La communauté de communes Coeur Côte Fleurie (Calvados) était accusée "d'utilisation illégale" de leurs caméras de vidéoprotection par des associations. L'ordonnance du tribunal administratif de Caen rendue le 22 novembre vient d'être annulé par le Conseil d'État.
Saisi par plusieurs associations, c'est par un référé rendu le mercredi 22 novembre 2023 que le tribunal administratif de Caen (Calvados) avait ordonné à 11 communes de la communauté de communes Cœur Côte fleurie d'effacer les données personnelles acquises via un logiciel, nommé Briefcam, qu'utilisent leurs vidéosurveillances.
Pour le collectif d’associations qui comprend la Ligue des droits de l’homme ou encore le syndicat de la Magistrature, ce logiciel, qui comporte également une option de reconnaissance faciale, "porte une atteinte grave et manifestement illégale au respect de la vie privée", nous expliquait Maître Marion Ogier, avocate de la Ligue des droits de l'homme et du syndicat de la Magistrature.
Le Conseil d'État annule l'ordonnance
L'intercommunalité avait saisi le Conseil d'État qui leur a donné raison dans son ordonnance rendue le jeudi 21 décembre 2023. Il estime que le tribunal administratif de Caen avait "ordonné à tort cette injonction de cesser immédiatement l'usage du logiciel et d'effacer les images". Par conséquent, il a annulé et aussi rejeté les conclusions présentées en première instance et en appel par les associations.
Un soulagement et une victoire pour Philippe Augier, maire de Deauville et président de l'intercommunalité, que nous avons joint par téléphone : "C'est une bonne nouvelle pour nous mais aussi les 200 communes concernées en France, le texte du Conseil d'État est un texte de fond".
Il ajoute :
Le Conseil d'État a été sensible à nos arguments. Ils ont vu que l'on n’utilisait pas la partie qui inquiétait les associations. On va pouvoir faire ce qu'on faisait, à savoir, de nouveau avoir accès aux images en cas de nécessité.
Philippe AugierMaire de Deauville et président de la communauté de communes Coeur Côte Fleurie
Un logiciel de vidéosurveillance israélien
Depuis six ans, ces communes de la côte fleurie (Deauville, Trouville, Villers-sur-Mer...) comme plusieurs autres communes en France, utilisent une vidéosurveillance qui comporte un logiciel israélien qui s'appelle "Vidéo Synopsis".
Celui-ci permet de traquer une personne sur un réseau de caméras avec, par exemple, la couleur de son pull. Il peut aussi suivre une voiture grâce à sa plaque d’immatriculation ou examiner plusieurs heures de vidéos en quelques minutes.
Philippe Augier, président de l'intercommunalité nous confiait en novembre : "Vous savez, nous avons installé tout ça en accord avec l'État. La décision a été prise en 2015. Moi, dans ma mairie, aucun élu n’a accès à ces images. Elles ne sont visionnées que sur réquisition et seulement par les forces de l’ordre. C’est un outil qui nous aide beaucoup".
Face aux communes de la Côte fleurie, l’association La Quadrature du Net et la CGT dénonçaient également l’utilisation de Briefcam devant le Conseil d'État. Des interventions que ce dernier a jugées recevables. Tout en rappelant que sur l'aspect technique, "les opérations mises en œuvre pour assurer l’exécution de l’ordonnance ont causé la détérioration du logiciel qui n’est plus fonctionnel". Et impossible de le remettre en service, pour le moment. Mais ce sera fait sous peu.
La CNIL continue son enquête
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) continue de mener son enquête sur l'usage de ce logiciel par les collectivités publiques en France. Elle estime que cela limitait "à l’heure actuelle et pour un certain temps, les atteintes susceptibles de découler de la détention, dans le ressort de la communauté de communes Cœur Côte fleurie, du logiciel litigieux".
De son côté, Philippe Augier, nous confie également attendre les conclusions de la Cnil.