Quelques privilégiés ont eu la chance d'apercevoir un animal rare dans les eaux de la Manche le dimanche 10 mars. Une baleine à bosse a surgi de l'eau à plusieurs reprises au large de Ouistreham.
Ils sont peu nombreux à avoir pu assister au spectacle. Il fallait pour cela embarquer à bord d'un bateau et s'éloigner un peu de la côte. Parmi les chanceux qui ont pu approcher l'animal, les gendarmes de la brigade nautique de Ouistreham, prévenus par un ornithologue en lien avec le groupe mammalogique normand.
"C'est un spectacle grandiose, exceptionnel", raconte le maréchal des logis-chef Thiel qui commande la brigade nautique. "Nous l'avons suivie pendant un peu plus d'une heure entre Hermanville-sur-mer et Ouistreham. Elle disparaissait pendant plusieurs minutes, puis elle sortait deux fois de suite. C'est assez caractéristique de la baleine à bosse et c'est ce qui a permis de l'identifier. D'après ce qu'on a pu observer, elle mesure environ 8 mètres. Ce serait donc une jeune baleine".
Un plaisancier a pu lui aussi approcher le cétacé et immortaliser l'instant :
Personne n'est venu la déranger. Les gendarmes ont veillé à ce qu'aucun bateau ne la perturbe. "Il est formellement interdit d'approcher une baleine à moins de 300m. Au-delà de l'infraction commise, cela pourrait modifier son comportement et mettre en danger l'animal en augmentant les risques d'échouage ! " , rappelle ainsi la gendarmerie du Calavdos sur sa page Facebook.
Pour les spécialistes, aucun doute sur l'identité de l'animal à la vue des quelques images diffusées sur la toile. "Ce qu’on voit, c’est bien une baleine à bosse. On aperçoit un petit aileron dorsal à base large caractéristique", explique Maïlys Baudoint, chargée de médiation scientifique au Groupe d’études des cétacés du Cotentin (CECC). "Il y a aussi une caudale dentelée avec une pigmentation plus claire sur la face intérieure. Cette pigmentation est propre à chaque individu".
Une route migratoire alternative
Selon les premières observations des experts, il s'agirait d'un mâle d'environ 2 ans, mesurant près de 8 mètres de long. D'ordinaire, le cétacé s'épanouit davantage dans les eaux de l'Atlantique nord. "Une baleine à bosse ici, c'est assez rare. On les voit peu, mais ce n’est pas impossible de les trouver en Manche", indique Maïlys Baudoint, "Nous sommes situés sur la route migratoire. Les baleines passent l'hiver en zone tropicale pour la reproduction. Elles migrent ensuite vers les hautes latitudes arctiques où se trouvent leurs aires d'alimentation. Normalement, elles passent au large de l'Irlande et elles contournent l’archipel des îles britanniques par le nord. Mais certaines passent par la Manche."
En mars 2022, une baleine à bosse avait déjà été aperçu devant Courseulles-sur-Mer. Au mois de février 2023, une juvénile s'était retrouvée piégée dans l'estuaire de la Rance près de Saint-Malo. Au début de cette année, l'Office Français de la Biodiversité a publié une vidéo d'une baleine observée en mer d'Iroise.
Plusieurs cas d'échouage
Malheureusement, le passage de cétacés au large de la Normandie ne se termine pas toujours bien. Plusieurs cas d'échouage sur nos côtes ont été recensés ces dernières années, notamment en Seine-Maritime, à Veule-les-Rose et Saint-Valéry-en-Caux en 2023 ou à Genêt dans la Manche en 2020. Dix ans plus tôt, une autre baleine à bosse, cette fois-ci un jeune baleineau avait été retrouvé sans vie dans les filets d'un pêcheur au large du nord-Cotentin et ramené à Omonville-la-Rogue.
Pour le spécimen aperçu dimanche dernier, au large d'Hermanville-sur-Mer et de Ouistreham, pas d'inquiétude. "Sur la vidéo, elle (la baleine) fait sa plongée de façon normale. Elle ne paraît pas en difficulté. Les animaux qui s’échouent sont malades ou en fin de vie. Cela n’est pas le cas ici", assure Maïlys Baudoint, du Groupe d’études des cétacés du Cotentin.