Dans les années 60, la culture pop a fait basculer la société austère et monochrome de l'après-guerre, vers une vie d'abondance. Une période pétillante que nous raconte l'exposition, "Esprit Pop, es-tu là ?"
« Pop », une onomatopée qui évoque le bruit de détonation d’une bouteille de champagne. C’est ce nom qui résonne encore aujourd’hui, pour décrire une période d’effervescence culturelle : celle des années 60.
« Tout a commencé en 1956 avec un grand collage de Richard Hamilton", explique Thierry Grillet, commissaire de l’exposition. Le mouvement, né aux États-Unis avec Andy Warhol, Roy Lichtentein, Keith Haring, revient ensuite en Europe avec des artistes comme Martial Raysse ou Alain Jacquet. Une période évoquée grâce au prêt d’œuvres majeures de la collection d’Edouard Carmignac.
Une révolution pop qui bouscule la société
La culture pop s’inscrit dans l’époque des Trente glorieuses (1945-1975), celle de l’avènement de la société de consommation. Une société consumériste, nourrie de publicités, et saturée d’images en tous genres, avec le cinémascope, la presse, la photographie et les feuilles de propagande.
« Avec ces publicités, et toutes ces images, toute une génération d’artistes redécouvre la couleur.", souligne Thierry Grillet.
"On passe d’une vie en noir et blanc, celle de l’après-guerre, à une explosion de couleurs."
Thierry Grillet - Commissaire de l'exposition "Esprit POP, es-tu-là ?"
Le commissaire de l'exposition ajoute : " Les artistes vont faire l’éloge de la couleur, d’autant qu’un Américain met au point la peinture acrylique colorée pour l’industrie automobile, qui va être déclinée en tubes. »
Pour vous donner l'eau à la bouche : visite guidée d'une partie de l'exposition.
Dans les années 60, c'est aussi l'émergence de la "contre-culture" : des œuvres et des attitudes qui critiquent la guerre du Vietnam, le consumérisme et luttent pour la libération sexuelle ou les droits civiques. Avec le pop art, ces deux mouvements détournent avec talent les codes esthétiques de l'époque. Thierry Grillet explique que « Si l’exposition présente une photographie d’un film de vampire, c’est pour évoquer cette idée que les artistes pop puise dans ce flux d’images, s’en nourrissent, pour leur donner une nouvelle vie. »
Il n’y avait plus qu’à se servir, à l'image de la photographie de Mao que l’on trouvait sur le petit livre rouge ou les billets de banque, et qu’Andy Warhol a réinterprétée.
Le blow up, la sérigraphie et le point Benday
Une façon de se réapproprier les images est de reprendre une image et de l’agrandir. Cette technique du « blow up » permet de donner une nouvelle réalité aux images.
Les artistes du pop art se singularisent aussi par l’usage de la technique de la sérigraphie, une technique d’impression très ancienne qu’utilisaient les publicitaires. « L’absence de dégradés et les grands aplats de couleurs des œuvres du pop art répondent parfaitement aux contraintes de cette technique », précise Thierry Grillet.
Caractéristique également de l’approche pop de l’art : le point « Benday ». À l’origine, cette technique mise au point par l’ingénieur américain Benjamin Day est une technique d’impression tramée par lignes de points. Elle permet aux imprimeurs de régler le pourcentage de couleurs en fonction du nombre de points. Cette pratique, que se réapproprient les artistes pop, devient partie prenante d’un langage plastique comme dans les œuvres de Roy Lichtenstein, qui s’amuse à agrandir une case d’un simple comics pour en faire une œuvre.
"Avec le pop art, la culture populaire dialogue avec la haute culture et l'univers des musées."
Thierry Grillet - Commissaire de l'exposition "Esprit pop, es-tu-là ?"
Un esprit pop qui infuse dans toute la société
Cet esprit pop prend aussi une tonalité psychédélique. Il va conquérir tous les aspects de la société : affiches, pochettes de disques, vêtements ou encore affiches de films comme celles de « Pierrot le fou » réalisé par Jean-Luc Godard.
Les photographies de mode et même des dessins d’architecte sont aussi influencés par le renouveau du pop art.
"Les concepts pop de jetable, ludique, évolutif viennent bousculer l’austérité de la discipline savante de Le Corbusier "
Thierry Grillet - Commissaire de l'exposition "Esprit pop, es-tu-là ?"
Assimilant les concepts du pop art, les architectes du groupe Archigram vont utiliser des photos en couleurs découpées dans des magazines pour remplacer les figures abstraites en noir et blanc qui sont à la mode à l'époque.
Que reste-t-il de l’esprit pop ?
Face aux œuvres des années 60, l'exposition propose de découvrir des œuvres plus récentes inspirées par l’esprit pop. Les visiteurs pourront voir par exemple « Dolly Parton : Prize Doll » de David LaChapelle (1997), un portrait de Sylvie Vartan par Nina Childress (1986) ou encore « Power girl » de Valérie Belin (2016). Dans cette dernière œuvre, sursaturée de visuels, une femme silencieuse à la beauté sombre rappelle les films d'Hitchcock. Associée l'univers des comics américains, elle semble pourtant absorbée par ses pensées de super-héroïne bien puissante.
« Esprit pop, es-tu là ? » à voir aux Franciscaines à Deauville jusqu’au 25 juin 2023.