Trois parcs éoliens en mer sont en cours de construction au large des côtes normandes. Dans le Calvados, un premier câble est tiré depuis ce samedi pour acheminer l'électricité qui sera produite d'ici deux ans.
"Une opération extrêmement délicate". C'est ainsi que Jacques Frémaux, le directeur du projet de raccordement du parc éolien de Courseulles-sur-Mer, décrit la manœuvre débutée ce samedi en début d'après-midi. 150 personnes et une vingtaine de bateaux sont mobilisés pour cette "étape clé du projet" de parc éolien en mer. L'opération doit durer trois jours.
A trois kilomètres de la côte, au large de Bernières-sur-Mer, un imposant navire câblier stationne avec à son bord un câble de 1800 tonnes (120 kilos au mètre) de 22 centimètres de diamètre déroulé petit à petit par un treuil à la vitesse de trois mètres par minute. "L'objectif c'est de ramener ce câble jusqu'au niveau du parking du Platon à Bernières-sur-Mer. Il faut maintenir la position du câble en flottaison contre les marées et les courants et le guider sur 2,5 kilomètres". Une dizaine de caissons flottants maintiennent à flot le précieux chargement, un dispositif complété par des bouées installées tous les cinq mètres et par une dizaine de bateaux chargés de le retenir contre les courants.
A Bernières-sur-Mer, se trouve la chambre d'atterrage qui assure la connexion avec les 24 kilomètres de câbles souterrains menant au poste électrique de Ranville. "Une fois arrivé (à terre), le bateau câblier va dérouler le câble sur 15 kilomètres. Il sera prêt à être raccordé à la plateforme en mer qui va arriver au printemps 2023." D'ici une quinzaine de jours, après les cérémonies du 6 juin, la même opération sera menée pour installer un second câble. Un robot sera chargé de creuser des tranchées d' 1m50 de profondeur pour les enfouir sous la mer. Cette étape va s'étaler jusqu'au mois de septembre. La première mise sous tension est programmée à la fin de l'année 2023 pour une mise en service complète du parc éolien de Courseulles prévue elle en 2024.
Les fonds marins normands propices à l'éolien
"C'est le second raccordement que nous faisons en Normandie. On a fait la même opération à Fécamp durant l'automne dernier. On va commencer les travaux de raccordement pour le parc éolien de Dieppe-Le Tréport dans le courant de l'année", indique Nathalie Lemaitre, déléguée régionale du Réseau de Transport d'Electricité (RTE). Outre ces trois projets en cours de production, deux autres sont à l'étude au large du Cotentin. "La particularité des côtes normandes, c'est que les fonds marins diminuent très lentement, les fonds restent peu profonds sur une longue distance ce qui permet d'installer des parcs éoliens en mer posés assez loin des côtes."
Selon les projections, si les cinq parcs normands voient le jour (Fécamp, Dieppe-Le Tréport, Courseulles-sur-Mer et deux autres dans le Cotentin), ils permettront de produire 4000 mégawatts. "Ça représente 10% de l'ambition nationale en termes de parc éolien en mer à l'horizon 2050 (ndlr : objectif de 40 gigawatts produits par l'éolien en mer en 2050), c'est une des conditions pour atteindre la neutralité carbone en France", affirme Nathalie Lemaître. Pour l'heure, en dehors des projets normands, seuls deux autres parcs sont en cours de construction en France : en baie de Saint-Brieuc chez nos voisins bretons et au large de Saint-Nazaire dans les Pays de la Loire.
Marcher sur des œufs
Et à chaque fois, les promoteurs des différents projets doivent faire face à une certaine hostilité parmi la population, à commencer par celle des pêcheurs. Dans le Cotentin, les premières réunions de "concertation" organisées l'été dernier par les services de l'Etat se sont déroulées dans un climat très tendu. Alors une fois le feu vert définitif accordé, les différents intervenants sur ces chantiers continuent à marcher sur des œufs. "Sur l'ensemble de nos projets de raccordement, nous avons un dialogue continu avec les pêcheurs pour adapter les périodes de nos travaux à leurs activités et les gêner les moins possibles", assure Nathalie Lemaitre, déléguée régionale du Réseau de Transport d'Electricité, "Par exemple, sur ce projet, notre objectif est de terminer l'ensemble des opérations de déroulage des câbles avant le début de la période de pêche des coquilles Saint-Jacques. Nos plannings sont adaptés pour tenir compte de l'ensemble des activités, que ce soit la pêche mais aussi le tourisme. Nous allons restituer cette plage aux vacanciers avant l'été."
Avec ses 64 éoliennes, le parc éolien de Courseulles-sur-Mer devrait produire à terme 450 mégawatts ce qui représente la consommation de 630 000 habitants soit 90% de la population du département du Calvados. Soit un peu moins que celui de Fécamp ( 500 mégawatts soit 770 000 habitants) qui sera le premier parc éolien en mer normand à entrer en service, l'année prochaine.