Elle n'a plus de toit : une association caritative contrainte de mettre la clé sous la porte

L'association Bouchons du Calvados récolte les bouchons en plastique pour les revendre à un recycleur et reverse les bénéfices à des personnes en situation de handicap. En mai prochain, elle devra cesser son activité, faute de local adapté pour pouvoir l'accueillir.

Ils ont "le cœur gros". L'année 2024 aura la peau des Bouchons du Calvados. Depuis 2001, les vingt bénévoles de cette association parcourent le département pour récolter les bouchons des bouteilles jetables, des tubes de dentifrice et les couvercles des boîtes de lessives. 180 points de collecte sont répartis dans les entreprises, les écoles et autres lieux publics calvadosiens.

Évitant à ces morceaux de plastique de disparaitre dans les poubelles, l'association les revend à un recycleur, à 325 euros la tonne. Le bénéfice est reversé à des personnes en situation de handicap, pour financer des équipements spécialisés. Une quinzaine de personnes sont ainsi accompagnées chaque année, les Bouchons contribuant à l'achat et la réparation de fauteuils roulants ou de lits adaptés. Seulement, les récoltes de bouchons s'appauvrissent d'année en année, alerte le président de l'association, Michel Meslier.

Coup de grâce

Ce mois de mars, les Bouchons du Calvados reçoivent leur coup de grâce. Privé de son local de 1 000 mètres carrés à Hérouville-Saint-Clair (Calvados) suite au contrôle d'une commission de sécurité, l'association ne trouve plus d'hébergement à sa convenance.

Les tonnes de plastique que transporte et stocke l'association depuis des années ont un inconvénient majeur : leur matière est très facilement inflammable. Le local doit donc répondre à des normes anti-incendie très exigeantes, que peu de communes s'estiment capables d'assumer. "On stocke beaucoup de plastique parce que notre recycleur ne fait pas le déplacement pour moins de huit tonnes", explique Michel Meslier. Alors le coup de l'assurance est très élevé pour les mairies".

Depuis une vingtaine d'années, seule la mairie d'Hérouville-Saint-Clair avait accepté d'offrir l'hospitalité à l'association et ses tonnes de plastiques, dans un local prêté gratuitement, au sous-sol du centre commercial du quartier des Belles-Portes.

Le passage d'une commission de sécurité incendie au mois de mai 2023 a changé la donne. Les inspecteurs ont pointé du doigt la non-conformité du local avec les normes de sécurité et exigé des travaux ou le départ des occupants.

Fin du bail

La mairie explique ne pas pouvoir assumer les "travaux importants" que nécessiterait une mise en conformité des lieux. D'autant que le bâtiment du centre commercial tout entier doit être détruit, avant d'être refait à neuf, d'ici à quelques années. Le bail signé par les Bouchons avec la mairie d'Hérouville-Saint-Clair n'a donc pas été renouvelé pour 2024. L'association doit quitter les lieux d'ici juin. "Espérons que nous pourrons continuer cette belle chaîne de solidarité, si nous trouvons un local", écrivait l'association, en février dernier, sur ses réseaux sociaux.

La mairie d'Hérouville insiste sur un point : attachée à l'activité des Bouchons du Calvados, elle a proposé à l'association de lui financer un local alternatif. "On était prêt à les accompagner encore", fait savoir un employé municipal. L'option d'un local aménagé dans des containers à bateau a été évoquée. Mais les responsables des Bouchons du Calvados ont décliné l'offre.

"Gros sur le cœur"

"Dans l'offre présentée par la mairie, il fallait financer nous-mêmes les bennes extérieures, pour un coût de 4 000 euros", évoque Michel Meslier. "Mais on ne peut pas se permettre de payer quoi que ce soit, tout notre financement est intégralement reversé à l'aide au handicap", précise-t-il.

La mairie d'Hérouville proposait en outre un bail d'une seule année, dont le renouvellement n'était pas assuré. "On demandait quelque chose dans la durée, car déménager est très compliqué", avance le président de l'association, qui ajoute qu'il "remercie la municipalité pour le prêt des locaux depuis vingt ans".

Début mars, le bureau de l'association a décidé de la dissolution prochaine des Bouchons du Calvados. "On en a gros sur le cœur, mais on se rend à l'évidence", témoigne son président.

Des collectes plus maigres

La baisse d'activité aura aussi participé à sceller le sort. En 2023, l'association n'avait pu récolter que 23 tonnes de bouchons en plastique, contre le double cinq ans plus tôt. Michel Meslier accuse l'avènement, depuis quelques années, des "bouchons solidaires", ceux qui ne se détachent plus de la bouteille. Une norme de l'Union européenne les rendra obligatoires en juillet prochain.

"Beaucoup de gens évitent d'acheter des bouteilles en plastique, car l'état d'esprit change. On veut moins de plastique pour moins de pollution. Je ne sais pas si les collectes pourront continuer encore des années", s'interroge le président.

L'association cessera totalement ses activités après le bouclage de sa dernière collecte le 15 mai prochain, fait savoir Michel Meslier.