Sucrerie Saint - Louis de Cagny : cette fois c'est bien fini, la loi Florange encore contournée

Saint-Louis a annoncé la fermeture du centre de stockage de Cagny, auparavant site de production de sucre betteravier depuis les années 50. Pour beaucoup, ce n'est pas une surprise,  la loi Florange face à l'Allemand SudZücker, propriétaire du site, est "inefficace".

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C'est un symbole de plus qui raconte l'échec de l'Etat à reconquérir l'économie réelle du pays. La fermeture définitive de l'ancien site sucrier de Cagny dans le Calvados cogne comme une dernière banderille mortelle,  après deux ans de bras de fer entre les producteurs de betteraves et les salariés de l'usine face au groupe sucrier allemand Südzucker. Pire, l'ancien site de production transformé en "centre de stockage" se délabre, d'après Loïc Touzé de FO. " C'est un véritable démantellement dans la partie usine , ils enlèvent ce qui pourrait permettre que la production redémarre un jour,  ils transfèrent les pièces à pulpes et les pompes en Belgique et en Picardie". La friche de près de 80 hectares ( 25 ha d'usine et 55 ha de terres agricoles) pourrait être en partie bientôt vendue . 

Une page d'histoire industrielle et humaine qui se tourne

L'usine de Cagny faisait partie du paysage normand depuis 1951. Une source d'emplois et d'activités. Avec une production à hauteur de 180.000 tonnes de sucre par an, elle employait en mai 2019, 82 salariés et 70 saisonniers de septembre à février. Elle faisait travailler les 1.036 planteurs de betteraves en Normandie ainsi que les commerçants aux alentours. 

La loi Florange contournée... dans les règles

Pour rappel, en février 2019, l'Allemand Südzucker annonce qu'il arrête la production de sucre dans deux de ses usines dont celle de Cagny mais conserve les sites avec une activité minimum et un salarié sur dix. En vertu de la loi Florange du 29 mars 2014, les grandes entreprises (au moins 1000 salariés) qui souhaitent fermer un établissement et procéder à un licenciement collectif ont l'obligation d'en informer les salariés et de chercher un repreneur. 9 salariés sont alors maintenus sur le site. "

"Juridiquement, ils ne fermaient pas Cagny" raconte Patrick Dechaufour,  président du syndicat betteravier Calvados-Sarthe-Orne (CSOB) mais " on savait déjà que c'était une supercherie, SudZücker via sa filiale Saint-Louis Sucre affirmait que ce n'était pas une fermeture d'usine mais une restructuration en mettant en avant le stockage du sucre à Cagny et un atelier dit de complément alimentaire à base de mélasse appelé à se développer. Tout était pensé et ourdi. Je n'osais imaginer qu'ils auraient un an après le culot de tout fermer. La loi française est en Europe bien facile à contourner". La députée PS du Calvados, Laurence Dumont, partage cette analyse ajoutant que "c'est un procédé scandaleux qui montre bien combien l'ultralibéralisme s'exonère de toute forme de moralité". 

On s'était mobilisé entre betteraviers, nous étions prêts à investir 30 millions d’euros, la Région Normandie nous accompagnait mais Saint-Louis Sucre a toujours refusé notre offre de reprise, répondant qu’il ne fermait pas l’usine… Patrick Dechaufour,  président du syndicat betteravier Calvados-Sarthe-Orne (CSOB)

En mars 2019, le ministre de l’Agriculture était venu à Cagny, menaçant l'industriel de devoir rembourser les aides publiques et de bloquer son éligibilité au CICE. Ce jour-là, le ministre Didier Guillaume était resté devant les grilles comme les salariés. " On a le sentiment qu'il est surtout venu faire un coup de buzz ce jour-là car on le sait comme il le sait, la messe était dite". 

Depuis Cagny , la Normandie a connu la fin d'une autre sucrerie, celle de Nassandres dans l'Eure "C'est le même scénario globalement, transformation en centre de conditionnement du site avec in fine fermeture en octobre 2020, les trente derniers camarades ont été mis à la porte en février 2021 ", souligne Loïc Touzé, délégué syndical central FO Saint-Louis Sucre qui se fait aussi le relais de l'inquiétude d'un autre site normand, celui d'Etrepagny près de Vernon.

" Ils sont très inquiets. Lors du CCE d'hier a été annoncé le gel des investissements à hauteur de 20 millions d'euros  pour réduire les dépenses d'energie du site"  poursuit le délégué syndical. " Il n'y a plus de confiance avec les Allemands même s'ils invoquent des difficultés économiques importantes, un marché dérégulé, une baisse de la consommation de sucre, on voit que les concurrents ne mènent pas cette politique de casse des outils industriels français, ils font le choix de leurs usines et de leurs betteraviers en Allemagne, ils ont surtout acheté la marque Saint-Louis". 

Quant aux betteraviers, ils ne sont plus que 288 à cultiver la betterave pour la sucrerie d’Étrépagny dans l'Eure. Les autres se sont mis à d'autres cultures, pommes de terres, lin ou encore du maïs.

" Les agriculteurs avaient investi dans du matériel onéreux pour les betteraves, ils continuent à rembourser les emprunts sur des machines qui ne valent plus rien sur le marché". Encore une conséquence indirecte d'un capitalisme bien difficile à juguler.

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