'eau dans la rivière de l'Odon, située à la Prairie. Est-ce considéré comme un refuge pour la biodiversité ?
L'Office français de la biodiversité (OFB), l'organisme mandaté par la Préfecture pour effectuer les contrôles sur le respect des restrictions d'eau, va étudier cette question.
De son côté, la Préfecture indique vouloir " faire un point de situation avec les propriétaires. Le cas échéant, des suites administratives ou judiciaires pourront être données."
Le non-respect des restrictions d'eau est passible d'une amende : de 1500 euros pour un particulier à 7500 euros pour un professionnel ou une personne morale. Charge au tribunal judiciaire de se prononcer.
Cette affaire illustre encore une fois notre dépendance à l'eau. Agriculture, énergie, industrie, tourisme, personne n'est épargnée. Un rapport parlementaire alertait dès le mois de juin 2020 :
Les changements climatiques vont intensifier et aggraver les situations de pénurie d'eau.
Rapport parlementaire - juin 2020
Les restrictions d'eau, théorie et pratique :
Les hydrologues, inquiets, ne cessent de tirer la sonnette d'alarme, nous invitant à changer de cap et repenser notre consommation.