Le week-end du Sidaction commence ce 22 mars. Aujourd'hui, plus de 3 700 personnes vivent avec le VIH en Normandie. Quel est l'impact de la maladie dans leur quotidien ? Comment vit-on avec le virus en 2024 ? Otavio a bien voulu témoigner.
C’est dans les locaux de l’association Sid’accueil à Caen que nous rencontrons Otavio. Ici, le jeune homme de 28 ans reçoit une chaleur humaine qu’il ne trouve nulle part ailleurs. Il vit en Normandie depuis trois ans, et avec le VIH depuis 13 ans.
Il a contracté le virus au Brésil, son pays d'origine, à l’âge de 15 ans.
Quand j’ai appris que j’avais le VIH, ça a été la catastrophe. Ma vie a été complètement changée. J’étais au lycée au Brésil, j’ai subi des discriminations. L’ami qui m’a accompagné pour passer le test a parlé à des gens. Du coup, les gens ont commencé à dire « il est malade, il est malade ». À cause de ça, j’ai abandonné les études à 15 ans. Ça a été très difficile de me réintégrer à la société. J’ai fait des crises suicidaires.
Otavio Albuquerque, 28 ans
Otavio se soigne donc depuis l’âge de 15 ans, en raison de son VIH, mais aussi de la dépression qui s’est déclenchée après le diagnostic. Trois ans après avoir contracté le virus, il est devenu indétectable dans son organisme. Concrètement, cela veut dire que le jeune homme ne peut plus transmettre le sida. A condition toutefois de continuer sa trithérapie. En 2021, il s'est marié avec un Français, puis il a divorcé.
Le virus est maintenant indétectable, et intransmissible
Ainsi, en prenant trois comprimés par jour, Otavio peut mener une vie presque normale...presque ... car depuis toutes ces années il doit aussi se battre contre les préjugés, au quotidien.
Ce combat contre les préjugés, c’est un combat de tous les jours. Aujourd’hui je suis célibataire, si je rencontre quelqu’un et que je lui dis que je suis VIH-positif indétectable, je sais que je ne le reverrai pas le lendemain. Tout ça à cause des préjugés. Car c’est indétectable, intransmissible !
Otavio Alburquerque, 28 ans,
Indétectable donc intransmissible. Ce message, Otavio et tous les acteurs de la lutte contre le sida le martèlent.
Trouver un emploi, un combat au quotidien
Récemment, la directrice de Sidaction, Florence Thune, elle-même séropositive, a déclaré sur son compte Twitter « Je vis avec le VIH depuis 27 ans. Grace aux traitements, je vais bien et ne peux pas transmettre le VIH, même sans préservatif. Mais en 2023, 34% des jeunes pensent que je représenterais un danger si je travaillais dans le secteur de la petite enfance ou de la restauration. »
Je vis avec le VIH depuis 27 ans. Grace aux traitements, je vais bien et ne peux pas transmettre le VIH, même sans préservatif. Mais en 2023, 34% des jeunes pensent que je représenterais un danger si je travaillais dans le secteur de la petite enfance ou de la restauration. 1/2 pic.twitter.com/S9ycQVd6JS
— Florence Thune (@FlorenceThune) December 1, 2023
La restauration, c’est justement le secteur dans lequel Otavio cherche du travail. Il a vécu l’expérience du rejet d’un employeur après avoir avoué sa séropositivité. Depuis, il cache le plus souvent son VIH pour mettre toutes les chances de son côté lorsqu’il postule à un emploi.
La prise en charge médicale s’est bien améliorée mais la discrimination liée à cette maladie est toujours présente. Ca n’a pas beaucoup évolué. Sans doute parce qu’il y a une méconnaissance de l’évolution de la maladie. C’est difficile pour quelqu'un dans le milieu du travail de dire je suis séropositif : il va y avoir de la peur atour de cette maladie. C'est assez dramatique, il va y avoir des situations où les personnes ne veulent pas qu’on les touche, qu’on s’approche d’elles, etc. Ça, c'est encore présent en 2024.
Marinette Slimani, bénévole à Sid'accueil à Caen
Pour le moment sans emploi, sans famille ni ami, Otavio trouve un soutien moral et une petite aide financière auprès de Marinette, Romane et Céline au Sid'accueil de Caen. Une lueur d'espoir : il vient d'avoir une promesse d'embauche pour cet été. Son futur employeur connait sa situation et l'accepte. Otavio touche du doigt son souhait le plus cher : "vivre comme tout le monde".