“Toutes les précarités cumulées mènent à une extrême pauvreté qui est héréditaire” : le Secours populaire repart en campagne

Le Secours populaire lance ce jeudi 12 septembre sa campagne "Pauvreté-Précarité". Au-delà de l'aide alimentaire, l'association souhaite mettre en lumière les différentes difficultés auxquelles sont confrontées les plus fragiles.

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Vulcain peine à tirer son panier à roulettes, trop lourd. Elle préfère en rire, tellement l’occasion se présente peu. “Il y a des poireaux, un melon et des framboises dans les sacs, parfois même bio ! Jamais je n’aurais pu acheter tout cela en magasin”, sourit la mère de famille, alors qu’un autre sac de courses lui glisse sur l’épaule. 

Avec sept enfants à la maison pour un seul salaire, Vulcain Ebienangoyi a été habituée à la privation et à la précarité alimentaire. “L’unique source de revenus que nous percevons est celle de mon mari. Ce n’est pas assez pour une famille de neuf personnes”, confie-t-elle. Pour ce foyer en difficulté, le 15 du mois a longtemps rimé avec la crainte de ne pas trouver de quoi se nourrir correctement. 

“Toute l’aide des bénévoles me va droit au cœur. C’est important ce qu’ils font”,

Vulcain Ebienangoyi, bénéficiaire

Une, deux puis trois associations caennaises ont refusé à Vulcain une aide alimentaire. Ses recherches infructueuses l’ont menée à frapper à la porte du Secours populaire, il y a un an : “Ce fut un grand soulagement. J’ai tout de suite été écoutée et mon cas a été pris au sérieux”. Les colis alimentaires qu’elle vient chercher deux fois par mois au local du Chemin Vert, à Caen, lui ont donné “l’espoir de sortir de la précarité”. 

Un espoir fragile pour les familles. Surtout quand arrivent l’hiver et les premières factures d’électricité gonflées par l’inflation. “Nous redoutons évidemment la précarité énergétique. Elle va s’ajouter à toutes celles que l’on traite au long de l’année, qu’elle soit alimentaire, hygiénique ou sociale,” explique Emilie Schaf, animatrice solidarité au Secours populaire du Calvados. Chaque année l'association reçoit beaucoup de demandes d’aides financières pour le chauffage avec les régularisations d'EDF. "Mais Il y a aussi une précarité énergétique liée à l’état du foyer : la plupart du temps, ce n’est pas isolé, il n’y a pas de double vitrage. Nous, on est confronté à cette précarité et on a l’impression que dès qu’on arrive à enlever une précarité chez les gens, paf, il y en a une autre qui arrive tout de suite après.

“Toutes les précarités cumulées mènent à une extrême pauvreté qui est héréditaire”

Emilie Schaf, du Secours populaire

Si le grand public pense instinctivement à la difficulté des plus fragiles à remplir le réfrigérateur, l'association souhaite mettre en lumière une précarité moins connue relative à l'hygiène : brosses à dents, dentifrice, gel douche. "Ces produits n’ont pas de date de péremption donc c’est très dur pour nous de les avoir de la part des magasins. Quand on a des dons financiers, on arrive à en acheter.  Mais ça ne fait pas la totalité. Dans le Calvados, on accueille un peu plus de 9000 personnes", rappelle Emilie Schaf. "Quand on a quatre gels douche, on est obligé de choisir, une famille n'aura droit qu'à un produit d’hygiène par an. Ce n'est clairement pas possible. Une douche, vous en prenez une tous les jours." L'association cherche également des produits d'entretien et de la lessive.

"On n’est pas la police"

Dans le Calvados, l'association compte 14 structures (dont six pour la seule agglomération caennaise), des antennes fixes et, depuis mai dernier, le Solidaribus qui sillonne le littoral, de la Côte fleurie jusqu'au Bessin. “Le but c’est d’aller vers les gens qui ne peuvent pas se déplacer.” Si l'association accueille des familles toute l'année (500 personnes en moyenne chaque mois sur l'antenne du Chemin-Vert, dont la moitié sont des enfants), le lancement de la campagne "Pauvreté-Précarité" ce jeudi 12 septembre marque le début d'une nouvelle saison, avec ses nouvelles inscriptions. 

"Dans une antenne du Secours populaire, il y a une équipe chargée de la distribution alimentaire et une autre en charge de l'accueil des personnes aidées", explique François Travert bénévole référent de l'antenne du Chemin-Vert. "On définit avec les personnes aidées leurs besoins, leurs ressources, on constitue les dossiers. C’est du déclaratif. On part du principe qu’on fait confiance aux gens et que les personnes qui viennent sont dans le besoin. Ils ont besoin d’une écoute et de trouver des solutions. C’est ce qu’on essaye de faire ensemble. On n’est pas la police."

"Chaque humain a la même valeur"

Si les portes de l'association sont grandes ouvertes, les bénévoles insistent sur la nécessité de prendre rendez-vous. "C’est vraiment important pour nous de responsabiliser le public sur une prise de rendez-vous, le respect des horaires, et de remobiliser tout simplement pour la vie quotidienne. Je respecte ce rendez-vous-là mais ça veut dire aussi que je respecte un entretien d’embauche ou un rendez-vous chez le médecin. Le tout, c’est de mettre des gens dans une dynamique", explique Emilie Schaf. 

De nouvelles inscriptions mais aussi un nouvel appel aux dons, matériels et financiers."Le Secours populaire est agréé “don en confiance” : chaque euro qui est injecté dans l'association, on peut vous dire à quoi il a servi", souligne Emilie Schaf. Pour les dons matériels (alimentaire mais aussi des vêtements ou produits d'hygiène), une règle s'impose. "On essaye de dire que chaque humain a la même valeur : si vous n’en voulez pas pour vous, pourquoi le donner à quelqu’un d’autre."

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